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Tino Costa : « J’ai encore les papillons dans le ventre avant un match »

Propos recueillis par Loïc Bessière

En 2012, Alberto "Tino" Costa jouait la Ligue des champions avec Valence et buvait le maté avec Lionel Messi en sélection. Mais avant ça, le milieu argentin a trimé dans les divisions inférieures du football français, de la Guadeloupe à Montpellier, en passant par le Racing Club de France, Sète et Pau, où il est de retour depuis septembre.

Alberto COSTA - 18.08.2006 - Vannes / Pau - 3eme journee de National - Vannes
Alberto COSTA - 18.08.2006 - Vannes / Pau - 3eme journee de National - Vannes

Comment s’est fait ce retour à Pau, 18 ans après ton arrivée ?

J’ai quitté l’Argentine il y a quelque temps, j’habite à Valence. Je connais le président, Bernard Laporte-Fray, depuis mon premier passage (entre 2005 et 2007, NDLR). On a commencé à parler comme ça. Je suis venu une semaine pour voir les installations et le groupe. Le club voulait voir quel était mon niveau physique, car je suis âgé (38 ans). Très vite, on a trouvé un accord. Je pense être bientôt prêt à être dans le groupe. Le but, c’est d’apporter cette mentalité de toujours vouloir gagner et transmettre mon expérience pour une dernière année, peut-être, à cette équipe qui est assez jeune. Je ne suis pas là pour faire tous les matchs. L’idée, c’est de faire le plus de minutes possibles, en sachant que les 38 années sont là et qu’il faut les respecter !

Cela fait quoi d’être le plus vieux du groupe ?

Je crois que je suis le plus vieux de la Ligue 2 (devant lui, Arnaud Balijon de Dunkerque est le joueur le plus âgé du championnat à avoir disputé une minute de jeu, à 40 ans, NDLR). Ça fait un peu mal au cœur. Quand tu commences à grandir, ça va, mais quand tu deviens le plus vieux du vestiaire… Il y a des étapes, et là, je suis dans l’étape finale où je dois apporter sur le terrain, mais aussi en dehors. Je suis le premier arrivé le matin et j’essaye d’être un exemple. Je suis un peu de la vieille école, mais les jeunes de 20 ans ne sont pas les mêmes qu’à mes 20 ans. Par contre, au niveau vestimentaire, je suis à la mode, voire plus qu’eux !

Tu as côtoyé Messi, Di Maria, Banega, Alba… Qu’est-ce qui te motive à encore jouer en Ligue 2 ?

Tant que je me lève le matin et que j’ai envie d’aller voir les garçons dans le vestiaire, de rigoler avec eux, de m’entraîner tous les jours, je pense que je ne dois pas arrêter. Les cinq derniers mois sans club m’ont fait mal, car je savais que j’avais la capacité de faire encore une année. J’ai encore les papillons dans le ventre avant un match. Le foot, c’est ma façon de vivre.

Qu’est-ce qui a changé au club depuis ton premier passage ?

Il y a beaucoup de différences. Le stade, le Nouste Camp, n’existait pas, on jouait au stade du Hameau avec le rugby. Le centre d’entraînement n’existait pas, la cantine où l’on mange tous les jours non plus. Cela montre la progression du club ! La pelouse n’était pas forcément bien à cause du rugby. Pour les vestiaires, on faisait moitié-moitié avec eux aussi. L’intimité d’un vestiaire quand on le partage avec d’autres, ce n’est pas la même chose. Je suis de ceux qui pensent que le vestiaire, c’est sacré, donc je ne voyais pas de positif à être avec le rugby. Là, on a tout pour nous, on peut travailler tranquillement et ne faire que jouer !

J’ai en tête un coup franc que j’avais mis à Stéphane Ruffier, on avait gagné, en 2006, dans le derby à Bayonne. Il y avait une petite rivalité, c’était sympa.

Tino Costa

Tu as côtoyé à Pau un certain André-Pierre Gignac. Quel souvenir gardes-tu de lui ?

