Titi, sa main et le fair-play ?

Henry a fait amende honorable en reconnaissant avoir rabattu le ballon de la main. Mais comme il le dit lui-même « J’ai fait main, mais je ne suis pas l’arbitre » . Autrement dit, c’est à l’homme en noir, en jaune hier soir, de voir, de juger et de sanctionner. Trappatoni lui-même n’en veut pas à Henry. Mais lui ne pense pas que l’arbitre aurait dû voir. Il pense que le Suédois, voyant les réactions des joueurs irlandais et l’indécision de son assistant, devait simplement demander à Henry s’il avait fait main. « Si l’arbitre avait posé la question à Henry, il aurait dit :  »Oui, c’était une main sur le ballon » » se croit t-il autorisé à dire. Et là est bien toute la question. Henry n’a rien dit sur le coup, il en a même rajouté dans la célébration du but faisant le tour du but puis rejoignant le poteau de corner, bras en croix et bouche grande ouverte, honte et remord bien planqués. Donc, rien sur le coup, mais reconnaissons que ce n’est pas facile pour un joueur sur une action aussi décisive d’aller voir l’arbitre, pendant que ses copains s’étreignent tout à leur joie, pour lui dire « Désolé vous ne pouvez accorder ce but, j’ai fait main » . Bonjour les discussions dans le vestiaire à la fin du match et imaginons les commentaires aujourd’hui dans la presse. Peut-on accepter dans un sport collectif, lorsque l’on représente son pays, avec toute la pression du résultat, qu’un joueur seul prenne la décision de se dénoncer et de faire perdre son équipe par ricochet? Question épineuse qui renvoie à la place que nous donnons au mot fair-play. Pour le Trap, les choses sont assez claires: « Je regrette amèrement tout ça. Ce n’est pas la faute d’Henry, c’est une question de fair-play. Ce n’est pas facile à accepter. Sur cette action-là, on change les règles. On parle en permanence du fair-play, fair-play, fair-play. J’en ai parlé aux jeunes footballeurs tant de fois dans ma carrière, pour leur dire que c’est important dans la vie. Mais c’est dur » , Franchement, si ce n’est pas la faute d’Henry, c’est la faute à qui? Qui devait dire “il y a main” puisque les arbitres ne l’ont pas vue ?

Pour notre Raymond, les choses sont claires aussi. Rien vu, on lui a dit que le but était accordé, soulagement, émotion, fait de jeu, bla bla, blablabla. Voilà la question du fair-play réglée.

Mais, qu’en est-il maintenant de l’honnêteté? En reconnaissant la main à la fin du match, Henry a été honnête, certes. Mais à moindre frais. Que se serait-il passé si l’arbitre lui avait demandé avant d’accorder ou non le but? Aurait-il dit « Oui j’ai fait main » ou au contraire « Non pas du tout » ou plus sûrement « Je ne sais pas, ça allait vite, c’est à vous de dire » ? Bref Henry aurait-il pris le risque d’être un menteur aux yeux de tous, ou celui de faire rester la France à la maison cet été ? Vaste sujet qu’il est difficile de trancher bien que la première hypothèse soit la plus sûre. Que ferait chacun de nous si une telle alternative nous incombait ? Cependant, qu’un arbitre demande à un joueur de dire la vérité quand il n’a rien vu est la solution la plus simple. Finalement, c’est celle des matchs de cour d’école sans arbitre. On s’engueule un peu, mais on y arrive.

L’histoire est particulièrement avare d’attitude chevaleresque à ce niveau. L’une des plus connues est celle de Fowler, la star de Liverpool des années 1990 qui aurait signalé à l’arbitre qu’il avait sifflé par erreur un pénalty pour une faute de Sieman sur lui-même, et qui aurait même été jusqu’à volontairement louper le penalty. Une histoire controversée du côté de Liverpool et qui ne correspondait pas trop au personnage. Un de ses coéquipiers déclara un jour que cette histoire l’avait bien fait rire mais que Fowler avait fait des grands gestes parce qu’il croyait que l’arbitre allait lui coller un carton pour simulation. A aucun moment, il n’avait envisagé de dire qu’il n’y avait point faute. Une imposture donc.

On se rappelle aussi d’Arsène Wenger, proposant de rejouer un match de Cup gagné par Arsenal, car ses joueurs avaient inscrit le but victorieux en oubliant de rendre la balle à l’adversaire suite à une mise en touche volontaire pour blessure. Mais cette décision était après coup, prise dans les vestiaires, par le manager du club, pour un match tout de même moins décisif. Avouons cependant que ça aurait eu de la gueule, hier soir, vers 23h45, d’entendre Domenech proposer de rejouer le match. Connaissant le personnage et son sens du contre-pied, il est presque surprenant qu’il n’y ait pas pensé. Et Escalettes alors?
Finalement il faut en revenir au fondement de ce jeu pour comprendre l’attitude de chacun ici. Sport professionnel, le foot s’est émancipé des valeurs de la bonne éducation universitaire prôné par l’amateurisme. En colonisant le jeu, les prolétaires l’ont aussi éloigné des valeurs de la chevalerie et c’est la culture de la rue qui a pris le pas, celle qui loue le chapardeur face au gendarme et le “struggle for life”. Finalement est autorisé tout ce que l’arbitre ne voit pas.

Hier, le plus simple aurait été qu’Henry nous fasse une vraie Maradona et inscrive un but d’anthologie dix minutes plus tard. Pour faire passer la pilule. Et éviter la mauvaise conscience d’une nation qui n’a pu apprécier la qualification au grand dépit de Domenech qui n’y voit qu’un discours bien français. Désolé Raymond, mais “les peine à jouir” te saluent !!!