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Thomas Meunier, le like de la discorde
L'affaire Meunier a envahi les médias et les réseaux sociaux. Les opinions les plus extrêmes et parfois excessives se sont exprimées sans retenue. Il serait d'ailleurs facile de réduire tout ce chambard à un emballement 2.0 ou à un jeu de rôle entre supporters et joueurs. Le PSG traverse en effet une fin de saison amère que les records de Cavani n'adoucissent guère. De ce point de vue, le moindre remous prend des allures de tsunami. Pourtant, avec un peu de recul désormais, il est possible d'en tirer quelques leçons et surtout d'établir un froid constat sur ce qu'est devenu le PSG, et peut-être plus globalement le foot pro en France.
Rappelons les faits. Enfin, le fait principal. Thomas Meunier, défenseur plutôt apprécié du PSG, a liké sur Twitter un tifo marseillais lors de la rencontre de Ligue Europa contre le RB Salzbourg. Forcément, quand des centaines de milliers de comptes vous suivent, ce petit geste du pouce ne risquait pas de passer inaperçu. Au point d’être visé par un communiqué du Collectif Ultra Paris (CUP) qui dénonçait, selon lui, la nonchalance coupable de plusieurs membres de l’équipe. « Nous exigeons de la part de nos joueurs un peu plus de retenue et surtout de respect vis-à-vis de l’institution qu’est le Paris SG. » En outre, un déferlement de remarques et de réactions plus ou moins réfléchies sur les diverses plateformes n’a fait que prendre de l’ampleur, jusqu’à donc entendre les sifflets éclabousser l’international belge pendant la pénible rencontre contre Guingamp.
Valider la fièvre des fans phocéens
Pas impressionné pour un sou, et loin de se rattraper en s’astreignant à l’exercice de l’amende honorable, le principal incriminé a réagi en mettant les points sur les i. Un argumentaire bien construit, à l’instar de tous ses précédents communiqués, derrière lequel on verrait presque la patte d’un avocat conseil : « Étant étranger, fan de football dans sa globalité et surtout du Paris Saint-Germain, sachez que mon implication et ma passion vous sont dévouées à 1000% et le fait d’aimer ce qui se fait ailleurs en France ne doit en AUCUN cas remettre en question le respect et l’envie que j’ai de me battre pour les Rouge et Bleu. » Au moins, reconnaissons au joueur qu’il ne se cache pas derrière une excuse en bois type #teamgrosdoigts ou « J’ai laissé le smartphone à un pote » . Sa défense tient la route. Il éclaire finalement en creux comment le PSG actuel se conçoit et ce qu’il attend (ou du moins n’attend plus) de ses employés. Et la comparaison à l’internationale instruit largement sur la question. Qui imagine Ronaldo effectuant un RT d’un chant des supporters du Barça ?
La thèse de l’acte innocent sans mauvaise intention ne tenait pas la route. La plupart des joueurs étant désormais coachés sur la gestion des réseaux sociaux, il est difficile de penser que ce like ait pu se réduire à un simple coup de cœur d’un amoureux de la « grande famille du ballon rond » . Thomas Meunier connaît très bien l’ampleur et les contours constitutifs de la rivalité entre Marseille et Paris. Tout comme il devinait, pour être plutôt actif sur les réseaux sociaux, à quel point les supporters marseillais chambraient leur homologues parisiens avec cette demi-finale, quand ils n’entonnaient pas le refrain habituel du « à jamais les premiers » . En décidant de valider la fièvre des fans phocéens, en « aimant le foot » plus que le PSG, il a ouvert, qu’il le veuille ou non, un débat, dont on a pu ensuite regretter parfois le manque de retenue ou de mesure. Sa position est légitime et défendable, après tout. Surtout, pourquoi s’en priverait-il puisque rien dans ce qu’il vit au PSG ne l’amène à fonctionner autrement ? Professionnel sur le terrain pour son boss, il garde sa liberté de conscience en dehors puisque, selon lui, l’essentiel est assuré sur le terrain. Thomas Meunier est à l’image du PSG 2018 : Un club pro qui embauche des joueurs auxquels il demande des performances. #Icicparis est un hashtag qu’on arbore comme un pins de Team building.
Gardiens du temple
Thomas Meunier a donc peut-être commis une faute morale, mais certainement pas professionnelle. La faible réaction du staff n’est pas cette fois un aveu de faiblesse, mais simplement le signe du peu d’importance que ce type de péripéties peut avoir à ses yeux. Le CUP s’aligne finalement aussi sur cette réalité en demandant, presque en actionnaire, au PSG de tenir basiquement un peu plus les joueurs, exigeant le respect d’une institution qui se fait timide dans le quotidien du Camp des Loges. Il y a, dans cette bataille de position, une dimension évidemment symbolique. Les ultra parisiens, période qatarie, essaient de se poser en gardiens du temple en reconstruisant les piliers historiques d’un club qui a été vendu à la plupart des joueurs comme un « projet d’avenir » .
Le discours d’un Mbappé avant le Classico, « match comme un autre » , le révèle d’autant plus cruellement que les propos sortaient de la bouche d’un enfant de Bondy, qui a grandi avec les plus belles heures de ces chocs entre les deux meilleurs ennemis de la L1. Bref, alors que la maison bleu et rouge semblait se désintéresser du sujet, c’est presque l’ensemble du corps social qui a pris le relais, s’emparant très (trop ?) sérieusement de cet incident diploma-clic. Ainsi, alors que Thomas Meunier recevait les gazouillis bien réels du Parc, Hughes Renson, vice-président de l’Assemblée nationale, tweetait sur sa rencontre avec le CUP et son ancien amour des tribunes parisiennes. « Heureux d’avoir retrouvé ce soir le virage Auteuil que j’ai si longtemps fréquenté pour soutenir @PSG_inside. L’occasion d’échanger avec les représentants du @Co_Ultras_Paris. Les stades doivent être des lieux de fête et de vie. #AllezParis #PSGEAG » Cela dit, ce n’est pas Macron qui aurait liké un tifo parisien…
Par Nicolas Kssis-Martov