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Tiens, revoilà Gourvennec
Longtemps considéré comme un intello du foot à la marge, Jocelyn Gourvennec a laissé passer une potentielle brillante carrière internationale quand il était joueur. Désormais entraîneur, il ne compte pas manquer sa chance de s’imposer comme un des meilleurs techniciens de l’Hexagone. Et vu le travail abattu à Guingamp depuis 2010, il a assurément les moyens de ses ambitions.
« Un jeune homme intelligent, passionné par le jeu et très courtois. » Quand Jocelyn Gourvennec a débarqué à Guingamp à l’été 2010, voici comment son président d’alors Noël Le Graët l’a présenté. La courtoisie parmi les qualités premières de l’actuel coach de l’EAG, un terme répété encore récemment par celui qui est devenu depuis président de la FFF. Gourvennec est le gars qu’il faut, car il est courtois. Tiens donc. Ce n’est pas forcément le premier qualificatif qui vient à l’esprit lorsqu’il s’agit d’énumérer les compétences à posséder pour devenir un bon entraîneur. Pourtant Le Graët a vu juste : le plus jeune entraîneur actuellement sur un banc, L1 et L2 confondues, s’appuie d’abord et avant tout sur la courtoisie pour gérer son effectif. Gourvennec, 40 ans, manie son groupe avec ce subtil mélange de politesse, de respect d’autrui, mais aussi d’exigence, voire de sévérité.
Un premier exemple : dès son arrivée dans les Côtes-d’Armor, le nouveau coach impose au capitaine Christian Bassila, à peine plus jeune que lui et qu’il a eu comme coéquipier lorsque tous deux évoluaient au Stade rennais, de le vouvoyer. Tout de suite, imposer les limites. Je te respecte, mais on n’est plus potes désormais, tel est le message. Depuis deux saisons et demie, c’est ainsi que Gourvennec a su imposer son style. Et gare à ceux qui dépassent les limites de la courtoisie qu’il s’impose et qu’il impose aux autres. De bons éléments guingampais tels que Mohamed Soly, Jugurtha Hamroun ou Alharbi El Jadeyaoui ont ainsi été écartés fissa du groupe pro pour raisons comportementales. Sur ce point, le Joce est du genre intransigeant. Et il l’a toujours été.
Libé, L’Huma, Les Inrocks…
Dès ses véritables débuts en pro avec Rennes en 1991 en provenance de Lorient, il impose ses règles en obtenant de pouvoir continuer à mener en parallèle ses études. Son mémoire de maîtrise ? Une analyse des déplacements de son pote Ouédec et des attaquants de son propre club. Élève brillant et obstiné en cours, Gourvennec passe aussi pour la tête de classe sur le terrain, devenant capitaine des Rouge et Noir à seulement 22 ans. En 1995, il est transféré chez le rival Nantes, alors meilleur club de France. L’ascension est limpide, les observateurs lui prêtent un destin international, jusqu’à ce qu’Oumar Dieng le Parisien ne le blesse sévèrement. Mais après plusieurs mois d’indisponibilité, il revient à son meilleur niveau. C’est clair, son transfert à Marseille en 1998 doit lui permettre de viser le poste de doublure de Zidane chez les Bleus. Sauf qu’il devient plus souvent que prévu la doublure… de Pirès en club, écarté par un Courbis qui n’apprécie guère le côté à la marge du garçon. Étiqueté intello tendance gauche dès ses débuts pro à Rennes, il a droit à deux grands portraits dans Libé, aux faveurs de L’Huma et à une interview aux Inrocks où il raconte sa passion pour Radiohead et Morrissey. Rien de si extraordinaire, mais dans le petit monde assez rigide du foot, ça suffit pour faire de lui une personnalité atypique qui divise.
Alors qu’un respect réciproque s’était installé entre lui et ses premiers entraîneurs – Gourcuff à Lorient du temps des juniors, Le Milinaire à Rennes, Suaudeau puis Denoueix à Nantes –, Jocelyn Gourvennec se heurte à de l’incompréhension de la part du père Courbis à l’OM, puis de Jean-Louis Gasset à Montpellier. Il lui faudra donc faire une croix sur ses rêves en Bleu et envisager une fin de carrière en pente douce, achevée à Clermont en 2006, à 34 ans et avec un projet de reconversion déjà solidement mûri : devenir entraîneur. Comme toujours, il fait les choses proprement, passant ses diplômes tout en acceptant de débuter en bas de l’échelle, chez les Vendéens de La Roche VF en DH. On sent déjà à l’époque que le mec ne fait pas les choses à moitié, il se donne les moyens d’inculquer à son groupe d’amateurs des valeurs de vie en groupe et un projet de jeu collectif particulièrement ambitieux.
Successeur d’Antonetti à Rennes ?
Quand Guingamp descend en National en 2010 et se cherche un entraîneur pour repartir de zéro ou presque, Noël Le Graët part à la pêche à la nouvelle génération de techniciens diplômés du DEPF. Et un nom lui revient tout de suite : celui de Gourvennec, qui a épaté profs et camarades de classe. Voici comment le joueur-intello a débarqué dans le grand tourniquet des entraîneurs pros de France, à seulement 38 ans. Deux ans et demi plus tard, son bilan est franchement positif : une remontée immédiate en L2 la première saison, un top 10 de L2 la seconde et un objectif podium atteignable la troisième. Sur le plan de la gestion humaine aussi, c’est une réussite. L’équipe guingampaise est aujourd’hui un mélange cohérent d’expérience (Mathis, Giresse…) et de jeunes pousses (Imbula, Samassa…), de promus du milieu amateur (Kerbrat, Charrier…) et de valeurs sûres de la L2 (Mandanne, Fauré, Martins Pereira…). Et puis sur le plan du jeu, le public guingampais comme les équipes adverses sont unanimes à considérer que l’EAG pratique actuellement un football pas vilain du tout, fait de passes, de redoublements, de mouvements permanents, avec des petits gabarits mobiles. L’héritage de Gourcuff ou Suaudeau est évidente.
Cette réussite ne passe pas inaperçue et c’est forcément le gros club du coin, Rennes, qui semble le plus intéressé à l’idée de récupérer le jeune et talentueux technicien. Le timing est bon, Antonetti se trouvant en fin de contrat au printemps. Et puis le proprio Pinault ayant toujours été attaché à donner une identité bretonne à son club et du beau jeu à son public de La route de Lorient, la présence d’un pur beurre salé aussi talentueux sur le banc ne serait forcément pas pour lui déplaire… Interrogé récemment sur son avenir, « la Gourve » a réaffirmé être pour l’instant pleinement concentré sur son travail à Guingamp. Mais si toutefois le club costarmoricain ne parvenait pas à monter en L1 à l’issue de la saison, on l’imagine assez mal réfréner son envie d’exercer en élite ni refuser les opportunités de le faire qui ne manqueront pas de lui être proposées.
Par Régis Delanoë