- Serie A
- J32- Inter-AC Milan
Tiens, à quoi ressemblera un derby de Milan dans vingt ans?
Ça y est, après d'interminables négociations, l'AC Milan a été officiellement vendu jeudi à un groupe d'investisseurs chinois pour près de 740 millions d'euros. Si bien que les deux clubs milanais appartiennent désormais à des conglomérats de l'Empire du milieu. De quoi se demander quelle gueule pourrait bien avoir le derby lombard d'ici une ou deux décennies. Retour vers le futur.
Mai 2037. Toujours pas de voitures volantes. Ni d’hoverboard. Encore moins d’almanach des sports. Du coup, vous débarquez à San Siro à l’ancienne, en métro, en sortant à la fameuse station Lotto, alors que votre wagon dégueule une masse ininterrompue de supporters. Parmi eux, des locaux qui discutent Scudetto, avec l’écharpe du Milan ou de l’Inter autour du cou. Et d’autres qui arrivent fraîchement de l’aéroport, en provenance de Shanghai et de Pékin, tous drapeaux au poing et maillots chevillés au corps. Des types qui ne « manqueraient le derby de la Mâ-Doh-Ning-Nâh (c’est comme ça qu’il a été officiellement renommé en 2025, ndlr)pour rien au monde » . Il est 14h45 en Italie, 20h45 à Pékin. Et les joueurs entrent sur la pelouse pour disputer le match de football le plus regardé dans le monde entier.
Shaolin Soccer et Esperanto
Sur le pré, 22 mecs, dont la valorisation sur le marché des transferts oscille pour chacun entre le double et le sextuple du budget du Poiré-sur-Vie, valeur sûre de la Ligue 1. Milan aligne son traditionnel trident offensif, composé à 100% de natifs de l’Empire de milieu. Des types qui, avant de passer par Milanello, ont été tous formés à l’école Tagou, près du monastère Shaolin, où ils ont appris à claquer des bicyclettes et des reprises en suspension avec leur maître, Zlatan Gōng. Derrière, les Rossoneri font toujours confiance à l’école italienne. Du coup, vous vous rappelez les paroles d’Arrigo Sacchi, 90 piges et toujours consultant pour la Rai, même si sa récente chirurgie reconstructive, ses implants et ses lentilles bleues le font désormais ressembler à Paolo Maldini. « En fait ce n’est pas très compliqué, ils m’ont volé ma méthode. À l’époque, mon grand Milan s’était reposé sur les Italiens derrière et les Hollandais devant. Ils ont refait la même chose, sauf qu’à la place des Néerlandais, ils s’appuient sur les Chinois. » Limpide.
Vous zieutez un peu côté interista. Depuis plus de 15 piges, l’équipe est surnommée Cinternazionale, contraction de « Cina » et « Internazionale » . Ces cinq dernières saisons, le club a changé 17 fois d’entraîneur et dépensé 900 millions d’euros sur le marché des transferts en recrutant à prix d’or l’avant-centre du Guangzhou Evergrande et le meneur de jeu du Shandong Luneng Taishan, dont le pied gauche enchanteur comme la surcharge pondérale notoire lui valent déjà des comparaisons incessantes avec El Chino Recoba, joueur préféré des tifosi chinois de l’Inter. Pour le reste, vous êtes un peu paumé. L’Inter aligne sur le pré onze joueurs de nationalités différentes. « De cette manière, notre équipe parle à tous les footballs et à tous les marchés. C’est dans notre ADN, nous sommes l’Internazionale après tout » , avançait avant le derby le PDG de Suning. Alors forcément, à l’inverse du Milan où on est tenu de parler italien ou chinois dans le vestiaire, tous les joueurs interisti dialoguent en esperanto. Bon, vous, l’esperanto, vous y pigez que dalle. Alors, vous préférez écouter ce qui se dit en virages, où les tifosi échangent dans un dialecte qui mélange astucieusement l’italien et le mandarin.
Éternels Gigio, Mauro et Silvio
En tribunes justement, le spectacle est au rendez-vous. Les tifosi milanais ont entonné un chant à la gloire de Gigio Donnarumma, qui, à 38 piges, garde toujours les cages de leur club. Et qui compte bien continuer encore un bon paquet de saisons, afin de battre le record de son idole de jeunesse, Gigi Buffon, qui a pris sa retraite à 48 printemps, après avoir remporté la Coupe du monde 2026 avec la Nazionale. Sinon, vous apercevez l’ex-gloire de l’Inter, Mauro Icardi, qui s’est rendu au stade avec une blonde peroxydée. Un type qui se fait copieusement insulter par les ultras interisti, dès que sa tronche se retrouve affichée sur l’écran géant du stade. Mais la vraie star de la soirée, c’est Silvio Berlusconi, qui fait le show en présidentielle. Increvable, tonton Silvio s’est fait injecter des cellules pour prolonger sa vie et son apparence physique. Du coup, sa récente chirurgie reconstructive, ses implants et ses lentilles bleues le font désormais ressembler à Paolo Maldini. Ce qui l’oblige à ne jamais se trouver aux côtés d’Arrigo Sacchi pour ne pas semer la confusion.
Les trois coups de sifflet de l’arbitre mettent subitement fin à la revue people. Le match vient de s’achever sur un score de 1-1 qui n’arrange personne. Le speaker du stade a beau annoncer que la rencontre a battu le record mondial du nombre de spectateurs avec une audience de 840 millions de personnes, Milanisticomme Interistitirent la gueule. Dans le même temps, la Juventus a remporté son match et ne peut mathématiquement plus être rejointe dans la course au titre. Le troisième Scudettoconsécutif de la Vieille Dame entraînée par Alessandro Del Piero. Finalement, vous vous arrêtez dans un bar aux abords du stade. Histoire de descendre quelques bières avec des tifosides deux clubs, qui ont signé une trêve temporaire pour descendre l’ennemi bianconero : « Mais quels enfoirés ces Juventini. » Vous, vous vous contentez de boire sereinement votre pinte de birra Moratti, le nouveau concurrent de la birra Moretti. Avec une petite pensée pour son fondateur Massimo.
Par Adrien Candau