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Thomasson : « Enfant, il m’est arrivé de rater des matchs à cause de slaloms de ski »
Titulaire dans le FC Nantes de Claudio Ranieri, Adrien Thomasson est à l'image de son équipe depuis le début de saison : en pleine réussite. À tout juste 24 ans, il s'affirme et passe les piquets de Ligue 1 sans enfourcher une seule porte. Et pour cause, l'ailier canari a poussé ses premiers cris dans un nid alpin, coincé entre les grandes stations de ski. Entretien entre Bretagne, Savoie et Croatie.
Tu es né dans les Alpes, dans la vallée de la Tarentaise, entouré des Arcs, de la Plagne, de Tignes et de Val d’Isère, mais tu es devenu footballeur… Exactement ! Le foot m’a toujours passionné dès le plus jeune âge, c’est mon grand-père qui m’a mis en premier dans le grand bain. Le jour de ma naissance, il a apporté deux ballons à la maternité : un de foot si j’étais un garçon, un de basket si j’étais une fille. Il était croate, donc clairement, il ne s’intéressait pas au ski. D’une certaine façon, c’est lui qui m’a poussé dans le foot, même si j’habitais à la montagne.
Comme tout enfant du pays, tu commences le ski au ski club des Arcs. Mais malgré un bon niveau en slalom et des parents plutôt poudreuse que pelouse, tu déchausses les skis pour n’enfiler que des crampons. Pourquoi ? Déjà, avec le recul, je pense que le fait de voir tout le temps du foot à la TV a fait pencher la balance. C’est vrai que de son côté, le ski est très peu médiatisé. De toute façon, j’ai commencé le foot à 5/6 ans, donc avant le ski. Pour le ski, j’ai plutôt commencé la compétition vers 9/10 ans. D’ailleurs, dès que je ratais un match à cause du ski, j’en voulais à mes parents pendant une semaine ! Mon grand-père croate ne savait pas skier, il venait souvent me voir jouer, c’était plus facile pour lui de me suivre au bord d’un terrain qu’en bas d’une piste.
Tu étais plutôt du genre à aller voir les Bleus à Tignes que les slaloms de Coupe du monde à Val d’Isère ? Ahhhh non ! J’allais voir les bleus à Tignes, il n’y a pas photo ! Je suis né à Bourg-St-Maurice, dans la vallée qui précède Tignes. Et je me souviens qu’en 1998, on l’oublie souvent, mais l’équipe de France était venue avant le mondial à Bourg-Saint-Maurice pour se préparer, avant de venir plusieurs fois à Tignes. Moi, j’étais gosse et j’y allais à chaque fois. Évidemment, je suis déjà allé voir les coupes du monde à Val d’Isère plusieurs fois. Mais entre les deux, il n’y avait pas photo. Même si les Bleus ne faisaient qu’un petit footing de dix minutes, je n’hésitais pas à monter à Tignes juste pour voir ça.
L’école non plus ne t’intéresse pas plus que le foot. À l’époque, tu signes les feuilles d’émargement par « Zidane » ou « Nasri » , et sur ton carnet de liaison, ta photo est celle de Zizou. Ouais ! C’est simple, jusqu’au lycée, sur mes agendas ou mes cahiers, j’écrivais toujours des noms de joueurs de foot. Je collais des vignettes Panini sur mes règles, cahiers. En fait, mon cartable, c’était un catalogue Panini. Je découpais les magazines en cours pour customiser mon sac, j’étais plus concentré sur ça que sur les cours. J’ai toujours aimé les numéros dix, surtout en équipe de France, quand j’ai commencé le foot c’était Zizou, évidemment. Mais ensuite ça a été Nasri, même si j’aimais beaucoup Riquelme ou Ronaldinho.
Tu justifies cela en affirmant aux profs que tu deviendras pro. Tu en étais convaincu ?J’ai dû le dire une fois, à mon prof de sport au collège. On faisait du javelot à ce moment-là, je n’aimais pas trop ça, donc je boudais. Je lui avais dit que de toute façon, je serais footballeur, donc qu’il pouvait le garder, son javelot. Au fond de moi, j’étais toujours convaincu, mais je ne l’ai jamais trop dit. Seuls mes amis proches le savaient.
Justement, comment ça se passe quand, ado, on veut devenir footballeur pro dans une des rares régions de France où le ballon rond n’est pas le sport roi ?Honnêtement, c’est très compliqué. Il faut vite partir. Je suis parti à 14 ans pour aller à Annecy, sinon je n’aurais jamais réussi. J’en suis certain. Les clubs pros les plus proches, c’était Saint-Étienne et Lyon. Grenoble était aussi pro, je les aimais bien, mais c’était différent, et Évian n’était encore rien. Mes amis proches étaient quasiment tous dans le foot, j’étais le seul finalement à faire de la compétition dans les deux sports. En vérité, j’étais plus chambré sur mes compétitions de ski en fait. Mes potes me chambraient quand je loupais un match pour un slalom, mais c’était à cause de mes parents. Et dans le ski, mes amis se tiraient la bourre tout le temps. Mais je leur ai toujours dit que moi, ça ne durerait qu’un temps.
Jusque quand ?J’ai arrêté le ski quand je suis parti à Annecy vers 13/14 ans, pour le foot. J’étais pas mal en slalom, c’est ce que je préférais. Mais je stagnais au niveau régional, j’étais un skieur lambda, quoi.
