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Thomas Tuchel et le BvB, la fin de la lune de miel
Entre résultats décevants et passe d'armes avec sa direction, Thomas Tuchel vit une deuxième saison très compliquée sur le banc du BvB. À tel point que l'entraîneur allemand pourrait ne pas rester aussi longtemps que prévu dans la Ruhr.
Il y a encore quelques mois, l’heure était à la prolongation de contrat pour Thomas Tuchel. Après une première saison conclue sans trophée à la clé, mais bien meilleure qu’espérée, le successeur de Jürgen Klopp semblait bien parti pour devenir le nouvel homme fort du BvB. Mais depuis quelques semaines, le climat s’est résolument refroidi à Dortmund. Et les désaccords entre l’entraîneur et sa direction se multiplient. Dernièrement, Thomas Tuchel a, par exemple, émis quelques réserves sur le transfert d’Alexander Isak et le départ d’Adrián Ramos, estimant ne pas avoir été assez consulté. « J’ai été au courant très tard du départ d’Adrián et de l’arrivée d’Alexander. Du reste, je ne connaissais pas le joueur. Et c’était la même chose avec Ousmane Dembélé et Emre Mor. Dans le cas de certains transferts, je suis au courant très tard » , a-t-il assuré à la presse de façon spontanée et à sa demande, en claquettes-chaussettes après l’entraînement. Après cette déclaration un peu trop franche, l’entraîneur s’est bien sûr rattrapé en évoquant un processus « normal dans les grands clubs » , mais un poil trop tard puisque quelques jours auparavant, il avait déjà critiqué la politique de transfert du club dans une interview pour ESPN. Hans-Joachim Watzke lui a donc répondu par la voie publique, et de manière plutôt sèche. « Dans les deux cas – la vente d’Adrián Ramos et l’arrivée d’Alexander Isak –, notre coach, Thomas Tuchel était au courant. Dans les deux, il n’a émis aucune réserve. Si tel avait été le cas, nous l’aurions évidemment écouté » , a affirmé le boss du BvB dans Bild.
« Un homme très spécial »
Si des désaccords existent forcément entre un entraîneur et une direction, le caractère très public de cette histoire n’augure rien de bon. Surtout que Thomas Tuchel n’est pas vraiment connu pour être particulièrement malléable. À Mayence, il avait fini par rendre les armes, estimant ne pas pouvoir faire mieux avec une équipe de ce calibre, mais aussi en raison de désaccords répétés avec sa direction. Interrogé en octobre dernier par RevierSport, Christian Heidel, ancien directeur sportif de Mayence, n’avait pas eu que des mots tendres à l’encontre de celui qu’il a propulsé dans le grand bain : « À la fin de son passage à Mayence, nous avions nos différends. Depuis un bon moment, même. Thomas est un homme très spécial. » Si Heidel ne tarit pas d’éloges sur les capacités tactiques de Thomas Tuchel, il émet des réserves sur sa capacité à travailler en équipe. À Dortmund, il est déjà acté qu’il ne souhaite plus travailler depuis avec le directeur de la cellule de recrutement, Sven Mislintat, un des hommes qui a permis au BvB de se relever durant l’ère Jürgen Klopp – leur grief datant du transfert avorté d’Óliver Torres l’été dernier. En ce qui concerne son groupe, Thomas Tuchel semble de moins en moins être maître de la situation. Pierre-Emerick Aubameyang s’exprime régulièrement dans la presse sans l’accord de son entraîneur, et Mario Götze, par le biais de ses communicants, se plaint en permanence de son manque de temps de jeu. Depuis que Thomas Tuchel est vivement critiqué dans les médias, aucun joueur n’a publiquement pris sa défense. Pas même le capitaine, Marcel Schmelzer. Dimanche, lorsque Sky a demandé au défenseur si les discussions autour de Thomas Tuchel gênaient les joueurs, il a tout simplement répondu que l’équipe avait « des problèmes plus importants » . Ce qui ne constitue pas vraiment la plus enflammée des défenses.
Le titre est déjà loin
Bien évidemment, tout ce remue-ménage n’aurait jamais pris de telles proportions si le BvB enchaînait les bons résultats. La personnalité et les choix de Thomas Tuchel ne sont pas devenus clivants du jour au lendemain. Mais l’an passé, la possibilité de gagner des titres l’avait emporté sur le reste. Aujourd’hui, le BvB pointe à 11 points de Leipzig et à 14 du Bayern. Le titre est donc déjà perdu, et la place de dauphin sans doute aussi. Et même si le club a perdu trois de ses meilleurs joueurs à l’intersaison (Hummels, Gündoğan et Mkhitaryan), l’effectif reste largement compétitif. En invoquant en permanence la jeunesse de son effectif, Thomas Tuchel essaye sans doute un peu de se dédouaner. Car finalement, c’est bien lui qui a mis à la porte Kuba et Subotić, deux joueurs certes souvent blessés, mais qui auraient pu apporter beaucoup de maturité à un groupe qui en manque cruellement. Devant les résultats décevants du club, Thomas Tuchel est en réalité bien seul, et il le sait. Si tout ne lui est pas imputable, le perfectionniste qu’il est sait qu’il doit faire mieux. Fait rarissime hier, Hans-Joachim Watzke et Michael Zorc sont venus assister à l’entraînement. Puis ils auraient discuté pendant plus de deux heures avec leur coach. Le match contre Leipzig serait-il un match couperet ? Sans doute pas. Si l’on se fie aux récentes prolongations de contrat de Julian Weigl et Christian Pulisic, la direction du BvB envisage toujours un avenir avec Thomas Tuchel, leur mentor. Mais un changement de comportement sera forcément attendu et la prolongation de contrat, rangée au placard pour le moment.
Par Sophie Serbini