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Tinhan : « J’ai envie de découvrir le monde de l’entreprise »
À vingt-sept ans, Jonathan Tinhan est un footballeur-étudiant, un cas rare dans le milieu du football professionnel. L’attaquant de Troyes, qui a rejoint l’Aube cet hiver en provenance d’Amiens, prépare les examens de mars, pour décrocher une licence en management du web. Un emploi du temps chargé qu’il s’efforce de respecter, entre ses obligations de footeux et ses heures à réviser à la BU plutôt que dans son canapé.
Alors, on prépare ses partiels ?Oui. C’est pour le mois de mars. J’espère valider mon bachelor marketing, spécialité management du web. Comme j’ai changé de club et que j’ai dû emménager, j’ai perdu un petit peu de temps. Mais ça va, j’arrive à bosser. Au moins deux heures par jour. Surtout en début de semaine, car ensuite, on joue le vendredi le plus souvent. Et quand nous sommes en déplacement, ce n’est pas évident. Et s’il le faut, je travaille aussi un peu le week-end. Mais comme je fais quelque chose que j’aime, je suis motivé.
Cela doit demander une certaine organisation…Ce que j’évite de faire, c’est de travailler chez moi. Trop de tentations ! Donc, je préfère me rendre à la bibliothèque universitaire, où là, au moins, je suis certain de ne pas me laisser distraire. Quand je travaille le week-end, j’avoue que c’est un peu difficile, surtout après avoir joué le vendredi. Il y a la fatigue de la semaine : les entraînements, le match… Mais je n’ai pas le choix, si je veux valider ma licence. Si j’obtiens mon diplôme, ce sera plus tranquille ensuite.
Que ferez-vous ?Je devrai suivre des formations pour la pratique. Ce qui est intéressant, c’est que l’ESTAC est partenaire de l’université. Donc, cela devrait faciliter les choses. Et ensuite, je passerai sans doute un Master.
Pourquoi avoir choisi de vous tourner vers le web marketing ?Je voulais m’orienter vers un domaine porteur, en perpétuelle évolution.
L’UNFP m’a au passage donné un sérieux coup de main en me proposant de m’orienter vers ce secteur. Les réseaux sociaux m’intéressent beaucoup. Et la création de sites internet également. Quand je jouais à Amiens, comme je devais faire un stage, j’ai demandé si je pouvais le faire au club. On m’a répondu favorablement et j’ai pu créer les comptes Facebook, Twitter et Instagram, et aussi les alimenter. J’aime beaucoup l’interaction avec les supporters, dans les bons moments comme dans les moments plus difficiles. Amiens m’a toujours soutenu dans mon souhait de reprendre mes études.
Poursuivre ses études tout en étant sportif de haut niveau, cela reste rare. Pourquoi avoir effectué ce choix ?J’ai eu un bac S. Mais dans mon esprit, l’après-carrière était une chose à ne pas négliger.
Une carrière de footballeur est courte, aléatoire, et elle peut s’arrêter à n’importe quel moment. À moins de gagner beaucoup d’argent, il faut penser à ce que l’on fera à trente-quatre ou trente-cinq ans. Après le bac, j’ai passé un DUT gestion des entreprises. Mais cela ne me plaisait pas trop, et j’ai arrêté au bout de six mois. Puis je me suis inscrit en DUT technique de commercialisation, et j’ai validé ma première année. Mais comme je suis passé professionnel ensuite, à Grenoble, je ne suis pas allé plus loin.
La suite, ça ne se fera donc pas dans le milieu du foot ?Non. Je ne m’imagine déjà pas jouer jusqu’à trente-quatre ou trente-cinq ans. Je n’irai pas au bout du bout… À un moment, je crois que je vais saturer. Pas forcément physiquement, mais plutôt mentalement. J’adore le foot, mais je n’ai pas envie d’y passer ma vie. J’ai failli arrêter, après mon départ de Montpellier, puis après avoir quitté le Red Star. J’ai envie de découvrir le monde de l’entreprise. La plupart de mes amis ne sont pas dans le milieu du foot. Je ne dis pas que le monde de l’entreprise est mieux que celui du foot, que tout y est rose, mais j’ai l’objectif de le connaître. Je me suis lancé dans des études a priori porteuses, qui devraient m’ouvrir des portes.
Vous êtes un des étudiants les plus riches de France…
(Rires) Peut-être, oui. Je suis dans une position confortable, c’est évident. Je gagne très bien ma vie et je fais parallèlement des études. Je côtoie des personnes qui doivent travailler à côté de leurs études, et pour qui ce n’est pas facile…
Comment êtes-vous perçu par vos coéquipiers ?Comme il y a assez peu de joueurs à mener de front une carrière de footballeur professionnel et des études supérieures, ils sont parfois un peu surpris. Ils se demandent comment je m’organise. Mais on me pose des questions sur ce que je fais, pourquoi, avec quels objectifs. C’est intéressant d’avoir des échanges avec eux. Je leur explique que c’est important de penser à la suite. Mais ce n’est pas toujours évident de de poser la question. On joue, on gagne bien sa vie, et je peux comprendre qu’il ne soit pas toujours évident de se projeter vers l’avenir…
Propos recueillis par Alexis Billebault