C’est comment le foot en Savoie. Entre les déplacements interminables et le manque de grands clubs ?Ah ça ! Il faut être patient le dimanche quand on joue à l’extérieur. Quand je jouais à Annecy, on allait jusque Saint-Étienne ou dans la banlieue lyonnaise : ça faisait presque 3h pour un match de gamins. Bon, avec l’habitude, ça créait une superbe ambiance dans l’équipe, parce qu’on passait beaucoup de temps dans les minibus, donc on faisait les cons et ça nous rapprochait. C’est ce qui faisait la force du groupe finalement. Un autre inconvénient, c’est qu’entre décembre et mars, on faisait du futsal pendant 3 mois… On ne pouvait plus s’entraîner dehors, donc on jouait sur des petits terrains de futsal. Ça m’a bien fait progresser techniquement.
Fin de saison 2011-2012, Pablo Correa te lance en L1 à 18 ans, quasiment chez toi.J’étais insouciant. J’avais 18 ans, et à cet âge-là, on ne se rend pas compte des choses. Maintenant, en y repensant, je trouve ça beau, oui. Un an avant, en mai 2011, je jouais dans le même stade avec les U19 d’Annecy, et là je me retrouvais en L1 avec Évian. C’est allé très vite. Déjà, si on m’avait dit que j’allais jouer en CFA 2, j’aurais été hyper content, mais là… Après, je n’ai jamais trouvé qu’il y avait un gros engouement autour de l’ETG. En plus, j’ai joué à Annecy pendant trois ans, et c’était la grosse rivalité : concrètement, à mon arrivée, on m’a dit que le match à Évian, c’était LE match à ne pas perdre. C’est pour ça aussi, je pense, que les gens avaient du mal à s’identifier à Évian. La semaine à l’entraînement à Thonon, on sentait la ferveur, mais quand on arrivait à Annecy pour jouer, c’était différent. Le problème du club, c’est de ne pas avoir eu de stade à Évian.
Comment as-tu vécu la liquidation de l’ETG, en tant qu’enfant du pays ?Même si je suis plus d’Annecy que d’Évian à la base, ça m’a fait un pincement au cœur : c’est là que j’ai commencé. Ils m’ont lancé en pro, donc forcément que ça m’a fait du mal. L’ETG était en plein développement, et venait d’inaugurer un super centre d’entraînement tout neuf. C’est un énorme gâchis. Quand j’ai vu la vente aux enchères de l’ETG, ça m’a fait mal.
La saison suivante, tu stagnes en équipe réserve. Tu décides donc de quitter ta vallée pour te rapprocher de celle de Dana, à Vannes en 2013-2014, où tu t’éclates en National avec 8 buts et 8 passes décisives en 27 matchs. C’est le tournant de ta carrière ? C’est le véritable début de ma carrière pro. L’année d’avant, je passe la saison en CFA2, je paye le fait d’être monté trop vite, je pense. Je n’étais pas prêt mentalement. Ensuite, je fais six premiers mois très mauvais, puis six derniers très bons, et je passe pro. Je fais donc le choix de partir en prêt parce que je savais que je ne pourrais pas m’imposer à Évian. J’avais deux offres en National pour un prêt, j’ai choisi Vannes.
Sur le terrain, tu es plutôt un joueur technique et spectaculaire. C’est ton côté croate ? J’aimerais bien avoir des gênes de Luka Modrić ! C’est vrai qu’il y a une tradition de milieux techniques et spectaculaires en Croatie, on va dire que ça vient de là (Rires.) J’aime le beau jeu, donc on peut faire un petit lien.
De là à porter le maillot à damier ?Si la sélection croate m’appelle, c’est que j’aurai atteint un super niveau déjà… Mais s’ils le font, je dis oui sans douter.
Tout le monde craint un France-Argentine en huitièmes de finale du mondial cet été, mais toi, tu appréhendes surtout un France-Croatie ? Tu supporterais qui ?Si ça arrive, ça va être un match très compliqué, ce sont toujours des matchs serrés. Mais je suis né en France, j’ai grandi ici, donc je serais pour les Bleus, même si ma mère et mes grands-parents seront derrière la Croatie. Franchement, j’ai plus peur d’affronter la Croatie que l’Argentine.
En quelques mois, tu es passé de René Girard à Claudio Ranieri, en passant par Sergio Conceição. Qu’est-ce qui a le plus changé à la Jonelière depuis ?Les installations ont beaucoup changé, la Jonelière a été pas mal refaite, notamment les bâtiments. Ils ont tout retapé. Avant, l’espace pro était partagé avec la réserve, mais maintenant il a été séparé et agrandi. Le fonctionnement du club a aussi pas mal changé. Après ils ont des habitudes qu’on retrouve : tout ce qui est mise au vert etc, mais les semaines d’entraînement ont pas mal changées. Avec René Girard et Claudio Ranieri, on fait pas mal de foncier tandis que Conceição ne nous a jamais fait courir sans le ballon. Cette année on fait aussi beaucoup de tactique et de videos, ce qui n’arrivait jamais avec Girard.
Tu réussis un bon début de saison à Nantes. Avec deux buts en seize matchs, tu as déjà fait aussi bien que lors des trois derniers exercices. C’est quoi l’objectif pour toi d’ici la fin de saison ?Ce serait déjà de marquer plus, ça passe par le travail. Mais sans faire de langue de bois, je n’ai pas de chiffres précis, honnêtement. Si je peux doubler, voire tripler mon total de l’an passé, ça me va. C’est l’avantage d’un total à deux…
Et pour le FC Nantes ?D’abord de faire aussi bien que la saison passée, voire mieux (7e). Je pense qu’on est capables de tenir la cinquième place même si la saison est longue. Les quatre premiers sont hors catégorie, il faut rester humble.
Propos recueillis par Adrien Hémard