Dédé, c’est un malade dans sa tête. (Rires.) C’est un garçon très gentil, très intelligent. Il était prêté par Lorient. Il était très fort ! Le National était très relevé à l’époque. La deuxième année, on se sauve à deux, trois matchs de la fin. J’ai côtoyé Di Bartoloméo, Darchy, des joueurs qui venaient de Ligue 2. Il y avait une belle équipe et une super ambiance ! Un des mecs qui géraient ça, c’était Dédé ! Il faisait rire tout le monde, il faut des mecs comme ça dans un groupe. Il y a eu quelques mises au vert où… Non, il ne vaut mieux pas que je raconte, désolé !

Vous aviez quelques déplacements exotiques à l’époque, à Moulin, Raon-l’Étape, Romorantin…

C’était un truc de fou ! On allait à Cherbourg et on faisait quinze, vingt heures de bus ! On regardait la route, on dormait, on parlait, on lisait quelquefois. On avait 20 ans, on était en cannes, mais c’était très dur de jouer après avoir fait autant d’heures dans le bus. Même en partant la veille ! J’ai aussi en tête un coup franc que j’avais mis à Stéphane Ruffier, on avait gagné, en 2006, dans le derby à Bayonne. Il y avait une petite rivalité, c’était sympa. Il y avait un peu de pression des supporters. À Pau, il y a une ambiance familiale, et le stade, même s’il n’est pas très grand, est toujours rempli !

Jouer contre Pepe, cela ne change pas de certains bouchers de National ou de DH…
Jouer contre Pepe, cela ne change pas de certains bouchers de National ou de DH…

Tu arrives en France en Guadeloupe, au RC Basse-Terre. Comme t’es-tu retrouvé là-bas à 15 ans ?

Un médecin qui travaillait en Guadeloupe, Rubén Muñoz, m’a demandé si ça m’intéressait de venir en Guadeloupe pour jouer au foot, découvrir le pays, la langue et finir les études pour, ensuite, aller faire des essais en métropole. C’est atypique un jeune de 15 ans qui part d’Argentine jouer dans une île des Caraïbes pour devenir un joueur de football. Les Guadeloupéens ne comprenaient pas trop ce que je faisais là. J’étais un des premiers joueurs mineurs à jouer dans le championnat en DH, sur l’île.

Partir à l’inconnu, dans un autre pays, si jeune, comment l’as-tu vécu ?

C’était très dur ! C’était 20 ans en arrière, donc il n’y avait pas beaucoup d‘internet, pas de réseaux sociaux… Aujourd’hui, tu peux prendre ton téléphone et appeler tes parents. Moi, je n’en avais pas ! J’envoyais des lettres qui arrivaient un mois après, et je mettais un mois aussi pour les recevoir ! Je suis parti à 15 ans, seul, avec juste un sac à dos, car je viens d’une famille très pauvre en Argentine. Ça m’a aidé à en vouloir toujours plus, mais c’est difficile d’arriver dans une culture différente sans parler la langue. Niveau football, j’ai vraiment progressé, car j’étais un enfant et je jouais contre des adultes très costauds par rapport à moi, donc j’ai dû faire évoluer ma façon de jouer. À ce moment-là, personne ne pensait que je deviendrais footballeur, et encore moins international argentin !

Je travaillais à Cora, à la mise en rayon, quand je pouvais et pendant les vacances !

Qu’est-ce que tu faisais à côté du football ?

Je travaillais à Cora, à la mise en rayon, quand je pouvais et pendant les vacances ! Je faisais des études de 8h à 16h et le soir, j’allais à l’entraînement. J’étais en étude de couture, j’apprenais à couper les pantalons, coudre, etc. Je voulais suivre une filière normale, mais comme je suis arrivé en retard, toutes les places étaient prises… J’étais mineur, donc je ne pouvais pas avoir un visa. Je le pouvais seulement comme étudiant, donc j’étais obligé d’aller à l’école, tout en sachant que ce n’est pas ce qui allait me sauver la vie. Mais à 15 ans, on va à l’école !

Si je te ramène mon pantalon troué et une machine à coudre, tu peux donc me le rafistoler ?

