- Euro 2016 – Éliminatoires – Groupe G – J7 – Autriche/Moldavie
Tiens, revoilà l’Autriche !
Quasi disparue de la scène internationale depuis France 98, la sélection autrichienne devrait faire son retour dans l'Hexagone en juin prochain pour disputer l'Euro. Actuellement seule en tête de son groupe de qualification devant la Suède et la Russie, elle cartonne grâce à deux facteurs sans rapport : mixité sociale et Red Bull.
Les faits, d’abord. Ce samedi soir, au Ernst Happel Stadion de Vienne, l’Autriche reçoit la Moldavie dans le match des extrêmes : le premier du groupe G contre le dernier. En cas de victoire, Das Team poursuivrait sa très belle série d’invincibilité, portée jusque-là à six matchs sans défaite dans cette phase d’éliminatoires en six journées, avec un bilan de cinq victoires et un nul. Surtout, un nouveau succès permettrait à la sélection autrichienne de faire un pas quasi décisif vers la qualification. Actuellement, elle occupe seule la tête du classement avec 16 points et une large avance sur la Suède (12 points) et la Russie (8 points), dans un groupe qu’on savait ouvert et indécis, mais que personne n’imaginait la voir autant dominer. L’Autriche a en effet quasiment disparu de la scène internationale depuis bientôt deux décennies. Sa seule participation à une grande compétition dans le nouveau millénaire a été rendue possible seulement parce que le pays organisait l’Euro 2008 avec la Suisse. À l’époque, les supporters de l’équipe nationale avaient tellement honte qu’ils avaient été un bon 10 000 à signer une pétition pour demander à ce qu’elle ne joue pas le tournoi. L’Autriche s’en était pourtant tirée plutôt honorablement (1-1 face à la Pologne, deux défaites 0-1 contre la Croatie et l’Allemagne), mais ce moment n’avait été qu’une courte mise en lumière pour une sélection restée depuis trop longtemps dans l’ombre. La dernière fois qu’elle avait vraiment validé une compétition, c’était pour participer à la Coupe du monde 1998 en France, époque Andreas Herzog, Toni Polster et Michael Kensel, pour un bilan pas hyper brillant non plus de deux nuls et une défaite face à l’Italie, au Chili et au Cameroun.
L’héritage du Mondial U20 2007
On parle pourtant d’une nation historique du football continental. D’un pays qui a longtemps pesé en participant à sept Coupes du monde et qui est considéré comme l’une des meilleures, si ce n’est la meilleure nation de football dans les années 30. C’est la décennie de celle qu’on appelait alors la Wunderteam, emmenée par le révolutionnaire entraîneur Hugo Meisl et par le Mozart du football, Matias Sindelar, malchanceuse dans les grandes compétitions (1934 notamment) et disparue en 1938, dissoute par l’Allemagne du fait de l’Anschluss. Après-Guerre, l’Autriche s’est parfois joliment illustrée, mais traîne toujours cette réputation encombrante de n’être rien de plus que la petite sœur du voisin allemand. Mais aujourd’hui, ça pourrait bien changer, et il semble bien qu’elle soit en train de s’émanciper et de s’inventer un avenir toute seule comme une grande. Les bons résultats actuels de la sélection A ne viennent d’ailleurs pas de nulle part : une bonne partie des cadres actuels de l’équipe nationale sont ceux qui avaient obtenu en 2007 une très belle quatrième place au Mondial U20 : Zlatko Junuzović, Martin Harnik, Markus Suttner, Rubin Okotie, Sebastian Prödl… L’Autriche est un pays qui forme de bons joueurs de football, et sa sélection de jeunes continue d’ailleurs régulièrement de participer aux Mondiaux U20, comme en 2011 ou cette année, où elle s’est hissée jusqu’en 8es de finale de la compétition.
Vive la mixité ! Et Red Bull aussi…
Ce qui fait aussi la réussite de l’Autriche actuelle, c’est son ouverture au monde. Dans le groupe convoqué pour disputer ce match face à la Moldavie puis mardi en Suède, on trouve des Autrichiens d’origine serbe (Dragović, Arnautović, Junuzović), croato-hongroise (Garics), turque (Özcan, Pehlivan), nigériane (Alaba, Okotie)… Vive la mixité sociale ! Un David Alaba par exemple, constitue aujourd’hui un apport formidable pour la sélection, lui qui est né à Vienne en 1992 d’un père nigérian et d’une mère philippine, et qui vit depuis son adolescence en Allemagne. Ce qui fait l’autre réussite de ce football autrichien, c’est l’arrivée du géant Red Bull dans ce sport depuis une décennie. On peut critiquer autant qu’on veut le rachat d’un club historique comme l’Austria Salzbourg et sa transformation en Red Bull Salzbourg, mais force est de constater que ça a permis au football local de disposer d’un nouveau club puissant qui attire les meilleurs joueurs du pays et leur permet à la fois de s’habituer à jouer ensemble et à se confronter à d’autres grosses équipes européennes. Sur les 23 internationaux convoqués en ce mois de septembre, ils sont huit à avoir évolué ou à évoluer encore au Red Bull Salzbourg. Et désormais, il y a aussi le RB Leipzig en deuxième club « frère » , où jouent deux membres de l’équipe nationale actuelle (Sabitzer et Ilsanker) et qui vise la montée en Bundesliga à la fin de cette saison. Le sélectionneur suisse Marcel Koller, en poste depuis 2011, dispose ainsi d’une formation compétitive, très bien bâtie défensivement (avec notamment le solide Aleksandar Dragović et Kevin Wimmer, ex-Cologne acheté 6 millions d’euros cet été par Tottenham) et qui n’a concédé qu’une défaite depuis deux ans : 1-2 face au Brésil le 18 novembre dernier. Son 15e rang actuel au classement FIFA est également le plus haut de son histoire. Un record qui ne demande qu’à être battu.
Par Régis Delanoë