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Thomas Tuchel, à cœur ouvert
Souvent décrit comme étant un entraîneur froid et distant, Thomas Tuchel montre depuis une semaine qu’il est un être humain comme les autres, secoué de plein fouet par les événements vécus par son équipe.
« Les joueurs ont montré une sacrée force de caractère et je ne peux que les complimenter. » Visiblement ému, Thomas Tuchel n’a pas tari d’éloges quant à la prestation de ses hommes samedi face à Francfort, quelques jours après l’attentat qui a visé l’équipe et le staff. Plutôt que de parler tactique, l’entraîneur a tenu à mettre l’accent sur l’aspect psychologique. Une évidence, au vu des événements des derniers jours ? Pas forcément, lorsqu’on connaît les habitudes du bonhomme. Mardi soir, une partie de la presse allemande se demandait comment Thomas Tuchel, connu pour son caractère assez froid, allait gérer « l’après » . Comme son modèle Pep Guardiola avant lui, le technicien allemand a essuyé de nombreuses critiques à l’encontre de sa personnalité. Ses relations, pas toujours au beau fixe ni avec ses joueurs, ni avec ses dirigeants, ont fait couler beaucoup d’encre cette saison. « Thomas est une personne très spéciale » , avait même déclaré Christian Heidel, son ancien boss à Mayence. Spéciale peut-être, insensible certainement pas. Lors de cette semaine complètement folle, Thomas Tuchel a prouvé à ses détracteurs que oui, il avait un cœur. Que derrière le tacticien pouvait se cacher un homme capable de gérer cette malheureuse situation.
Un homme meurtri
Mercredi dernier, Tuchel a eu du mal à cacher son agacement. Jouer cette rencontre, moins de 24h après avoir frôlé la mort, ne faisait clairement pas partie de ses plans. « Nous aurions voulu avoir plus de temps pour accepter ce qu’il vient de se passer, mais quelqu’un en Suisse a décidé que nous devions jouer » , avait-il lâché dès l’avant-match. Si un certain goût pour la provocation verbale a toujours fait partie de son caractère, Thomas Tuchel a, cette fois-ci, juste dit tout haut ce que toute l’équipe pensait tout bas. Un choix osé, mais salué par ses joueurs qui ont tous fait bloc derrière leur coach une fois le match terminé. « L’UEFA doit comprendre que nous ne sommes pas des animaux » , a notamment déclaré Sokratis en zone mixte. Du reste, l’entraîneur n’a pas empêché ses joueurs de s’exprimer sur le sujet dans les médias. « Certains ont besoin d’en parler, d’autres ont l’air d’aller déjà mieux. Tout le monde réagit différemment » , a-t-il expliqué jeudi en conférence de presse. Un rendez-vous avec les médias marqué, là encore, par la franchise d’un homme profondément meurtri par les récents événements : « Aujourd’hui, je me sens très mal. Bien plus mal que mardi ou mercredi. » En étalant au grand jour ses émotions, il a pris le peuple borusse dans ses bras et a partagé sa peine, ses angoisses. Sans oublier d’être là pour ses joueurs : « J’essaye de donner des conseils. On en apprend tous les jours. »
Enfin arrivé à Dortmund ?
Au-delà de trouver les bons mots pour consoler les Schwarzgelben, Thomas Tuchel a réussi à remettre très vite son équipe sur de bons rails, sportivement parlant. Si durant la première mi-temps face à Monaco, les visages fermés, voire perdus des joueurs présents sur le terrain n’auguraient rien de bon, la seconde période et le match face à Francfort ont redonné de l’espoir. La force du coach à la raie sur le côté a été de se rendre compte que certains joueurs n’étaient pas prêts à rejouer, quand d’autres l’étaient. C’est le cas de Nuri Şahin. Très proche de Jürgen Klopp, le milieu de terrain avait largement été ignoré par son coach depuis son retour de blessure à l’automne. Et si le Turc ne s’était jamais officiellement plaint de son temps de jeu, des rumeurs l’envoyaient déjà à gauche et à droite. C’est finalement une bonne chose pour le groupe qu’il soit resté. Entré à la mi-temps face à Monaco, son aura a suffi à remobiliser les troupes, qui, au courage, sont parvenues à inscrire deux buts synonymes d’espoir. En outre, Şahin a fait preuve de beaucoup de dignité et d’humilité dans son interview post-match, avouant sans aucune honte qu’il n’oublierait « jamais les visages » de ses coéquipiers au moment de l’attentat. Pas pour rien qu’il a ensuite été reconduit par Tuchel lors de la victoire face à Francfort (3-1) le week-end dernier. Ces derniers temps, l’Allemagne du football se demandait si l’entraîneur du Borussia Dortmund irait jusqu’au bout de son contrat, en 2018. Au lendemain de la déroute à Munich (4-1), Hans-Joachim Watzke, le patron du Borussia, avait même dit sur Sport1 que « Thomas devait pleinement s’identifier à son club, comme Jürgen Klopp ou comme Diego Simeone » . Au vu du contexte, de la réaction et de la gestion du coach, c’est peut-être ce qui est en train de se passer.
Par Sophie Serbini