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Thomas Thouroude : « Le sport est un produit culturel »

Propos recueillis par Alexandre Doskov
Thomas Thouroude : « Le sport est un produit culturel »

Six mois après l'annonce tonitruante de son départ de Canal +, Thomas Thouroude va bien. Pieds sur la table, T-shirt inspiré du maillot de l'équipe de France, il revient sur un parcours déjà bien animé, en attendant de découvrir sa nouvelle émission à la rentrée.

Salut Thomas. Tu as fait tout l’Euro chez Europe 1, tu as compté combien d’heures d’émission tu as fait pendant la compétition ? Ça allait l’état de fatigue ?Non ! Ça peut se compter, faudrait reprendre le calendrier, mais il y en a un paquet, je pense ! Honnêtement, on était cuits ! On tenait parce que c’est toujours comme ça dans les grosses compétitions, t’es fatigué, mais tu tiens avec le rythme, l’énergie, les nerfs. Mais le soir de la finale, on savait qu’on allait s’écrouler par terre. Et on tenait d’autant plus que l’équipe de France faisait le job ! Si l’équipe de France sortait, c’était plus pareil. Et puis l’émission était cool, on s’amusait bien.

Tu es passé de la télévision à la radio, il y a une appréhension quand on change de média comme ça ?

Depuis 1999, je n’avais jamais refait de radio. C’est revenu assez vite et ça a été le pied rapidement.

Non, plus chez les dirigeants d’Europe 1 que chez moi ! Moi, j’attendais ça avec impatience, avec enthousiasme. Et j’avais commencé à la radio, en sortie d’école de journalisme. J’ai fait mes premières piges et mes premiers contrats en radio, dans les locales de Radio France, à Caen, notamment. Depuis 1999, je n’avais jamais refait de radio. On a fait quelques pilotes avant de prendre l’antenne, pour se remettre dans le bain de la radio, et c’est revenu assez vite et ça a été le pied rapidement.

Ce type de carrière pluridisciplinaire, où tu navigues un peu dans plusieurs médias, plusieurs formats journalistiques, c’est à ça que tu aspirais quand tu étais un jeune journaliste ?Je n’ai pas vraiment navigué en fait, sur mes 17 ans de journalisme, j’ai fait 16 ans de télé ! J’ai suivi une trajectoire assez linéaire. Quand tu commences ton métier, tu essaies un peu tout, et tu vois le média qui te correspond le mieux. J’avais beaucoup aimé la radio, je trouve que c’est un média fantastique et très formateur, j’étais moins à l’aise avec le presse écrite, et ensuite j’ai eu une opportunité de travailler dans une rédaction à la télé. J’aime beaucoup la matière image, ce produit, je trouve que c’est un produit fantastique. Pas seulement la présentation.

Bon, tu as parlé de Caen, et tu es un gros fan du stade Malherbe. Tes impressions avant la reprise ?On se prépare super bien ! J’ai vu qu’on avait signé Steed Malbranque, et qu’on était en discussion avec Jérémy Clément. On va avoir une équipe de feu ! On est super confiants.

Oui, il y a du mouvement du côté des arrivées, mais ça veut aussi dire qu’il y a du monde sur le départ…Les arrivées, c’est parfait. Et je ne pense pas qu’il y ait tant de départs que ça ! J’ai pu en discuter avec Gravelaine à la fin de la saison, il n’y avait qu’un joueur qui était sur le départ, et encore ce n’était pas acquis.

Delort ? Rodelin ?

À Caen, j’aimerais garder le groupe tel qu’il est et qu’ils intègrent des nouveaux joueurs pour avoir une transition.

(Il sourit) Ouais, c’est Rodelin. Mais il est encore là ! Ça se discutait encore, Caen voulait le garder. Et Delort, il reste ! Enfin, je n’ai pas entendu qu’il allait partir. J’espère qu’il va rester. J’aimerais garder le groupe tel qu’il est et qu’ils intègrent des nouveaux joueurs pour avoir une transition. Et l’Europe… Moi, j’aimerais bien, tous les supporters, on aimerait. Mais je pense que ce n’est pas du tout l’intention du club. Ça veut dire dépenser plus d’argent, jouer sur plusieurs tableaux, je ne sais pas si Caen est capable de ça.

Tu as passé seize ans dans le groupe Canal. Quand on quitte l’endroit où on a travaillé seize ans, au-delà d’être une étape dans une carrière, c’est carrément une nouvelle étape dans une vie. C’est quoi, les impressions à ce moment-là ?Alors, j’ai passé seize ans dans le groupe Canal, j’ai fait Infosport, I Télé, puis Canal où j’ai fait du sport et le Before du Grand Journal pendant deux ans, donc ça n’a pas été une décision facile à prendre, mais ça n’a pas non plus été impossible. Ça s’est imposé comme ça. Tu sais, c’est souvent dans les changements de cycles que tu te poses ces questions-là. Tu te dis : « Qu’est-ce que je fais, est-ce que je continue ou pas ? » J’étais bien à Canal, je présentais encore la Ligue des champions, je faisais l’émission qui remplaçait Le Grand Journal pendant la période de Noël, je devais présenter le magazine olympique, donc j’avais des perspectives super. Mais tu ne te poses la question que quand il y a ces changements de cycles. Je ne me suis jamais dit : « Tiens, j’ai envie de quitter Canal. » Mais il s’est passé ça, ça a bougé un peu partout, et tu te poses la question à ce moment-là.

