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Thomas Nkono : « Mes filles appelleront peut-être leur fils Gigi »

Propos recueillis par Ugo Bocchi
Thomas Nkono : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Mes filles appelleront peut-être leur fils Gigi<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Thomas Nkono était un gardien camerounais excentrique et talentueux. Il est notamment l'un des premiers à avoir percé en Espagne. Il portait toujours des pantalons. Il sautait de partout. Il en faisait toujours des caisses. Et il a notamment joué un quart de finale de Coupe du monde en 90 contre l'Angleterre. Mais son plus bel exploit est peut-être d'avoir poussé un certain Gianluigi, notre numéro 4, à devenir gardien. Entretien avec l'idole de Buffon.

Bonjour Thomas. Alors, Gigi et vous, vous vous êtes déjà rencontrés ?Oui bien sûr. Il m’a notamment fait l’honneur de venir à mon jubilé.

Et il a joué ?Oui, il a été plutôt bon.

Quand vous vous voyez, vous discutez de quoi ?On parle de tout et de rien. On est souvent en communication tous les deux. On se donne des nouvelles, on s’encourage. Surtout moi, parce que lui est encore joueur.

Et comment ça se fait qu’il soit venu à votre jubilé ?On s’était vus au Mondial 98 en France. Je lui avais déjà dit que je faisais mon jubilé et que j’aimerais bien qu’il vienne. Et à partir de là, il m’a dit qu’il allait venir. J’ai profité de cette opportunité pour envoyer une invitation au club. Il était à Parme à l’époque, il jouait avec Patrick Mboma, et c’est lui qui nous a mis en contact. Je l’ai rencontré une première fois et c’est à partir de là que tout a commencé. Mais je ne pensais pas qu’il allait venir. Et juste deux heures avant le départ de son avion, il m’appelle pour me dire qu’il était à Charles de Gaulle et qu’il venait au Cameroun. Il est venu avec ses deux sœurs et son beau-frère. On était en famille.

Pour mon jubilé, Gigi a été accueilli en Afrique comme un roi. Il avait tout juste 20 ans, il n’était pas aussi connu que maintenant, on a tout fait pour qu’il se sente chez lui.

Il a dormi chez vous ?Non, à l’hôtel. Comme les autres joueurs. Mais après le match, on a tout fait ensemble. Mangé, discuté, mais surtout fait la fête. Il a été accueilli comme un roi. Il était jeune, il avait tout juste 20 ans, c’était sa première en Afrique. Du coup, on a voulu bien faire. Il n’était pas aussi connu que maintenant, et on a tout fait pour qu’il se sente chez lui. On lui a fait beaucoup de cadeaux également. Il était très content de son voyage.

C’est-à-dire ?Des cadeaux traditionnels, des masques, tout ça…

Vous vous êtes rencontrés d’autres fois après ça ?On s’est vus ici à Barcelone, il était venu jouer un match de Ligue des champions contre Barcelone, donc je suis parti lui rendre visite. On a passé un petit moment ensemble parce qu’il préparait son match.

Et vous parlez quelles langues tous les deux ?Ça, c’est compliqué. Lui parle italien. Moi français et espagnol. Donc on se comprend plus ou moins. En anglais, il se défend. Mais moi, moins. Du coup, moi, je lui parle en espagnol et lui me répond en italien.

Pas facile effectivement. Et votre amitié dure ainsi depuis plus de vingt ans donc ?Ouais, il était plutôt jeune à cette époque. Il n’avait pas encore vingt ans. Et à partir de là, on a gardé des liens.

Qu’est-ce que ça vous fait de savoir que vous avez inspiré l’un des meilleurs gardiens de l’histoire ?C’est un honneur. Un honneur d’être l’idole d’une vedette comme Buffon. Et puis je crois que mon plus grand exploit, c’est quand même de l’avoir fait changer de poste. Ce n’est pas facile de passer du milieu de terrain au poste de gardien. Mais je me dis que ce passé de joueur ne l’a pas non plus totalement desservi. Il a gagné en perception et en connaissance du jeu. Ce que les autres gardiens n’ont pas forcément.

