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« Quand il y a un penalty, je ne suis pas forcément déçu »

Propos recuillis par Tom Binet
9 minutes

Formé à Lorient, passé pro à Caen, revenu jouer dans le Morbihan en N2 avant de goûter enfin à un match professionnel cette saison avec Annecy : Thomas Callens (24 ans) a bourlingué avant de connaître son moment de gloire. C'était le mois dernier à Marseille, avec une qualification acquise aux tirs au but. Bis repetita jeudi contre Toulouse ?

Thomas CALLENS of Annecy during the Quarter-Final French Cup match between Marseille and Annecy at Orange Velodrome on March 1, 2023 in Marseille, France. (Photo by Johnny Fidelin/Icon Sport)
Thomas CALLENS of Annecy during the Quarter-Final French Cup match between Marseille and Annecy at Orange Velodrome on March 1, 2023 in Marseille, France. (Photo by Johnny Fidelin/Icon Sport)

Un mois plus tard, tu as eu le temps de redescendre depuis la qualification au Vélodrome ?

(Rires.) Il y a eu plusieurs matchs depuis, donc oui, il fallait redescendre tranquillement. C’était un moment incroyable avec de magnifiques émotions. Le fait de repenser à tous ces moments positifs sert aussi à se mettre dans de bonnes dispositions mentales avant un match par exemple.

Tu es arrivé à Annecy l’été dernier comme gardien n°2. Comment s’est décidé le fait que tu joues les matchs de coupe ?

Pour le premier match de coupe, le coach m’a dit que j’allais jouer. Mais il m’a aussi dit qu’il ne me promettait pas que j’allais faire la compétition en entier. C’était à moi de prouver que je méritais de garder ma place à chaque tour. Il m’a dit : « Je ne veux pas te faire de faux espoirs, à l’image du parcours de Nantes la saison dernière » (après avoir participé à chaque match du parcours, Rémy Descamps avait dû céder sa place à Alban Lafont en finale, NDLR). Après, notre parcours joue forcément en ma faveur.

On entend beaucoup que les tirs au but, c’est de la loterie, mais pour moi, ce n’est pas le cas. Il y a un aspect psychologique, de déstabilisation du tireur.

Justement, vous restez sur trois qualifications aux tirs au but et tu as été décisif à chaque fois (6 arrêts en 3 séances, plus la tentative de Balerdi à côté). Ça a toujours été ta spécialité ?

C’est un exercice que j’ai toujours aimé. Quand il y a un penalty contre moi, ma réaction n’est pas forcément de la déception ou de la frustration, je suis plutôt dans l’état d’esprit de me dire : « OK, je vais potentiellement pouvoir l’arrêter et devenir le héros du match ou au moins inverser la tendance psychologique entre l’adversaire et nous ». Il y a un travail d’analyse, mais aussi une part d’instinct, tenter de dégager quelque chose dans le but, montrer que je prends de la place. On entend beaucoup que c’est de la loterie, mais pour moi ce n’est pas le cas. Forcément, il y a une petite part de hasard, comme beaucoup de choses dans la vie, mais pas que. Il y a un aspect psychologique, de déstabilisation du tireur, un aspect technique.

À Marseille, tu arrêtes aussi le penalty d’Alexis Sánchez pendant le match. Comment as-tu vécu ce moment ?

Déjà au début, je ne comprends pas trop pourquoi l’arbitre va voir la vidéo. La main, à vitesse réelle, je ne la vois pas du tout. Mais je commence quand même à me préparer, parce que dans la majeure partie des cas, quand l’arbitre est appelé, il siffle le péno. Je me mets un peu dans ma bulle et je me dis que c’est une aubaine, j’ai tout à gagner. C’est la 85e, on mène 2-1 au Vélodrome, si je l’arrête on prend l’ascendant psychologique, donc c’est parti, en plus contre Alexis Sánchez dans un Vélodrome avec une ambiance de dingue.

