- Euro 2016
- 8es
- Allemagne-Slovaquie
Thomas Müller, l’Euro sceptique
Le compteur but de Thomas Müller est à zéro pendant une phase de finale de l'Euro. Aussi incroyable que la stat puisse paraître, elle poursuit irrésistiblement la vedette de la Mannschaft. Comme une malédiction que rien ne peut défaire. Le « raumdeuter buteur » cherche encore la signification de cette compétition, qu'elle soit à 16 ou à 24.
Avec celle de Toutankhamon, la malédiction de Rascar Capac est probablement la plus connue au monde. Elle synthétise ce concept du mal inconnu qui poursuit les hommes sur des siècles entiers, des générations, sans que rien ne puisse être fait. La malédiction rend inapte les hommes qui ont osé braver le sacré. La vindicte est inéluctable. Ce principe de la malédiction peut être appliqué partout. Prenez par exemple le football. Ici, l’homme maudit s’appelle Thomas Müller. Il subit à lui seul une déconvenue étrange, inexplicable, qui le poursuit match après match depuis bientôt dix heures. Jamais il n’est parvenu à mettre son ballon au fond. Lui, capable de gestes dégueulasses mais décisifs, devient un vulgaire Kaba Diawara quand il s’agit d’un Championnat d’Europe des nations. Aussi étrange que fascinant, c’est la malédiction du XXIe siècle : que ça ne meule plus dans le football allemand.
Les huit bulles de Müller
En huit matchs de phase finale de l’Euro, Thomas Müller n’a donc jamais marqué. Et fait sa première passe décisive la semaine passée. Pour un joueur qui a l’habitude de briller dans les plus grands matchs et les tournois, qui cumule déjà une dizaine de buts en Coupe du monde, une telle stat la fout mal et entraîne son lot de questions. Bordel, c’est vraiment possible d’être maudit sur l’Euro ? Le match contre l’Irlande du Nord a conforté l’impression d’une malédiction, d’un truc qui ne tourne pas rond. Les occasions étaient là. Müller a été globalement bon et présent dans le jeu – une chose pas toujours évidente pour lui. Mais non, toujours pas. Ça ne veut pas. Ça ne rentre pas. En vingt-six minutes chrono contre l’Irlande du Nord, Müller a eu quatre grosses possibilités :- 8e minute, il perd son duel McGovern. – 23e minute, depuis les six mètres, sa frappe file à côté. – 27e minute, sa tête touche le poteau. – 34e minute, sa frappe touche la barre transversale.
Ainsi, il y a toujours un quelque chose qui plante, que ce soit du bois, le gardien adverse trop en forme ou la motte de terre qui passait par là. On peut être le meilleur joueur du monde, le plus intelligent, et rater les meilleures occasions qui se présentent. La malédiction ne pardonne pas et ne laisse pas de place au doute : être maudit veut dire être maudit.
Quel est le problème avec l’Euro ?
Avant l’Euro 2016, lors des qualifs, neuf des vingt-quatre buts de la Mannschaft sont pour lui. En phase finale, l’Allemagne en a déjà planté trois. Au ratio, il devrait y en avoir au moins un de lui. C’est le minimum. Si ce n’est pas le cas, c’est alors que Müller a dû voler une relique d’un ancien titre allemand dans sa jeunesse, ou être ensorcelé par Stefan Kießling en 2010 en Afrique du Sud, jaloux de son insolence et son titre de meilleur buteur. En France, après le dernier match de poule, Thomas Müller accuse un peu le coup, tout en voulant se donner du courage : « Ce n’était pourtant pas que de la malchance. C’est aussi un peu d’incapacité dans la situation donnée. C’est très clair. On peut certainement faire mieux sur deux des quatre occasions. »
Autrement dit, il y a du mieux, mais encore du boulot pour trouver la faille de l’Euro qui lui manque. « J’ai obtenu plus d’occasions de but que dans les huit (sic) derniers matchs cumulés » , ajoute-t-il auprès des médias allemands. Le temps de se dédouaner de ne pas faire les efforts. Joachim Löw n’a de toute façon par d’autres choix. Même quand il ne marque pas, il est le joueur le plus craint par les autres équipes. Alors il jouera. « Cela ne m’inquiète pas. S’il n’avait pas eu d’occasion, j’aurais dû y réfléchir un peu plus. […] Mais un buteur qui a des occases, c’est un bon signe. Ce n’était pas loin. Je pense que la prochaine fois, ça le fera. » Et si ce n’est pas le cas, que faire ? Appeler Samuel Umtiti ? Peu de chances pour que le Français veuille aider un Allemand. Pas tant qu’ils ne sont pas éliminés. Non. Thomas Müller ne peut compter que sur lui-même pour détourner la grande malédiction qui le poursuit. Un petit but bien crado et tout est pardonné.
Par Côme Tessier