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Tielemans-Moutinho-Fabinho, le Triangle des Bermudes
Parmi les espoirs engloutis de la saison monégasque, difficile d'éluder l'envol raté de Youri Tielemans et son association difficile avec Moutinho et Fabinho, pourtant alléchante sur le papier.
Que retiendra-t-on de la première saison en France de Youri Tielemans, arrivé avec l’étiquette de meilleur joueur de Jupiler League ? Une passe laser lors d’un Trophée des champions qui ne ressemble aujourd’hui plus qu’à un lointain match amical et une punchline grivoise assénée à l’autre Yuri de la Ligue 1 lors d’une passation de pouvoir humiliante au Parc des Princes.
@jplusun Tielemans vs Berchiche pic.twitter.com/bYdlXiqBXn
— Kudobs (@kudobs) 16 avril 2018
Le résumé a beau être sec, il est à peine malhonnête, tant celui qui suscitait d’immenses espoirs à son arrivée sur le Rocher s’est montré discret. Mais à y regarder de plus près, les difficultés de l’ancien joueur d’Anderlecht ne peuvent être complètement dissociées de sa relation avec ses compères du milieu.
Trio désaccordé
Bruno Irles, ancien joueur de Monaco, ne cible d’ailleurs pas les individualités en premier lieu : « Il n’y a rien d’étonnant à ce que ce trio ou ces duos aient du mal à s’épanouir. Le plus important au milieu de terrain, c’est la complémentarité. Il aurait sans doute fallu un profil un peu plus défensif que ne le sont Tielemans et Moutinho. N’Doram a sans doute été sous-utilisé, même s’il est jeune et n’a peut-être pas apporté de suite ce qu’il fallait. Il sait jouer au ballon et a du potentiel dans l’impact. Associé à Fabinho, je pense qu’il aurait progressé et libéré ce dernier dans la projection. »
Que ce soit dans un milieu à deux ou à trois, le manque de projection des acteurs de l’entrejeu a d’ailleurs été une des faiblesses de l’animation monégasque. Avec en exergue ce rôle de faux numéro 10 parfois attribué à Tielemans et, plus souvent, à Moutinho. L’ancien directeur du centre de formation de l’ASM décrypte l’enjeu tactique qui se cache derrière cette vieille recette du coach portugais : « Il faut comprendre le poste de numéro 10 chez Jardim. Quand il met trois milieux, ce n’est pas pour avoir un numéro 10 au sens où on l’entend, mais pour avoir un joueur qui sort et défend sur le 6 adverse. Ensuite, dans l’animation, le joueur décroche pour venir construire le jeu avec les autres, donc on se retrouve avec un attaquant de moins. L’un des problèmes que ça pose, c’est le manque de percussion. Le lien, c’est Lemar qui devrait le faire. Moutinho, c’est un organisateur, pas un créateur qui va déstabiliser une défense, surtout quand il est sous pression. Quand le jeu est bloqué, c’est à Lemar de prendre le ballon dans les pieds des milieux pour initier quelque chose. Mais il ne l’a pas fait cette année… »
Relayeurs sans relais
Le vide créé dans l’animation par ce milieu à trois, parfois mis en place pour densifier l’entrejeu et d’autres fois pour combler le manque de solutions offensives causé par les blessures, s’est d’ailleurs moins fait ressentir lorsque Jovetić a connu sa période de grâce. L’attaquant monténégrin, par sa capacité à décrocher intelligemment et à avaler les rôles de 9 et de 10 en quelques foulées, avait fait naître un espoir et rendu plus légitime ce trio un brin stérile. La meilleure prestation monégasque de la saison a eu lieu dans cette configuration, à Angers (0-4), en février. Mais, fatalement, le fragile esthète est retourné à l’infirmerie et le casse-tête de l’animation s’est de nouveau reposé sur l’inspiration des individualités, plus que sur l’intelligence collective. Bruno Irles reprend : « L’un des problèmes de la relation avec l’attaque, c’est qu’il n’y a pas vraiment de relais. Baldé et Lopes sont là pour provoquer. Ils sont capables d’exploits individuels, mais sont un peu déconnectés du mouvement de l’équipe. Quand Fabinho percute, sollicite un relais et que le ballon ne revient pas, on ne peut pas lui imputer la responsabilité. C’est moins évident de se mettre en valeur avec l’équipe de cette année. Et puis la ligne de récupération était beaucoup plus haute la saison dernière. Donc les milieux étaient plus facilement en bonne position pour trouver des relais. »
Le Brésilien reste en tout cas la valeur sûre de l’entrejeu selon l’ancien entraîneur de la réserve monégasque : « Fabinho fait une bonne saison. Il est très bon dans l’anticipation, meilleur que les autres dans la lecture du jeu. » Au-delà d’un collectif un peu désaccordé demeurent tout de même des faillites individuelles, à commencer par celle de Tielemans donc, qui était notamment très attendu pour son jeu long et sa capacité à frapper de loin. Bruno Irles reste confiant quant à la progression de la pépite belge : « On est sur un investissement de 25 millions, il y a de quoi être déçu. On l’attendait à un haut niveau dès sa première année. L’exigence n’est pas la même qu’en Belgique où le rythme et l’intensité sont plus faibles, donc il se fait secouer. Mais je pense qu’il va y arriver, il a le profil pour. C’est une saison d’adaptation. » Elle est dure, mais il reste quatre matchs cruciaux pour la marquer du sceau de l’espoir.
Pronostic Amiens Clermont : Analyse, cotes et prono du match de Ligue 2Par Chris Diamantaire
Propos de Bruno Irles recueillis par CD