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Tonnerre sous les tropiques
C'est le choc de la soirée en Guyane. Récemment promu en division d'honneur, le FC Kourou va tenter de préserver sa place sur le podium en battant l'historique US Sinnamary, actuellement relégable. À quelques heures du match, retour sur les destins croisés de deux clubs que tout oppose.
Derrière chaque match de football se cache une histoire. Loin des strass et des paillettes, la rencontre de ce dimanche soir entre l’US Sinnamary et le FC Kourou ne fait pas exception à la règle. Ici, pas de flashs qui crépitent, on se retrouve entre amateurs de division d’honneur. « En Guyane, il y a deux divisions. Une division PH scindée en deux poules, tandis que les meilleurs clubs se retrouvent en DH » , explique Sébastien Conet, le président du Kourou FC, originaire du Mans : « Nous, on est montés cette saison dans l’élite. C’est très satisfaisant, car le club a été créé il y a moins de six ans » . Ambitieux, le promu est l’équipe surprise de cette saison en Guyane, où il occupe une solide troisième place en championnat. « Normalement, pour un promu, l’objectif c’est le maintien, mais on a pu conserver les trois quarts de notre équipe après l’accession, en plus de nous renforcer avec des joueurs locaux confirmés, habitués à la sélection guyanaise. Cela nous a permis d’élever le niveau. » En l’occurrence, les deux nouvelles stars de l’équipe se nomment Rhudy Evens, le maestro, et Nalie Orpheo, le buteur. « Rhudy Evens est vraiment bon, c’est l’ancienne pièce maîtresse du Geldar, le meilleur club de Guyane ! Selon moi, il a le niveau pour jouer en métropole, au moins en National ! » s’exclame au téléphone Fabrice Torvic, le président de l’US Sinnamary, avant de se rappeler qu’il parle d’un adversaire : « En même temps, c’est une tête brûlée, il est très impulsif, il pète souvent les plombs sur le terrain » .
« Une relégation serait très grave »
Créé en 2008, le FC Kourou s’impose cette saison comme le meilleur club de la capitale spatiale, devant le Geldar donc, dix fois champion de Guyane. Une performance remarquée qui ne doit rien au hasard, même si l’équipe compte actuellement deux matchs en plus sur la concurrence. « L’enjeu pour nous, c’est de rester sur le podium. Pour une première saison, ce serait exceptionnel » , explique Sébastien Conet, tout sourire, avant de présenter un peu plus le choc de ce dimanche : « Sinnamary est actuellement lanterne rouge, mais on les craint, car c’est un club référence en Guyane, qui a collectionné les titres dans les années 90. Cela va être dur, car ils doivent prendre des points pour sauver leur place, ce sera un match engagé. En DH ou en Ligue 1, peu importe, tous les équipes à la lutte pour le maintien sont difficiles à battre » . Cette dernière place, plutôt surprenante, Fabrice Torvic s’en explique comme il peut : « C’est l’accumulation de plusieurs choses. Déjà, notre effectif n’est pas très riche et nous avons eu beaucoup de blessés. Mais le principal problème, c’est qu’il n’y a pas grand-chose à gagner dans notre championnat. Quand tu n’es plus dans le coup pour jouer les deux premières places, très souvent les joueurs lèvent le pied » . Le président l’assure néanmoins, ce dimanche soir, ses protégés seront au rendez-vous : « Une relégation serait très grave pour le club. Ici, le football est roi, mais dans les divisions inférieures, personne ne vient au stade » .
« On a quand même formé Jean-Claude Darcheville »
Plus que l’opposition entre deux villes distantes de cinquante kilomètres, ce sont deux destins opposés qui s’affrontent ce dimanche. Entre le jeune promu aux dents longues et le club historique un peu émoussé, le match promet d’être riche en symboles. « Le football, c’est un cycle » théorise Fabrice Torvic, qui mise à l’avenir sur la jeunesse de l’US Sinnamary pour revenir au plus haut niveau. « On a quand même formé Jean-Claude Darcheville » se vante-t-il dans un souffle, avant d’étayer : « On a gagné le label d’école de football. Nous avons des éducateurs diplômés, des infrastructures flambant neuves et un vivier de jeunes assez important. C’est pas mal, vu les conditions et le manque de moyens » . Minée par 20% de chômage, la Guyane ne peut en effet offrir de rétributions financières aux joueurs du championnat, qui doivent souvent composer avec une réalité difficile. « Il y a parfois des petites rémunérations au coup par coup, mais personne n’est embauché sous contrat » complète Sébastien Conet, conscient des limites actuelles du football guyanais. « On reste quand même des compétiteurs » explique le jeune président, avant de chauffer un peu ses protégés avec une récompense en nitroglycérine : « Si on gagne ce soir, j’invite toute l’équipe pour une grosse soirée chez moi, autour de ma piscine » .
Par Christophe Gleizes