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Tommy Burns : plus fort que le sectarisme
À Glasgow, un Old Firm game est synonyme de scission encore plus flagrante que d’ordinaire. Cependant, il était un homme qui réussit la prouesse d’unir toutes les couleurs de la ville. Le jour de sa disparition.
Quiconque ouvre les mirettes en se baladant à Glasgow aura remarqué l’hommage jonchant un trottoir ou fixé à une barrière. RIP, griffonné sur un morceau de carton suivi d’un prénom, une bouteille vide de Buckfast, sorte de piquette locale, et une écharpe ou un maillot dont les couleurs varient selon l’allégeance prêtée par la victime à l’endroit même de l’accident fatal. Le 15 mai 2008, le défunt est bien moins anonyme à en croire le parvis de la petite église St Mary’s recouvert de fleurs, de maillots et d’écharpes aux couleurs du Celtic ou des Rangers. Thomas Burns, légende des Bhoys, s’est éteint à cinquante-et-un ans des suites d’un cancer de la peau.
Né au même endroit que son club fétiche
Supporter du Celtic, Tam l’est depuis la naissance. Comment aurait-il pu en être autrement pour celui qui est né en 1956 à deux pas de cette église St Mary’s, précisément où Brother Walfrid et ses comparses fondèrent le Celtic Football Club. « À cinq minutes de marche de Celtic Park » , situe d’emblée Hugh Keevins, biographe du joueur disparu. « C’était déjà le quartier que l’on connaît aujourd’hui, avec une éducation dure. Ses parents étaient issus de la classe ouvrière et ne roulaient pas sur l’or » . Tommy rêve en suivant les exploits des Lisbon Lions, élevant le Celtic au rang de premier club britannique champion d’Europe. Un joli pied de nez pour un club dont les fans ne cessent de revendiquer l’identité irlandaise.
Lorsqu’on l’interroge sur la manière dont Burns s’est retrouvé au Celtic, Hugh Keevins aime raconter comme « quelqu’un l’a vu jouer pour son école et s’est ensuite rendu à Celtic Park pour recommander Tommy. Il s’est vu offrir un essai, puis a signé » . Simple, à une époque où les agents autoproclamés ne rôdent pas encore autour des pelouses dans l’espoir de dénicher une poule aux œufs d’or. Des amateurs d’Eastercraig, Burns se retrouve à échanger le ballon avec Jimmy Johnstone, Bobby Lennox ou Billy McNeill, trois des Lisbon Lions. Si l’apprentissage est rude, le virevoltant milieu de terrain profite de son premier salaire pour satisfaire un besoin des plus physiologiques. « Le jour de sa signature, Jock Stein lui demanda où était son manteau. Il en a acheté un quand il a commencé à percevoir de l’argent » , sourit le biographe devenu ami au fil des années.
Adoubé par Cruijff
À cause de débuts compliqués en 1975 face à Dundee, le rouquin au tempérament fougueux doit patienter un peu plus d’un an avant de porter à nouveau le maillot des Hoops et en devenir l’une des pièces maîtresses. La moisson de trophées peut commencer. Blessé contre les Gers lors du match du titre de 1979, Burns se venge deux ans plus tard en se montrant décisif face à l’autre Dundee, United, pour être à nouveau champion. Les accès d’impétuosité mis de côté, se hisse en 1982 au niveau des Strachan, Bannon ou Stark. Au sortir d’une rencontre face à l’Ajax, Johan Cruijff himself l’adoube : « dans l’équipe du Celtic j’ai bien aimé le rouquin » . Mais, à l’approche du Mundial espagnol, Jock Stein, devenu sélectionneur national, annonce de la manière la moins pédagogique possible au groupe des vingt-quatre présélectionnés que deux ne feront pas partie du voyage au soleil, dont Tommy Burns. La plus grosse déception de sa carrière.
Burns n’en perd pas son intégrité pour autant, se permettant le luxe de se mettre une partie des fans de l’ennemi juré dans la poche. « Lors d’un match face aux Rangers, Tommy aidait Derek Ferguson sur le terrain. Il le dirigeait et l’encourageait pour que son premier derby ne soit pas un cauchemar » , confie Hugh Keevins, « c’est en apprenant cela que les fans des Rangers ont compris que Tommy était quelqu’un de spécial » . Son affection pour le Celtic n’est pas à mettre en doute pour autant. « Je n’ai jamais vu quelqu’un aimer le Celtic autant que lui. Il aurait lavé les maillots si on lui avait demandé » , rétablit Keevins. Un amour déterminant au moment de baisser son salaire pour rester et ne pas découvrir la plus lucrative First Division anglaise.
Une amitié éternelle avec une légende des Rangers
La carrière managériale de Burns n’est pas couronnée d’autant de succès que celle du joueur, la faute à des Rangers entamant leur nine-in-a-rowpendant que le Celtic connaît l’austérité. Burns bricole trois saisons durant avec des moyens du bord néanmoins tout à fait honorables, propose un jeu chatoyant et remporte la coupe d’Écosse en 1995. Le premier trophée des Celts en sept ans.
Lors de ses funérailles, retransmises en direct, toute la ville pleure. Les supporters du Celtic de perdre celui qui personnifiait leur club, et ceux des Rangers, dont une partie tient à saluer la mémoire en rentrant d’une finale de coupe UEFA un tantinet agitée perdue quelques heures auparavant. Thomas Burns est retourné une ultime fois à l’église St Mary’s, porté par Ally McCoist et Walter Smith, légendes des Rangers et amis proches malgré la rivalité. « La famille de Tommy souhaitait que Walter Smith porte le cercueil » , explique Hugh Keevins, « cela montre à quel point leur amitié a duré » . Et peu importe les couleurs.
Par Grégory Sokol
Tous propos recueillis par GS