- Bundesliga
- J26
- Bayern-Dortmund
Thomas tout zen
Six mois après son limogeage de Chelsea, Thomas Tuchel fait son retour ce samedi sur le banc du Bayern, au sein d'un vestiaire électrique. Cerise sur le gâteau : il démarre son aventure bavaroise par un Klassiker contre son ex décisif pour le titre. Mais pas de panique : c'est un homme nouveau après une cure de yoga de trois semaines en Inde.
Palmiers, espadrilles, bermuda et chemise trop grande ouverte sur un T-shirt tout aussi fade, Thomas Tuchel apparaît tout souriant. La scène ne se passe pas à Munich lors de la trêve internationale, mais fin novembre sur la côte indienne, au coucher de soleil. Le meilleur entraîneur UEFA de 2021 accueille dans son ashram pour parler de routine, d’intuition et d’ayurvéda. Loin du monde du ballon rond, Tuchel sort d’une retraite spirituelle de trois semaines auprès de médecins ayurvédiques, pendant laquelle il a suivi un traitement panchakarma. Des termes d’origine indienne qui renvoient à une médecine douce, traditionnelle et non conventionnelle originaire du sous-continent, à base de yoga, de méditation et de détoxication. Le but est triple : le maintien de la santé, la guérison des maladies et la réalisation de soi. Tout un programme qu’a donc suivi Thomas Tuchel à la fin de l’automne, et qui ne pourra que lui être utile à l’heure de reprendre les commandes d’un Bayern Munich en pleine crise de nerfs.
<iframe loading="lazy" title="The Power of Routine, Intuition & Ayurveda With Thomas Tuchel" width="500" height="281" src="https://www.youtube.com/embed/MDdmGU6vPMM?start=485&feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" allowfullscreen></iframe>
Vive la retraite spirituchel
Rapide rappel des faits : le 23 mars 2023, victime d’une mutinerie interne, Julian Nagelsmann est jeté à la mer par les amiraux bavarois. Le navire Bayern vogue en pleine tempête, après une défaite face à Leverkusen qui laisse Dortmund seul en tête du championnat, avec un point d’avance. Malgré un double rendez-vous à venir avec Manchester City en quarts de C1, un autre quart en Coupe d’Allemagne, et cette course au titre loin d’être perdue, un nouveau capitaine est appelé à la barre. Au chômage depuis septembre et son éviction de Chelsea, Thomas Tuchel déboule à la Säbener Straße. Surpris par le timing, celui qui se voyait poursuivre sa carrière à l’étranger rentre au bercail à 49 ans : « Lors de mes aventures au PSG et à Chelsea, j’ai senti à quel point le Bayern était un club respecté et admiré un peu partout. Je n’ai pas hésité un instant. Tout était réuni pour répondre immédiatement favorablement à l’offre du club. » Le sourire de Tuchel contraste alors avec l’ambiance interne d’un club à feu et à sang. D’un côté, les pro-Nagelsmann (Kimmich, Goretzka…), de l’autre, ceux qui ont eu sa peau (Mané, Gnabry…), sans compter les clans germanophone, francophone, néerlandais, ni le statut à part de Thomas Müller. Le tout avec comme premier match le Klassiker décisif de ce samedi face au Borussia Dortmund. En cas de défaite, le Bayern verrait l’horizon d’un onzième titre consécutif s’éloigner dangereusement.