Non, non. (Rires.) À l’époque, je pouvais, mais aujourd’hui, j’aurais du mal à le faire… C’est derrière moi, mais c’était très formateur !

Comment te retrouves-tu au Racing Club de France ensuite ?

Pendant mes années en Guadeloupe, j’ai fait plein d’essais, à Lyon, Marseille, Auxerre, Bastia, Arles, Lille… C’était très dur ! Tout le monde me disait « non » à chaque fois, donc je revenais sur l’île. Mais j’étais convaincu que j’allais y arriver, si tu ne crois pas en toi, qui le fera ? Quand il n’y avait plus d’espoir, il y a un agent qui est venu me voir, Georges Clerc, un Français, un Parisien. Il m’a dit que le Racing me voulait et qu’il fallait que je vienne signer le contrat. Pour mon premier match avec eux, on fait un amical au Stade de France. Tu imagines pour moi, un garçon de 18, 19 ans qui arrivait en France, qui parlait à peine français ? Jouer dans ce stade, c’était un truc de malade ! Ça avait bien commencé…

Cette saison-là, 2004-2005, le Racing termine la saison avec une mise en liquidation. Comment as-tu vécu cette première année en métropole ?

Mon année à Paris, c’était la plus dure de ma vie ! Nous n’avions pas été payés pendant huit, neuf mois ! Il fallait s’adapter. Le club m’avait promis un appartement meublé, mais il était vide… J’ai été obligé de bénéficier des aides des gens d’Outre-mer, comme je venais de Guadeloupe, pour trouver un lit, un frigo, une table, etc. Ils m’ont prêté des petits trucs pour survivre. J’avais travaillé sur l’île, donc j’avais un peu d’argent de côté. Ça m’a permis de manger des pâtes presque tous les jours, mais je pouvais au moins manger. J’habitais dans le 92, à Colombes. On peut trouver moins cher, mais même pour moins cher, je n’avais pas l’argent ! Heureusement, sur le terrain, j’avais fait une année correcte à Paris, donc Pau m’a appelé et j’y suis allé.

Un coup franc pour l’histoire, mais un ensemble rouge qui ne restera pas dans les mémoires…
Un coup franc pour l’histoire, mais un ensemble rouge qui ne restera pas dans les mémoires…

Après Pau, tu joues à Sète, puis au MHSC que tu envoies en Ligue 1 grâce à un coup franc à la dernière journée. Ça y est, fini les années galères, ta carrière est lancée…

Je dois beaucoup de choses au MHSC, car j’ai réussi à aller au plus haut niveau grâce à ce club. Ce club a une histoire particulière avec Louis Nicollin qui a pris le club tout en bas et qui l’a amené au titre en Ligue 1, et à jouer la Ligue des champions. J’étais très sensible à ça. J’ai réussi à me montrer sur le terrain, j’ai été élu dans l’équipe type. Et deux ans après mon arrivée, Montpellier m’a vendu contre beaucoup d’argent à l’époque (6,5 millions d’euros à l’été 2010, NDLR). C’était ma façon de les remercier. C’est vrai que ce match contre Strasbourg lance vraiment ma carrière. D’ailleurs, mon fils me le rappelle souvent, car il va sur internet pour voir mes buts et il tombe toujours sur celui-là !

Tu n’as longtemps joué qu’en Europe. Évoluer dans ton pays natal, ça ne te manquait pas ?

J’avais promis à mon père de revenir jouer en Argentine comme professionnel. Pendant toutes les années où je faisais les allers-retours entre l’Europe et l’Argentine, mon père ne pleurait pas quand je repartais de la maison. Ma mère, mes frères, mes amis pleuraient, moi aussi. Lui, jamais. Un jour, en 2016, quand j’étais à la Fiorentina, au moment de retourner en Italie, mon père a pleuré. Il n’y a pas que le football, que l’argent. Là, j’étais en train de louper quelque chose avec mon père. J’ai réalisé son rêve en revenant jouer en professionnel en Argentine et en signant à San Lorenzo, le club de sa vie !

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