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Thomas Ravelli : « On n’a pas un Zlatan, un Dahlin ou un Brolin »
Ceux qui ont vu évoluer Thomas Ravelli lors de la World Cup 1994 n’ont pas pu oublier son maillot mythique, sa ganache et ses deux pénos arrêtés en quarts de finale face à la Roumanie. Ravelli, c’était pourtant bien plus que ça. Cent quarante-trois sélections sous le maillot bleu et jaune, une demi-finale de l’Euro, une troisième place en Coupe du monde et des ténors européens mis à terre avec Göteborg.
Comment se passe votre vie après le football ?Je vis en Suède, à Göteborg. Je fais du coaching dans les entreprises et j’ai démarré un business avec mon frère jumeau Andreas qui était aussi international suédois. On a créé une marque de vêtements destinée aux sportifs.
Vous avez totalement quitté le milieu du foot ?Oui, j’ai arrêté d’entraîner il y a plusieurs années. Je n’ai plus le temps de le faire. J’ai toujours pensé que j’aurais pu être entraîneur des gardiens dans un club pro, mais j’ai joué au football jusqu’à quarante ans. En fait, c’était assez.
Il paraît que vous avez joué en amateur jusqu’à quarante-cinq ans dans un club de D5, le Garda BK avec Kennet Andersson et Johnny Ekström. C’est vrai ?Les dirigeants du club le voulaient, mais j’ai seulement pris part à des matchs de charité. Kennet et Johnny ont joué, en revanche. S’ils avaient vraiment insisté, j’aurais peut-être enfilé les gants, mais vraiment, je n’avais plus la même motivation. J’en avais assez de faire de la compétition.
Avant de signer pro, vous avez aussi travaillé très longtemps. Vous vendiez des brosses qui nettoyaient les machines dans les imprimeries.À cette époque, je jouais dans une équipe de première division, Östers IF, avec laquelle on a été deux fois champions, mais on devait tous travailler à côté, puisque le championnat était semi-pro. C’était dur. On ne pouvait s’entraîner maximum que quatre fois par semaine. Lorsqu’on est descendus en 1988, j’ai signé à Göteborg, et là, je suis devenu pro.
Donc quand vous arrêtez le penalty de Roberto Mancini en 1987 lors d’un match qualificatif pour l’Euro 88 contre l’Italie de Gianluca Vialli, vous bossiez encore à côté ?Oui. C’est un peu comme les joueurs du Luxembourg maintenant…
C’est vrai que vous avez été repéré par le Bayern Munich qui vous suivait jusqu’à ce que vous preniez une pile contre le club bavarois ?(Il se marre) Oui… Au début des années 80, on avait affronté le Bayern Munich avec Östers en Coupe d’Europe. On s’est pris 5-0 et après ça, je n’ai jamais plus entendu parler d’eux…
Aujourd’hui, vous parle-t-on encore beaucoup de vos deux arrêts face à la Roumanie lors de la séance de tirs au but en quarts de finale de la Coupe du monde 1994 ?Tout le pays regardait ce match et tout le monde se souvient en Suède de l’endroit où il était durant cette séance de tirs au but et encore aujourd’hui, les gens viennent me voir pour me parler de ce moment. Ces arrêts ont quand même changé ma vie.
Vous étiez hyper critiqué avant la Coupe du monde… Vous aviez trente-quatre ans et certains pensaient que vous étiez fini. Avant la séance, vous vous êtes dit quoi ?Que c’était le moment ou jamais. Ça faisait treize ans que je jouais pour l’équipe nationale. On avait lutté de nombreuses années et l’équipe arrivait à maturité. Je crois qu’on avait douze-treize joueurs qui étaient à leur meilleur niveau au bon moment. Certains évoluaient dans de belles équipes européennes comme par exemple Jonas Thern à Naples, Tomas Brolin à Parme, Stefan Schwarz au Benfica, d’autres à Göteborg. Bizarrement, durant toute cette séance, je n’ai jamais douté du résultat.
