- International
- Match amical
- Angleterre/Danemark
Tom Cleverley, seul contre tous
« Nous croyons que pour défendre la réputation de cette fière nation de football, il devrait être interdit de participer à cette grande vitrine du football international, l'été prochain. » Tirée d'une pétition visant à interdire à Tom Cleverley de participer à la Coupe du monde l'été prochain, cette phrase illustre l'incompréhension des Anglais quant au choix de Roy Hodgson. Si la pétition, signée plus de 10 000 fois, est plutôt moqueuse à défaut d'être méchante, elle est surtout révélatrice du malaise grandissant entre les fans des Three Lions et leur sélectionneur. Pas idéal à cent jours du coup d'envoi de la plus prestigieuse des compétitions.
Présenté depuis longtemps comme le digne successeur des Paul Scholes et autre Frank Lampard dans l’entrejeu des Three Lions, Tom Cleverley peine à confirmer les espoirs que laissaient entrevoir un début de carrière prometteur. Au point de cristalliser les moqueries des fans anglais : « À la base, c’était une petite blague entre potes, je voulais faire marrer mes amis. » Comme souvent avec les phénomènes internet, la diffusion virale de la page n’était pas préméditée, comme le confie Glenn McConnell, l’auteur de la fameuse pétition : « C’est incroyable. Mais je crois que cela est majoritairement dû aux médias, qui ont repris le sujet. Il y a eu un article très critique sur Eurosport, mais ils ont mis un lien vers la pétition, qui a ameuté plein de personnes. Ce qui est irréel, c’est la vitesse à laquelle les choses se répandent. C’est comme si le clavier a remplacé par la parole. » Un clavier derrière lequel se cachent beaucoup de détracteurs du joueur, mais également des personnes pour le défendre : « Je n’ai pas eu que des soutiens. Les fans de Manchester United veulent défendre leur joueur. Mais j’aurais dit la même chose pour un joueur de Manchester City, Liverpool ou Tottenham. Je ne remets pas en cause son implication, je dis qu’il y a des meilleures options que lui à ce poste. »
S’il révèle avoir reçu beaucoup de messages d’insultes, McConnell n’hésite pas à se défendre, disant vouloir pointer du doigt un problème plus large : « Beaucoup de gens m’accusent de vouloir détruire sa carrière, en brisant sa confiance. En disant cela, ils disent qu’il n’a pas le mental pour affronter les critiques, qu’il est une personne faible. Moi je dis juste qu’il n’est pas assez bon joueur pour représenter l’Angleterre. »
Sacrifié pour l’exemple
Tom Cleverley, qui a pris la mauvaise habitude de ne jouer qu’en passes latérales cette saison, semble avant tout concentrer toute la frustration du public anglais face à la médiocrité des joueurs qui incarnent cette nouvelle vague : « On est loin d’avoir une génération dorée. Je pense même qu’on serait chanceux de passer les poules à la Coupe du monde. Mais le milieu de terrain est peut-être le secteur où nous avons le plus de richesses. Sélectionner Cleverley aujourd’hui, c’est un gâcher une sélection. » Surtout, la sélection du numéro 23 des Red Devils empêcherait d’autres joueurs plus en forme cette saison de montrer leur valeur sur la scène internationale : « Une grande partie du problème vient du fait qu’il est avantagé parce qu’il joue dans un grand club, à Manchester United. On a des milieux comme Jonjo Shelvey, Tom Huddlestone, Jake Livemore, qui sont allés dans des clubs plus petits pour éclore, et jouent tous très bien cette saison. Aucun d’entre eux n’a été récompensé, et je pense que c’est un mauvais message à transmettre aux jeunes joueurs. On leur dit, « Il joue à Manchester United, il a plus de talent pour représenter l’Angleterre. » » Une aberration propre à la perfide Albion, et qui ne daterait pas d’hier : « Dans les autres pays, on regarde les joueurs de tous les clubs du championnat. En Angleterre, on les sélectionne dans les huit meilleures équipes. Selon moi, Matt Le Tissier était le joueur le plus talentueux de sa génération. Il n’a jamais été récompensé, parce qu’il jouait à Southampton, c’est idiot. »
À en croire McConnell, Tom Cleverley serait donc plutôt devenu un bouc émissaire, victime des choix étranges du sélectionneur. « Cleverley est juste l’exemple du cas le plus alarmant, par rapport aux options que nous avons en réserve. Pendant longtemps, Jordan Henderson a été très critiqué, mais il est revenu plus fort et est la révélation de la saison. Cleverley devrait prendre exemple sur lui. Je ne pense pas qu’il devrait être banni de la sélection pour toujours, mais il n’est pas prêt pour la Coupe du monde. » En 1998, Jacquet avait sélectionné Dugarry contre vents et marées, pour le résultat que l’on connaît. Et si Cleverley était le « Duga » anglais ?
Par Paul Piquard