Lors de ton départ, j’ai l’impression que Canal a sous-entendu que tu étais parti précipitamment, comme si tu avais quitté le navire sans les prévenir.C’est moi qui l’ai décidé, et ça a été le fruit d’une réflexion longue. J’ai été hyper transparent avec Canal, notamment avec le directeur des programmes avec qui j’entretenais de très bons rapports.

C’était la fin d’une histoire, et encore, je n’aime pas vraiment parler comme ça. Tu les vois, tous ils sont en train de faire leurs adieux, bon…

Il a entendu mes motivations, on a échangé de manière hyper courtoise et même sympa. Donc oui, ça s’est bien passé. C’était la fin d’une histoire, et encore, je n’aime pas vraiment parler comme ça. Tu les vois, tous ils sont en train de faire leurs adieux, bon… (Il rit) Il faut pas exagérer ! Non mais tu vois ? Tout le monde fait ses adieux, le Zapping, ok ! Ouais, c’est un truc qui a marqué l’histoire de Canal depuis toujours, c’est la plus ancienne émission de Canal avec Groland, Les Guignols et L’Équipe du dimanche, donc quand le Zapping s’arrête, ok ! Mais après, toutes les autres émissions…

En partant, tu as eu cette phase où tu disais t’en aller « sans aucun regret, ni aucun sentiment d’aigreur » . Quand un footballeur dit ça, c’est une façon polie de dire que ça s’est mal terminé. Non, au contraire ! Je pense que si ça s’est mal passé, c’est là qu’il y a un sentiment d’aigreur. Quand tu es obligé de partir, tu es un petit peu aigri. En tout cas, moi je n’ai aucun regret. Pendant seize ans, j’ai fait des trucs géniaux. Je n’ai pas du tout été contraint, et j’ai eu la chance de pouvoir prendre ma décision tout seul. Pour moi, c’était le bon moment.

Pas de vaisselle cassée donc ?Il n’y a pas eu de vaisselle cassée du tout !

Tu as parlé de cycle. On parle beaucoup du nouveau cycle du groupe Canal, sous l’impulsion de Bolloré. En quoi est-ce que tu étais concerné par toutes ces décisions ?En l’occurrence, par rapport aux émissions que je présentais, je n’étais pas particulièrement touché. On ne m’a pas demandé de partir, et j’avais une situation très favorable. Je ne me suis pas projeté. Je me suis juste dit qu’il y avait un gros changement, une nouvelle équipe de direction, et que c’était peut-être le moment, après seize ans dans la maison, d’aller voir un peu ce qu’il se passait ailleurs.

Ton avis personnel sur les réformes de Bolloré depuis qu’il est à la tête de Canal ?

Moi, je n’ai jamais rencontré Vincent Bolloré. Donc je ne lui ai jamais demandé ce qu’il voulait faire de Canal.

Moi, je n’ai jamais rencontré Vincent Bolloré. Donc je ne lui ai jamais demandé ce qu’il voulait faire de Canal, mais j’ai beaucoup lu, et j’ai été très attentif à ce qu’il a pu dire. Je pense qu’il va sur un modèle de chaîne payante avec beaucoup de contenu, un peu comme un Netflix à la française. Je pense qu’il va mettre le paquet sur les productions originales, sur les films, sur les contenus de sport aussi, en réduisant la part de clair. C’est exactement ce qui se dessine. Et je pense que ce n’est pas forcément une mauvaise direction, et qu’il peut réussir avec ce modèle-là.

De quoi avait besoin le groupe selon toi, qui le connaît très bien, et de l’intérieur ?Putain, ça, c’est une grande question ! Mais ça dépend sur quel plan. Sur le plan éditorial ? Au niveau des programmes ? Est-ce qu’on parle du plan financier ? Des directions stratégiques ? Pour le coup, c’est un vaste débat et ça pourrait durer très longtemps.

Par exemple, tu parles du niveau éditorial, toi, tu as connu Le Before du Grand Journal, une émission qui n’a pas fonctionné… (Il coupe) Qui n’a pas fonctionné, du point de vue de l’audience ! Mais qui a fonctionné en termes qualitatifs, on a eu un accueil excellent pour cette émission. Surtout, c’était une émission dont le sujet n’était pas de faire de l’audience. Elle devait servir de labo de création à la chaîne. Ça a permis de tester des humoristes, par exemple Connassequi a fait un carton, elle a commencé au Before. Ça a très bien marché, elle est montée au Grand Journal, puis le film, etc. C’était ça, l’intérêt. On était l’antichambre, et tout ce qu’on testait devait servir le vaisseau amiral, Le Grand Journal, mais aussi les différentes émissions de la chaîne. Tout l’équipe du Studio Bagel, c’est pareil, ils ont commencé au Before. Ils ont tous eu leur programme court respectif, comme Jérôme Niel, ou monsieur Poulpe et Alison.