En demi-finale, vous perdez contre le Brésil, mais vous faites personnellement un match héroïque face à Romário, Bebeto et la frappe de mule de Branco. C’est la meilleure perf’ de votre carrière ?C’est sans doute l’une des meilleures. J’ai fait un très bon match, mais nous étions complètement cuits que ce soit physiquement et même mentalement. On avait eu seulement trois jours de repos après notre quart contre la Roumanie. Mais soyons clair, le Brésil, c’était la meilleure équipe du monde et ils l’ont prouvé.
À un moment, vous détournez une frappe de Romário et vous faites le show devant la caméra. Vous aimiez ça ?
J’adorais. Mais tu sais, tu ne peux faire le spectacle que si tu as une totale confiance pendant un match. Là, en demi-finales, avec l’équipe qu’on avait et dans la forme dans laquelle j’étais, je pouvais me le permettre. Je déconnais, mais parfois je me mettais aussi en colère. Je devenais fou quand un joueur simulait par exemple et qu’il obtenait un penalty. Je détestais les joueurs qui trichaient.
Vous avez fait des trous avec des ciseaux dans le caleçon de Martin Dahlin…(Rires) C’était durant l’Euro 92 en Suède pendant un entraînement, mais c’était une blague. On faisait tous ça à Göteborg.
Avec Göteborg justement après le Mondial 94, vous avez aussi tapé de grandes performances en Ligue des champions. Vous aviez battu le Manchester United de Ferguson, le FC Barcelone de Cruyff et fini en tête de la poule. Vous avez perdu face au Bayern en quarts à cause du but à l’extérieur. C’est pratiquement impossible pour un club suédois de faire un tel parcours aujourd’hui.
On avait une super équipe avec des joueurs comme Blomqvist, Lindqvist… Avant l’arrêt Bosman, les meilleurs restaient, sauf exception, et du coup, on était compétitifs. Mais je crois que ce qui nous a fait réaliser ces exploits, c’était surtout notre mentalité irréprochable. Je n’ai jamais entendu un gars broncher lorsqu’il était sur le banc. On ne voyait que le positif et le collectif à cette époque. Pour faire de grandes choses, c’est très important aussi que des joueurs acceptent ce rôle-là.
Durant votre carrière, vous vous êtes frottés à quelques joueurs talentueux. Gheorghe Hagi, Éric Cantona, Hristo Stoichkov, Romário… C’était qui le plus fort ?Marco van Basten durant la Ligue des champions 1992-1993 contre l’AC Milan à San Siro. Il avait tout. Il m’a marqué quatre buts dont un retourné. Il avait planté en plus un but refusé. C’était un tueur. Il marquait du gauche, du droit, de la tête, il était super intelligent. Dommage qu’il se soit blessé et qu’il ait dû arrêter prématurément sa carrière… C’était le meilleur pour moi.
En parlant de retraite, Zlatan a pris la sienne avec la Suède après l’Euro. Comment le vivez-vous ?
Zlatan a tiré l’équipe pendant de nombreuses années, tout le jeu de l’équipe dépendait de lui. Si l’équipe ne marche pas, tu ne peux pas la porter seul… On est très fiers de ce qu’il a fait, mais on doit maintenant passer à autre chose. On n’a pas de Zlatan, de Tomas Brolin, de Kenneth Anderson ou de Martin Dahlin. Ça, c’est fini. On a quelques bons joueurs, et ceux-là doivent désormais prendre leur responsabilité et jouer en équipe.
Vous saviez qu’il avait été ramasseur de balle pendant l’un de vos matchs avec Göteborg lors d’un déplacement à Malmö ? Dans son autobiographie, il a parlé de votre short qui lui plaisait…Non. Je n’ai pas lu, mais je savais qu’il avait assisté à un match de Göteborg quand je jouais. Ça me fait plaisir qu’il ait dit ça. Je l’ai rencontré quelques fois en dehors du foot et c’est vraiment un gars sympa.
Vous êtes optimiste pour la qualification pour la Coupe du monde ?Sept points, c’est un bon début. Le match contre la France (le 11 novembre, ndlr) est très important. Si on pouvait prendre des points, ce serait super. Je pense que vous allez finir en tête, et derrière, ça va se jouer entre nous et les Pays-Bas. On finira peut-être deuxièmes. Ça va être un longue course avec les Hollandais.
Propos recueillis par Jacques Besnard