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Thomas Mangani, la patience du pêcheur
En 2004, le milieu de terrain gagnait avec ses potes de la génération 1987 le Championnat d'Europe des moins de 17 ans organisé en France. Unanimement désigné comme un futur grand et transféré à Monaco, il aura fallu attendre une décennie pour que Thomas Mangani paraisse enfin reprendre le fil de sa carrière, au SCO d'Angers. L'apanage des patients, en provenance directe de sa passion : la pêche.
Nino Ferrer le chantait… et Thomas Mangani le confirme. Dans le Sud, « il ne manque rien » . Natif de Carpentras, le milieu de terrain du SCO d’Angers est un inconditionnel de sa Provence et de la petite maison de campagne de ses parents, à Aubignan. Un cadre où, loin du football, il passe quelques jours à chaque fois que le club lui en donne l’occasion. Pourquoi ? Essentiellement pour le barbecue et les parties de pétanque qui vont avec : « C’est la tradition ! explique-t-il, Je fais souvent des concours de boules avec mes amis et mon père, je préfère jouer « milieu ». C’est un peu le numéro 10 de l’équipe, exactement, il doit savoir tout faire : pointer, tirer… » Comme un signe. Thomas Mangani n’a longtemps pas été un joueur comme les autres. Il y a 11 ans, en 2004, il gagnait aux côtés de la génération dorée 1987 le championnat d’Europe des moins de 17 ans, étant unanimement reconnu comme l’un des meilleurs joueurs de l’équipe et du tournoi. Une décennie plus tard, en 2014, alors que Ben Arfa, Nasri, Ménez et Benzema collectionnaient encore les sélections en équipe nationale, Mangani était prêté à Angers, en Ligue 2. Avant de monter de division avec son club. Simple d’y voir un aveu d’échec : d’un regard en arrière, l’homme explique être fier de son parcours.
« Si vous regardez l’équipe qu’on avait quand on a été champions d’Europe, mis à part les quatre de devant qui font une carrière hors norme – à l’image de leur talent -, je suis l’un de ceux qui ont le plus de matchs de Ligue 1 et Ligue 2. Je suis très content de ma carrière, je ne pense pas que tout le monde a 110 matchs de L1. » Implacable réalité des chiffres. En grand admirateur de Paolo Maldini, savoir se défendre est une qualité première. Surtout, le foot n’est pour lui qu’un passe-temps. Un métier dur, nécessitant de l’engagement et une implication de tous les instants, certes, mais que Thomas vit surtout pour ces moments de calme entre les saisons : « Il y a un étang dans notre village, et, tout petit, son grand-père l’emmenait pêcher, raconte son père. Il avait aussi des copains qui étaient mordus de pêche, ils se faisaient de longues sessions ensemble. » Une passion dont le fils pourrait lui-même parler des heures : « Je pêche la dorade. Et parfois même des barracudas du côté du Lavandou. Ce sont des poissons un peu plus gros. Je pêche à la canne, sur le bateau de mon parrain. Quand on peut, on part la journée. Tiens, une des premières fois, on arrive au large, on avait tout prévu : les cannes, la nourriture, le matériel, à boire, mais on avait oublié les appâts ! Du coup, on s’est baigné, c’était bien quand même. » Simple. Efficace.
Laisse pas traîner ta patte !
Avant d’y allumer des barbecues, c’est dans son fameux jardin que petit Thomas commence à taper le ballon, avec son père : « J’avais fabriqué des cages avec un mauvais filet, quand il revenait de l’école, je rentrais du travail, on faisait des parties de foot dans le jardin, des frappes en tête à tête en gros. » Et puis, comme il habite à cent mètres du stade de l’Étoile d’Aucune, il rejoint son premier club. « C’était un gamin très gentil, un peu timide, mais comme physiquement il était supérieur aux autres, il arrivait à s’imposer, se rappelle Samuel Soumille, son entraîneur de l’époque. Il faisait un peu ce qu’il voulait avec sa patte gauche. Je me rappelle qu’à une époque, il n’était pas fainéant, mais comme il était au-dessus, il jouait tranquille, il traînait un peu la patte. Et dès qu’il se mettait à jouer plus fort, c’était un autre gamin. »
Des qualités que la MJC d’Avignon, Orange, Monaco et surtout Guy Lacombe, débarqué sur le Rocher en 2009, remarquent rapidement : « C’est un entraîneur très important pour moi. Il m’a beaucoup apporté sur le plan footballistique. Avec lui, j’ai pris conscience de l’importance de la passe en première intention. Mais aussi sur le plan humain, il m’a fait confiance. Et ça, c’est primordial quand on est un jeune joueur. » De son propre aveu, une autre expérience lui semble importante à partager, à vivre en tant que jeune loup du métier : partir à l’étranger. En Italie, au Chievo Vérone en ce qui le concerne. Peu en réussite à Nancy, il décolle avec sa compagne en juillet 2014 : « La ville est vraiment superbe. D’ailleurs, je conseille à tous les couples ou amoureux d’architecture d’aller la visiter, on était agréablement surpris ! Justement, on habitait en plein centre historique, à 150m du balcon de Roméo et Juliette, on y passait quasiment tous les jours. » Là encore, une expérience trop courte, seulement un an dans un pays qu’il a choisi comme seconde nationalité : « C’était en hommage à mon grand-père George Mangani de qui j’étais très proche. Pour garder mes racines et mes origines. »
Shakespeare et le clan Mangani
Et depuis, Thomas a remis les pieds en France, à Angers, où il crève l’écran à la faveur d’une stabilité retrouvée. Notamment au Vélodrome, chez lui, où le clan Mangani a pu le constater de ses propres yeux. Son père : « On était une cinquantaine de personnes en Ganay et on s’est régalés. Il a marqué le premier but, il fait marquer le second, toute l’équipe a été à la hauteur de l’événement. Je pense qu’aujourd’hui, il a pris une autre ampleur, parce que l’entraîneur lui fait confiance, il se sent bien, c’est important. » Mais pas encore de quoi viser la lune : « Le plus important pour moi, c’est que ma famille et mes amis soient heureux. Dans le futur, je me vois bien avec une jolie petite famille, retourner dans le Sud auprès de ma famille. Partir en Corse après une longue et riche carrière. » Une mission pas « impossible » , d’après son père, qui confirme au passage que le bonhomme aime quand ça déménage : « Il adore le cinéma d’aventure, des policiers, les films de Liam Neeson, les Taken 1, 2, 3, les films avec Jason Statham aussi. Et les Mission Impossible avec Tom Cruise ! » Mais tout cela, évidemment, après les après-midis de pêche. Devant la TV, le soir, entre deux bouchées de barracudas…
Par Théo Denmat et Ugo Bocchi