Tu as vécu les années où il y avait beaucoup plus de football accessible à la télévision. Les clubs français en Ligue des champions sur TF1, Téléfoot avec des images… Aujourd’hui, c’est fini.

Je pense que c’est dommage, si tu n’es pas abonné et que tu n’as pas d’argent, tu ne vois pas un match de Ligue 1 de la saison

Même la finale de l’Euro ne sera pas sur la Une ! Ton regard sur cette évolution ? Je le regrette d’un point de vue purement citoyen, puisque je pense que le sport doit être au même niveau que les autres divertissements accessibles au plus grand nombre. C’est un produit culturel, le sport. Après, d’un point de vue journalistique, j’ai eu la chance de ne pas en souffrir puisque j’ai travaillé dans le groupe Canal et que je bossais avec toutes les images, sur les plus grands matchs. Mais évidemment, je pense que c’est dommage, si tu n’es pas abonné et que tu n’as pas d’argent, tu ne vois pas un match de Ligue 1 de la saison. Après, l’offre de TF1, oui ça se réduit comme peau de chagrin. Et je pense que ça ne va pas s’inverser !

La grande vague de départs des animateurs de Canal + serait due à la trop grande place que prend Hanouna dans Canal. Il produit désormais pour toutes les chaînes du groupe, ça en a dérangé certains ?(Rires) Franchement, je ne sais pas ! Il faut se méfier des rumeurs ! Après, depuis toujours, il y a des boîtes de prod qui travaillent un peu plus avec des chaînes. Et l’accuser de tirer les programmes vers le bas, c’est hyper subjectif. Il y a peut-être des gens qui pensent ça, c’est compliqué à dire, ça s’enquête.

Tu te souviens de tes ambitions quand tu faisais ta première année comme journaliste ?Je ne me suis jamais dit : « Tiens, un jour je présenterai le JT, ou je feraiL’Équipe du dimanche. » Je me souviens très bien de mes premières piges, quand je suis sorti d’école de journalisme. Avant, j’avais fait un sport-études rugby. Je jouais troisième ligne ! Et j’ai eu la chance de tomber dans une super rédaction à Radio France à Caen, où mon premier rédacteur en chef a été un de mes maîtres dans ce métier, et m’en a donné la passion. Le journalisme était un double projet, à côté du rugby, j’y pensais depuis avant.

Tu as aussi animé des émissions de divertissement. Tu t’étais imaginé le faire ? Pourquoi on est venu te chercher, toi ?Je ne sais pas ! Peut-être qu’ils se sont dit : « Ça pourrait peut-être marcher avec lui. » Je suis très curieux par nature, et tout m’intéresse. Donc je ne m’interdis rien. C’est précisément l’intérêt de notre métier, on apprend, on s’enrichit au quotidien.

On reproche souvent aux journalistes qui font de l’animation de créer une frontière floue entre l’info et le divertissement. Tu n’avais pas peur de participer à ça ?

Le flot d’infos est tellement immense et peu contrôlable que la parole de personnes dont c’est le métier va compter encore plus.

C’est très subjectif. Est-ce qu’on considère que Philippe Gildas était un animateur ou un journaliste ? Je ne me suis jamais posé la question, je le regardais, je le trouvais bon, point. Tu vois ? Ça ne me pose pas de problèmes. Je m’en fous, en fait. Si le mec est bon, il est bon. Après, je pense que dans certains cadres, il est indispensable que l’information soit portée par un journaliste, et je pense que ça va être de plus en plus important dans les années à venir où le flot d’infos est tellement immense et peu contrôlable que la parole de personnes dont c’est le métier va compter encore plus. Comme un phare, un repère.

Les années à venir, elles vont ressembler à quoi pour toi ?Je ne sais absolument pas. À fond jusqu’au 10 juillet, puis je rebascule sur le projet France 2. Une émission qui va s’appeler Actuality, un magazine quotidien d’une heure et en direct pour répondre aux questions que tout le monde se pose. « C’est quoi les Panama papers ? » , ou « Pourquoi il pleut tout le temps pendant Roland Garros ? » Le concept c’est « J’ai pas tout compris, expliquez-moi » . Il y aura des chroniqueurs, des « éclaireurs » , ça va être simple, ludique et divertissant.

Le nom Actuality, c’est pour copier Society ? Non, c’est pas pour copier ! (Rires) Ça sonnait bien, et on a pris ça. C’était pas le premier choix, il y avait d’autres titres, mais ils étaient déjà déposés. Mais Actuality, c’est bien. C’est moderne, et ça sonne bien.

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