À Marseille, je me suis beaucoup nourri de l’échauffement, il y a déjà 20 000 spectateurs à ce moment-là, en train de chanter. Ça m’a permis de prendre un peu l’atmosphère du stade.

Cette ambiance folle, comment tu l’as appréhendée ?

C’est clairement la plus grosse ambiance que j’ai connue. À Marseille, je me suis beaucoup nourri de l’échauffement, il y a déjà peut-être 20 000 spectateurs à ce moment-là, en train de chanter. Ça m’a permis de prendre un peu l’atmosphère du stade, de m’habituer au bruit. Quand je joue, ça peut m’arriver pendant une dizaine de secondes d’écouter les chants. Parfois il peut y avoir quelques noms d’oiseaux, mais ça fait partie du jeu. En revanche, pouvoir entre guillemets éteindre cette ambiance de par notre performance collective, c’était un kif.

Tu as fait tes grands débuts en pro cette saison après notamment une occasion ratée avec Caen à Valenciennes, en mars 2020. Est-ce que tu peux nous raconter ?

Rémy Riou s’était blessé au dos, donc je devais jouer. On part le jeudi à Valenciennes en bus, on arrive à l’hôtel, et le soir, le président fait une allocution pour annoncer les premières restrictions à cause du Covid. Dans la foulée, la LFP annonce la suspension du championnat et donc l’annulation des matchs du lendemain. C’est dur, je n’avais jamais été aussi proche de jouer mon premier match pro. Mais j’ai vite switché, je n’y ai pas pensé pendant cinquante ans. Tout le foot était à l’arrêt, ça ne dépendait pas de moi, ce n’est pas comme si je m’étais pété le doigt au dernier entraînement.

Bice Samba me donnait beaucoup de conseils sur comment orienter mes mains pour la dévier en corner et éviter que le danger ne revienne vers le but.

À Caen, tu as également côtoyé Brice Samba. Quels souvenirs gardes-tu des entraînements à ses côtés ?

C’est le gardien qui m’a le plus marqué, d’autant que c’était ma première année professionnelle. Il avait dû s’adapter à la Ligue 1, ça avait été peut-être un peu compliqué sur les premiers matchs, avant de réussir une très grosse deuxième partie de saison. Lorsque je faisais des arrêts, j’avais un peu trop tendance à repousser le ballon dans le jeu. Il me donnait beaucoup de conseils sur comment orienter mes mains pour la dévier en corner et éviter que le danger ne revienne vers le but.

À cette période-là, tu suivais aussi une licence en STAPS en parallèle.

C’était surtout en parallèle de ma formation. J’ai eu ma licence au moment où j’ai signé mon contrat professionnel. Ça a toujours été un principe de continuer les études après le bac par rapport à l’incertitude du métier de footballeur. La dernière année, c’était un peu compliqué de concilier les deux, je jouais une saison charnière pour pouvoir signer pro. Finalement, je l’ai eue assez largement, mais ça a demandé pas mal d’efforts psychologiques sur la fin de saison.

Dans ton parcours, est-ce qu’il y a des moments où tu as douté de pouvoir vivre du foot ?

Disons que je m’attendais aux deux possibilités. Je ne dirais pas que je doutais, mais je savais que rien n’allait m’être donné facilement. Les études sur le sport m’ont plu. Il y a quelques années, je t’aurais dit que j’aurais aimé être préparateur physique, mais plus forcément maintenant. Je pense que je serais resté dans le sport, parce que c’est un univers dont j’ai besoin. Sinon, j’aime beaucoup les sciences, j’ai fait un bac S, donc je me serais peut-être réorienté dans l’astronomie par exemple, ou la médecine. Je serais sûrement parti pour de longues études. (Rires.)

(Photo : Baptiste Fernandez/Icon Sport)
(Photo : Baptiste Fernandez/Icon Sport)

Tu as toujours joué gardien ?

