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Thomas Lemar, le réveil du Matelassier
Laissé sur le carreau par Didier Deschamps lors du dernier rassemblement des Bleus, pour la première fois de l'année, Thomas Lemar semble pourtant avoir enfin trouvé sa place au sein de l'effectif de l'Atlético de Madrid. Arrivé en 2018 dans la capitale espagnole, le Guadeloupéen a vécu deux saisons très compliquées, incapable de se fondre dans le moule simeonesque. Mais sa fin du dernier exercice, et surtout son pétaradant début de saison laissent penser que tout cela est bien derrière lui.
C’est toujours la même rengaine à chaque date de rassemblement clarifontin. Comme d’habitude, le 30 septembre dernier, lorsqu’il n’y eut plus aucun doute sur les 23 heureux élus qui participeraient à la phase finale de la Ligue des nations, certains noms d’absents ont fusé, comme celui d’Olivier Giroud ou celui de Christopher Nkunku, irrésistible avec le RB Leipzig en ce mois de septembre. Mais l’absence de Thomas Lemar n’a provoqué aucun tollé, lui qui n’avait pourtant pas manqué un seul rassemblement depuis le début de l’année avec les Bleus et qui était présent à l’Euro. Alors, qu’on ne s’y trompe pas, ses 45 dernières minutes avec l’équipe de France, le 1er septembre face à la Bosnie-Herzégovine, n’ont pas satisfait grand monde. Mais depuis, Thomas Lemar ne s’est pas morfondu sur le banc de l’Atlético, bien au contraire.
À sa place au milieu
Ces dernière semaines, le Français a signé quelques prestations de haut calibre sous le maillot rouge et blanc. La dernière en date ? Face au FC Barcelone, le 2 octobre, lors de la victoire 2-0 au Wanda Metropolitano de la troupe de Diego Simeone. Tranchant comme au bon vieux temps sous un autre maillot rouge et blanc, celui de Monaco, Thomas Lemar a mis en pièces la défense catalane : ouverture du score à la 23e minute, passe décisive pour Luis Suárez à la 45e. De quoi sécuriser une deuxième place au classement de la Liga, à égalité de points avec le Real Madrid. Quatre jours plus tôt, son entrée en deuxième période face à l’AC Milan avait chamboulé une rencontre que les Colchoneros avaient retournée dans les dernières minutes.
La vraie bonne nouvelle là-dedans, c’est que le natif de Baie-Mahault en Guadeloupe paraît enfin avoir trouvé son rôle sous les ordres du Cholo ; en témoignent ses appels parfaits face au Barça sur les deux buts de son équipe. Et tout cela ne tombe pas du ciel. Le 4 avril dernier, avant l’Euro, il expliquait déjà que son adaptation aux exigences tactiques et dans l’état d’esprit du coach argentin avait demandé beaucoup de temps. Presque trois ans, en fait. Car le Français a peiné à se montrer sous son meilleur angle, depuis son départ de l’AS Monaco en 2018. Trop peu décisif – cinq fois – la première année, rendant une feuille de stats vierge de tout but ou toute passe décisive au terme de l’exercice 2019-2020, Lemar termine la saison dernière avec 1 but et 4 passes en Liga. Malgré ce bilan limité, le Français a réellement commencé à se faire au jeu rojiblanco la saison passée, au point d’être l’un des artisans du titre de l’Atlético, selon Sergio Picos. Ce journaliste pour AS, spécialiste de l’Atlético, définit comme capitales dans la course au titre de l’an dernier les capacités de Lemar à « lier défense et attaque, et à amener de la vitesse dans l’entrejeu ». Deux choses qui se confirment largement en ce début de saison. Déjà décisif quatre fois en Liga cette saison, l’ancien du Rocher paraît voir pour de bon le bout du tunnel, et retrouve son mordant.
Chouchou du Cholo
Mais alors, pourquoi le Français peut-il déjà se targuer d’avoir joué 115 matchs en 3 saisons s’il était si moyen ? Parce qu’il avance avec l’entière confiance de son coach, qui parlait en ces termes de son joueur la semaine dernière, pour une interview accordée à El País face à Vicente del Bosque : « La saison passée, on a mis sept ou huit matchs pour nous fixer sur le système de 3-5-2 qui convenait à tout le monde, et rendait tout le monde meilleur.(…)Lemar a trouvé sa place dans le 3-5-2, alors qu’il était noyé dans le 4-4-2. » Ce à quoi Del Bosque répond : « J’ai toujours apprécié Lemar. Je trouve que c’est un joueur très intéressant, et pourtant, il a tardé à montrer qu’il l’était. » Simeone : « Et tu ne sais pas la quantité de gens qui me disaient de ne pas l’aligner, d’en mettre un autre. Et moi, je le voyais, et je disais qu’il devait jouer. Il a des choses différentes des autres. Il va vers l’avant, il dribble. Il a quelque chose qu’ont peu de joueurs. Aujourd’hui, on ne dribble plus. Tout est histoire de placement, de créer une supériorité numérique par-ci, par-là… Et le talent individuel ? Et le dribble ? Et la feinte ? Et avoir un joueur qui déséquilibre tout seul un bloc ? Qui a ça ? Lemar, João Félix, Ángel Correa, ils ne sont pas beaucoup. » Bien pourrait en avoir pris à Diego Simeone de laisser autant de temps à Thomas Lemar. Car ce soir, avec la réception de Liverpool, le Guadeloupéen de bientôt 26 ans pourrait valider au niveau européen son nouvel envol.
Par Paul Citron