Vous pensiez avoir eu cette influence lors du Mondial 90 ?Je pense qu’il a été surpris de voir un gardien africain faire ce que j’ai fait. Et c’est certainement ce qui l’a amené à changer de poste.

J’étais vraiment différent, j’avais une autre manière d’occuper le poste de gardien. J’ai participé à l’évolution du poste.

C’est-à-dire ? Votre excentricité ? Votre style ? Votre performance ?Je dirais que c’est ma manière de sentir le jeu. J’étais vraiment différent, j’avais une autre manière d’occuper le poste de gardien. J’ai participé à l’évolution du poste. Je pense que c’est le poste qui a le plus évolué ces dernières années.

Vous le regardez encore jouer ?Oui, je regarde ce qu’il fait, la progression qu’il a eue par rapport au jeu. Et je pense que c’est un gardien qui a progressé avec l’âge dans la compréhension du jeu. Et ça, ce n’est pas facile à faire.

C’est un bon vin en fait ?Oui, surtout qu’avec le nouveau règlement, ça a pas mal changé la manière de jouer aux cages.

La passe en retrait ?Voilà. Il a fallu apprendre à jouer au pied notamment.

Et est-ce que vous vous retrouvez en lui ?Non. Même pas. Je dirais même qu’on est opposés dans la manière d’être. Moi, j’étais beaucoup plus spectaculaire. Je sentais le poste d’une autre manière. Lui, il est beaucoup plus sobre. Différent de moi, quoi.

Qu’est-ce qu’il a de plus que les autres du coup ?La concentration. Et il sait aussi supporter la pression. Dans les gros matchs, et même quand on arrive au niveau des penaltys, on ne le sent jamais nerveux. Tranquille. Ça, c’est sa force. Moi, j’étais pareil. Je transmettais de la sérénité et de la tranquillité.

Votre plus grand point commun à tous les deux, c’est la longévité finalement ?Oui moi, j’ai joué jusqu’à 39 ans. Jusqu’à 37 ans en Espagne, après je suis parti en Bolivie où j’ai joué deux ans de plus. J’ai terminé ma carrière là-bas. C’est un poste un peu compliqué dans tout ce qu’on demande, dans le jeu. Il faut beaucoup de concentration et il faut intégrer beaucoup de concepts techniques et tactiques, donc ça demande beaucoup de ressources mentales. C’est épuisant mentalement. Moins physiquement. C’est pour ça qu’on peut jouer jusqu’à 40 ans. Et puis il faut aussi savoir s’entretenir physiquement. Avoir la chance de ne pas se blesser, l’hygiène de vie est très importante. La génération dans laquelle il a joué, il y a une très grande exigence. S’il a joué si longtemps à ce niveau, c’est qu’il est supérieur à tous ceux qui l’ont concurrencé.

Qu’est-ce que vous retenez de Gigi ?Sa simplicité. Son humilité. C’est tout lui. Et ça dit aussi pourquoi il a duré aussi longtemps à ce niveau-là.

Il y a un match, un moment qui vous a marqué ?Ouf… Il y en a tellement. Vous avez combien de temps devant vous ?

La Coupe du monde ?Entre autres. Non, plus sérieusement, c’est un phénomène.

Vous avez des enfants ?Oui.

Des fils ?Non, trois filles.

Oui du coup, difficile d’en appeler une Gianluigi……(Rires)

Parce que j’imagine que vous êtes au courant, mais il a appelé un de ses fils Thomas en votre honneur.Oui, je sais. Et peut-être que je vais demander à mes filles, quand je serai grand-père, d’appeler un de leurs fils Gianluigi. Non plus sérieusement, pour moi, c’était un honneur. Donner mon prénom à son fils, c’est vraiment une belle marque de sa simplicité et ça m’a beaucoup touché.

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