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Tiens, revoilà Villas-Boas
Après deux échecs sur les terres de son mentor Bobby Robson, André Villas-Boas s'est attaqué, depuis le printemps dernier, à un nouveau monde : le championnat russe. L'objectif ? Se refaire une réputation en créant la surprise avec le Zénith en C1. Encore faudrait-il confirmer la victoire du barrage aller, ce soir.
« Le succès de José Mourinho a favorisé l’arrivée d’entraîneurs comme Leonardo Jardim ou André Villas-Boas, des intellectuels du football. Mais il n’y a qu’un Mourinho. Jardim est encore jeune et Villas-Boas, on attend encore de savoir si c’est un vrai bon entraîneur » , dégainait Daniel Bravo dimanche soir dans le Canal Football Club. Voilà où en est aujourd’hui la réputation de celui que beaucoup avaient très (trop ?) vite qualifié de « Special Two » , en référence au Mou. Il faut dire que le parallèle entre l’élève et le maître était facile à faire. Un jeune entraîneur inconnu qui débarque au FC Porto et gagne tous les trophées possibles sur une année, dont une C3, ne pouvait que ramener les souvenirs des premiers pas du Special One à la surface. Sauf qu’à l’inverse de Mourinho, le rêve bleu d’AVB n’a pas duré longtemps.
Avec 45% de victoires sur le banc de Chelsea, le Portugais ne pouvait espérer autre chose que d’être limogé en cours de saison. La chute est d’autant plus lourde que l’équipe qui, dit-on, lui avait pourri la vie dans le vestiaire, a décroché la coupe aux grandes oreilles deux mois et demi après son naufrage napolitain. Sa cote descend plus vite qu’une action un jour de krach boursier et l’oblige à retourner au pays pour se ressourcer avec sa famille. Il finit par se relever afin de prendre sa revanche sur la Premier League. Erreur, il se plante une deuxième fois, cette fois-ci avec les Spurs de Tottenham. Si les chiffres sont un peu plus flatteurs (près de 60% de victoires), la direction du club londonien n’a pas pu laisser passer les corrections infligées par Manchester City (6-0) et Liverpool (5-0). Ciao André, retour à la case départ.
Redorer son blason
Début 2014, on parle d’Italie pour Villas-Boas, on parle même du Barça. Mais la réalité, c’est que les grandes écuries doutent de plus en plus de sa capacité à gérer une équipe de classe mondiale. Il part se refaire une santé dans un Zénith en perte de vitesse. Le challenge est intéressant et la pression moindre comme il arrive en cours d’exercice et hérite d’un vestiaire en guerre contre les étrangers surpayés (Hulk, Witsel). Il termine la saison 2013-2014 à deux points du titre, juste derrière le CSKA Moscou. De bon augure pour la suite… Malgré une grosse frayeur lors des éliminatoires de la Ligue des champions contre l’AEL Limassol (défaite 1-0 à Chypre), le Zénith St-Pétersbourg s’est très vite rassuré à la faveur de deux ou trois raclées infligées à ses adversaires, à commencer par l’AEL, corrigé dans le jeu et battu 3-0 en Russie. La suite est un carnage. 4-0 contre l’Arsenal Tula et 8-1 contre Torpedo. Si, récemment, la clique d’AVB ne s’impose plus « que » par deux buts d’écart maximum, elle réalise un sans-faute depuis la mésaventure chypriote.
En cinq journées de championnat, Hulk & compagnie ont gagné autant de matchs et planté 15 banderilles pour deux pions encaissés. Évidemment, le championnat russe n’est pas la Premier League anglaise, mais ses adeptes n’hésitent pas à la mettre au niveau de la Ligue 1. La performance reste donc respectable. Ce Zénith fait peur à l’échelle nationale, et il compte bien se (re)faire un nom hors de ses frontières. Ou du moins faire mieux que l’année dernière, où il n’a dû sa qualification en huitièmes de finale de la C1 qu’au niveau de sa poule (hormis l’Atlético, Porto était méconnaissable et l’Austria de Vienne trop petit pour les menacer). L’objectif de Villas-Boas est donc de gagner le championnat russe, mais aussi d’atteindre les huitièmes, voire les quarts de la Ligue des champions. À titre collectif, c’est l’image du club qui repose sur les épaules du Portugais. Sur le plan personnel, c’est sa propre réputation qui est à sauver. Celle d’un coach talentueux adepte d’un jeu offensif. Parfois un peu trop.
Un effectif et des contraintes
Les premières sorties des hommes d’AVB vont dans le bon sens. Si les résultats sont convaincants, le jeu proposé par les Russes l’est peut-être encore plus. André Villas-Boas essaye clairement d’inculquer à son Zénith les mêmes valeurs que le Porto de 2011, à savoir celles d’un jeu court et horizontal dans l’axe et très vertical sur les ailes. Autrement dit, Witsel et ses potes axiaux ont pour consigne de lâcher le ballon le plus vite possible afin de créer des décalages pour les arrières latéraux, mais surtout Hulk et Danny (ou Shatov) à qui s’offrent ensuite plusieurs options : le centre en direction de Rondón (ou Kerzhakov), la frappe ou la passe en retrait pour recommencer le même cheminement ou bien frapper de loin. Si l’ancien voisin de palier de Bobby Robson se permet de jouer de manière aussi offensive, c’est qu’il a les armes pour le faire. Non seulement son effectif est rodé (du moins celui qui joue en Premier League russe, cf plus bas) car il a peu bougé cet été – Ansaldi est parti, Garay et Javi García sont arrivés -, mais il est en plus loin d’être composé de peintres. La charnière Neto-Garay n’est pas mauvaise, le milieu Danny, Witsel, Javi García a de la gueule et devant, Hulk s’entend à merveille avec Rondón.
Mais le vrai point fort de l’équipe de Villas-Boas demeure sa diversité offensive. Le Zénith sait marquer de près, provoquer des pénaltys, marquer de la tête et balancer des mines des 30 mètres. Évidemment, l’équipe est loin d’être invincible et présente aussi des points faibles, à commencer par le repli défensif des latéraux parfois laborieux en raison de leur forte implication dans les phases offensives, laissant ainsi la charnière Garay-Neto en galère. C’est un souci inhérent au jeu hyper risqué dont AVB est friand et ne compte visiblement pas se séparer malgré ses récents échecs anglais. Enfin, Villas-Boas doit, comme tous les clubs russes qualifiés pour l’Europe, composer avec un effectif à deux têtes étant donné que la Fédération russe oblige tous les clubs de la Premier League locale à avoir constamment quatre joueurs russes sur le terrain. Cela permet à certains joueurs de jouer principalement l’Europe et donc de rester frais, mais cela oblige AVB à changer de onze initial quasiment toutes les semaines. En Europe, le Portugais présentera donc difficilement une équipe à la fois compétitive sur le papier et rodée collectivement. Il lui faudra au moins gagner avec un tel handicap pour regagner du crédit.
William Pereira