Oui. J’ai commencé le foot vers sept ans. C’est un peu dû au hasard, je jouais avec ma mère dans un parc, elle me lançait le ballon et je l’attrapais. Un entraîneur du club de Lanester, à côté de Lorient, passe et voit que je m’amuse à arrêter les ballons. Ils cherchaient un gardien pour finir la saison, donc il a proposé de m’offrir la licence. Ça m’a plu, et je me débrouillais bien, donc je suis resté gardien toute ma vie.

À partir de mes 7-8 ans avec mon beau-père, on allait voir tous les matchs de Lorient au stade, en tribune nord. C’était Fabien Audard à cette époque dans les buts.

On suivait beaucoup le foot dans ta famille ?

Pas du tout. Mes parents ont divorcé, et ma mère a rencontré mon beau-père, qui lui adorait le foot. C’est tombé à peu près au moment où j’ai commencé à jouer, et lui m’a donné cet amour du foot. Il était abonné en tribunes à Lorient, donc je suis allé voir mes premiers matchs avec lui. À partir de mes 7-8 ans, on allait voir tous les matchs au stade, en tribune nord. C’était Fabien Audard à cette époque dans les buts, ce sont de beaux souvenirs quand on est petit.

Avec Lorient, tu as même été champion de France U17 en gagnant notamment en finale contre le PSG. Quels souvenirs gardes-tu de ce parcours ?

On avait une belle génération, avec notamment Alexis Claude-Maurice et Mattéo Guendouzi. On se qualifie pour les play-off à la dernière journée, de mémoire ça se joue à la différence de buts avec le Stade rennais. Et puis cette finale contre le PSG, individuellement, je trouve que je dois faire mieux sur le but d’Ikoné, sa frappe me passe sous la main. Mais derrière, je fais deux ou trois arrêts décisifs en deuxième mi-temps, donc ça va, ça a sauvé mon match.

À cette époque, vous étiez coachés par Régis Le Bris. À quoi ressemblaient ses séances ?

C’est un coach monstrueux tactiquement. Il a amplement participé à ma formation de gardien dans l’aspect participation au jeu, sorties de balle. Pour l’avoir eu de nouveau en N2 par la suite, j’ai vu aussi une progression chez lui dans le relationnel avec les joueurs. Il a cette force de bien analyser les choses, de bien comprendre ses joueurs, mais il était assez froid. Quand je suis revenu, il s’était vachement ouvert, et je pense que les deux combinés, ça en fait un coach vraiment complet.

Tu t’es désormais engagé avec Annecy jusqu’en 2025. Depuis ton arrivée, tu as pu découvrir ta nouvelle région ?

Oui, carrément ! J’ai fait plusieurs balades. Il y a de magnifiques randonnées à faire, j’ai eu l’occasion de monter au point le plus haut autour du lac qui est un sommet à 2400 mètres, ça donne des points de vue formidables, avec le Mont-Blanc en fond. Il y a de beaux endroits comme Chamonix, Avoriaz, Megève, toutes ces petites stations de ski. Sans skier bien sûr, mais juste voir la neige, moi j’adore ça ! Je suis comme un gamin quand je vois la neige.

Contre Toulouse, ce sera votre premier match de coupe à domicile depuis le septième tour. Tu t’attends à quoi en matière d’ambiance ?

On s’attend surtout à une belle fête. Le public a répondu présent à l’extérieur. À Marseille, ils ont fait un parcage de plus de 1000 personnes, c’était beau à voir. Il y aura peut-être quelques petits trucs mis en place par le club, ce sera sympa à vivre. Le mot qui revient pour qualifier notre parcours, c’est historique. On peut croiser des personnes en ville qui nous en parlent, ça donne un coup de projecteur. Ça faisait 30 ans que le club n’avait pas joué en Ligue 2. Forcément, le club était un peu tombé dans l’oubli.

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Propos recuillis par Tom Binet

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