- Euro 2024
- Quarts
- Espagne-Allemagne (2-1, AP)
Toni Kroos, adieu mon pays
La riche carrière de Toni Kroos (34 ans) a pris fin ce vendredi, à l’issue de l’élimination de l’Allemagne à l’Euro. Emporté par son élan et pris par l’enjeu face à l’Espagne, le stabilisateur de la Mannschaft est passé à côté de son rendez-vous et aurait même pu le quitter prématurément, à l’image de Zinédine Zidane ou Gheorghe Hagi avant lui.
Sous les applaudissements de la Stuttgart Arena, Toni Kroos a eu droit aux accolades des joueurs espagnols, pour certains ses ex-coéquipiers au Real Madrid, mais aussi à des pancartes « Le meilleur 8 du monde », à des maillots blancs floqués et brandis en son honneur. C’est limite si l’élimination de l’Allemagne à domicile n’avait pas été reléguée au second plan après la retraite anticipée du champion du monde 2014. Il faut dire que Kroos a probablement longtemps cru lui-même à la séance de tirs au but face à la Roja, pour s’illustrer une dernière fois devant son public. Mais la Mannschaft a flanché en fin de prolongation, sur un coup de tête dans le bon timing de Mikel Merino, ponctué par une célébration emblématique au poteau de corner. De là à parler d’adieux ratés ?
Kroos sur la patate
Évidemment que l’ancien compère de Luka Modrić aurait signé tous les jours pour une ultime représentation à Berlin, le 14 juillet, tout en terminant couronné à son terme. Mais si l’Allemagne a démarré son Euro en fanfare contre l’Écosse, elle a progressivement révélé ses limites, y compris dans la prolongation du quart de finale, là où l’Espagne avait clairement repris le dessus. Auparavant, il y a aussi eu cette VAR à deux vitesses, qui a retourné le huitième de finale face au Danemark en sa faveur, après un but refusé à Joachim Andersen et un penalty sifflé dans la foulée contre l’ancien Lyonnais. « L’élimination est plus importante que toute autre chose parce que nous sommes tous passés à côté de l’objectif. Notre rêve a été brisé », a lancé le principal intéressé en zone mixte, forcément très touché. « Même si dans les prochains jours, on se rendra sans doute compte qu’on a réalisé un bon tournoi, on est très amers ce soir. On a tout donné et on était si proches… ça rend les regrets encore plus forts. On peut être fiers car on a redonné espoir au football allemand. Mais on voulait aller un peu plus loin », a-t-il poursuivi, tête basse.
Mais, en dépit de cette fin sportive brutale, Kroos doit-il s’estimer en réalité heureux d’avoir pu disputer 120 minutes en guise de jubilé ? Rappelons que le tout début de rencontre est marqué par deux énormes fautes du métronome allemand, vite dépassé par les événements. Sur une intervention extrêmement tardive dans les pieds de Pedri, il échappe inexplicablement à la biscotte et met surtout fin au tournoi du petit prodige espagnol, déjà fragilisé physiquement et touché sur le coup au niveau du ligament latéral interne du genou gauche. Quelques instants plus tard, c’est Lamine Yamal qui a fait les frais de l’excès d’engagement du sextuple vainqueur de la Ligue des champions, en subissant une vilaine semelle, toujours pas sanctionnée.
Bénéficiant de la mansuétude d’Anthony Taylor, il lui aura fallu pas moins de 8 fautes commises avant d’encaisser enfin son carton jaune symbolique, après l’heure de jeu. À ce titre, Luis de la Fuente, le sélectionneur espagnol, s’est insurgé – avec respect – contre le manque de discernement de l’arbitre : « Pedri souffrait. Je pense que Kroos méritait un carton rouge. Mais c’est vrai aussi, quand on joue autant, à ce stade, qu’il faut savoir utiliser toutes ses armes. Je n’ai aucun reproche à faire au joueur allemand. » Constamment mis en difficulté par le pressing des Ibériques, le frère de Felix n’a cessé d’être à contretemps, ne sortant du bois, par courtes séquences de passes vers l’avant, qu’une fois que les Espagnols ont commencé à lever un peu le pied, étant déjà devant – une première fois – au tableau d’affichage.
De retour en sélection en février après une première retraite internationale prise en 2021, Kroos avait apporté de l’équilibre, de la solidité et de la vision à l’entrejeu germain, là où les points d’ancrage et de référence manquent cruellement. « Il est impossible d’apprécier à sa juste valeur la carrière de Toni. Elle est probablement unique pour un joueur allemand, s’enthousiasmait vendredi soir l’homme à l’origine de ce retour : Julian Nagelsmann. Il est certainement l’un des plus grands joueurs allemands. Tout le monde connaît sa réussite, mais tout le monde ne connaît pas son caractère. Il se considère toujours comme faisant partie de ce groupe. » Mais, à l’ouest techniquement pour sa sortie de scène, il ne peut pas sauver la mauvaise impression finale avec une avant-dernière passe pour Max Mittelstädt, sur le but égalisateur de Florian Wirtz. Pourra-t-il se consoler avec sa paire de crampons de toujours qui portera son nom ? Sûrement pas. Néanmoins, Toni Kroos restera comme l’un des plus grands milieux de terrain de son siècle. Désormais, le voilà dévoué au podcast de son frère et à son académie de football dans la capitale espagnole.
Par Alexandre Lazar