Ce cocktail explosif n’a toutefois pas découragé Thomas Tuchel. Et pour cause, l’Allemand est un nouvel homme. Suivant l’exemple d’un ancien adjoint, il a pris l’avion pour le sud-ouest de l’Inde, pour suivre une cure d’ayurvéda. « J’avais besoin d’un break pour démarrer une nouvelle partie de ma vie. Je me sens plein d’énergie et calme », explique-t-il dans une interview sur YouTube. « Depuis longtemps, je suis de plus en plus proche de l’ayurvéda à travers la méditation, et je suis devenu familier du style de vie et de la routine de cette philosophie. » Après avoir confié son épuisement après quatre années passées entre le PSG et Chelsea, Thomas Tuchel dévoile sa façon de supporter cette vie : « Pendant ces périodes intenses, j’ai une routine de ne pas manger après sept heures, de ne pas manger de viande le soir, de réduire le sucre le soir. C’est parfois plus facile. Les écarts arrivent, mais le corps les accepte mieux si on a une routine entre-temps. » Entre deux cris d’oiseaux, et bercé par le bruit des vagues, on apprend ainsi que le technicien petit-déjeune, déjeune et se couche tous les jours à heures fixes. Mais aussi qu’il réalise souvent des prélèvements sanguins, pour surveiller l’apparition d’allergie : « J’ai perdu beaucoup de poids depuis mes premières années, parce que je n’avais pas cette routine. Je ne savais pas ce qui était bon pour moi. Je me suis inspiré de Novak Djokovic et de son changement de régime alimentaire sans gluten. »
Papillons, méditation et Meisterschale
L’étape suivante était donc de s’envoler trois semaines pour sa cure ayurvédique. « Je me suis demandé pendant 2-3 jours ce que je faisais là, mais je voulais être là, sourit le vainqueur de la Ligue des champions 2021. J’ai appris que je pouvais survivre sans sucre. C’est une super expérience. J’avoue que c’était un défi à relever de se lever à six heures pour aller au yoga, et d’être en tenue de gym et d’être la personne la plus raide du groupe. (Rires.) » Dans ce complexe volontairement loin de toutes distractions, où il s’est pris d’affection pour les papillons, Tuchel a pu retravailler sa confiance en soi, forcément mise à mal par la fin de son aventure à Chelsea : « Je suis bien avec moi-même, je me sens confiant, en bonne santé. Pour moi, c’était une cérémonie pour prendre un nouveau départ. Je me sens différent, dans mon estomac, quand je regarde le miroir, j’ai perdu quelques kilos. » Au-delà de la singularité de sa démarche dans l’univers testosteroné du ballon rond, l’Allemand assure que cette détoxication fera de lui un meilleur entraîneur, notamment pour mieux digérer les défaites : « Dans les moments durs, on a besoin de méditation. De quelques outils comme se concentrer sur certains détails. »
Apaisé, Thomas Tuchel a donc pris la relève, au pied levé, de Julian Nagelsmann le 24 mars, et a déjà annoncé des choix forts. Il compte ainsi replacer Leroy Sané, souvent aligné dans l’axe par Nagelsmann, dans le couloir où Guardiola en avait fait une arme létale. Même chose pour Sadio Mané et Serge Gnabry. Tuchel devra toutefois composer avec des indéboulonnables (Kimmich, Goretzka, Müller), ce qu’il semble enclin à faire. Autre sujet sensible : le retour prochain de Manuel Neuer, blessé, qui devra regagner sa place face à Yann Sommer. L’Allemand devra se montrer plus souple qu’en yoga pour maintenir l’équilibre, alors qu’il devrait reprendre le système à trois défenseurs qui a fait sa force à Chelsea. Le tout avec une épée d’Uli Hoeness au-dessus de la tête, car le temps n’est pas de son côté. Ce samedi, à 18h30, il portera la casquette bavaroise pour la première fois face au BvB. Et Dortmund n’a pas besoin de recroiser son ex pour se motiver, alors que les coéquipiers de Sébastien Haller ont rarement été aussi près de soulever le Meisterschale depuis dix ans. Le Borussia s’avance en position de force avant une fin de championnat certes plus chargée, mais lui n’aura plus que cela et la coupe à jouer. Contrairement à un Bayern Munich encore sur tous les tableaux, ce qui permet à Thomas Tuchel, décidément très détendu, de clamer son ambition : « Nous avons la possibilité de réaliser un fabuleux triplé. C’est aussi ni plus ni moins que notre objectif. »
Par Adrien Hémard-Dohain