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Thomas Broich, l’ami australien

Par Julien Duez
Thomas Broich, l’ami australien

Ce lundi, l’Allemagne et l’Australie se font face pour inaugurer leur entrée dans la Coupe des confédérations. Ce serait faire injure aux relations germano-australiennes que de ne pas rappeler l’histoire de Thomas Broich qui, après sept ans de bons et loyaux services chez les Brisbane Roar, vient de prendre une retraite forcée dans l’indifférence quasi générale. Un ancien international espoirs allemand ne mérite pas cela.

On a beau jouer au football partout sur la planète, tous les pays ne se valent pas et nombreux sont les championnats qui continuent d’être moqués en raison de leur situation inférieure à celle des cadors du Vieux Continent. Pourtant, s’exiler aux antipodes de sa patrie n’est pas toujours synonyme d’échec. En faisant abstraction des questions financières, certains exemples montrent que le plus important dans le ballon rond, c’est avant tout de s’éclater sur le terrain. Et ce ne sont pas André-Pierre Gignac au Mexique, David Trezeguet en Argentine, David Villa aux États-Unis ou Florent Sinama-Pongolle en Thaïlande qui prétendront le contraire. Et encore moins Thomas Broich en Australie.

Mozart contemporain

Thomas Broich voit le jour à Munich en 1981. Enfant de Bavière, son club formateur s’appelle Unterhaching. Mais sa vingtième bougie soufflée, il s’envole une centaine de kilomètres à l’est et débute sa carrière à Burghausen, en D3, avant d’accéder directement à l’antichambre de la Bundesliga la saison suivante. Une autre époque, lorsque l’on sait que le Wacker flotte aujourd’hui dans les méandres de la D4. Très vite, le jeune Broich fait parler de lui et pas seulement pour son talent derrière le piano, un instrument qu’il a appris dans sa jeunesse. Le Mozart du football, comme le surnomment certains médias, est transféré au Borussia Mönchengladbach en 2003, et d’aucuns le qualifient déjà de nouveau Günter Netzer. Mais tel un Freddy Adu, Marvin Martin ou Royston Drenthe, il ne parvient pas à régaler à la hauteur des espoirs placés en lui. Pour sa défense, certains plaideront les changements d’entraîneurs, tandis que d’autres martèleront qu’il n’était tout simplement pas assez affûté pour être un milieu offensif de première division.

Les statisticiens se rappelleront de Broich comme étant l’homme qui a inscrit le 40 000e but de l’histoire de la Bundesliga à l’occasion d’une victoire 2-1 contre le Werder Brême. Qu’importe, au bout de quatre ans, il quitte Gladbach et retourne un étage plus bas chez le rival du FC Cologne, avec lequel il connaîtra une deuxième montée dans l’élite. Mais là encore, son niveau est jugé insuffisant, et en 2009, c’est le coup de grâce : il retourne chez lui, en Bavière, et plus précisément à Nuremberg. Une vilaine blessure l’empêche de révéler son vrai niveau en Bundesliga et au terme de la saison, après 251 petites minutes grappillées en sept rencontres, c’est un Dieter Hecking intraitable qui lui montre la porte de sortie. Thomas Broich a 29 ans, quelques sélections espoirs et une cape chez les A’ dans les pattes, un pénible statut d’espoir déchu à porter comme un fardeau et surtout : il est tricard chez lui.

Nouvelle vie chez les wallabies

À ce moment-là, trois opportunités s’offrent à lui : arrêter, continuer plusieurs échelons en dessous ou tout plaquer en recommençant ailleurs. Loin. En Australie par exemple. Quelques semaines à peine après avoir été congédié du pays franconien, Thomas Broich débarque à Brisbane. Dans la capitale du Queensland, c’est une véritable résurrection qui va s’opérer pour le jeune trentenaire. Loin de la pression de son pays d’origine, il parvient à pleinement s’exprimer dans un championnat « dont le niveau est équivalent à la deuxième ou troisième division allemande » et remporte le premier titre de l’histoire du club en 2011. Une année dorée pour le Munichois qui termine également meilleur passeur de la A-League et se voit auréolé d’une place dans l’équipe type de la saison.

Très vite, Broich devient l’un des chouchous du public. Sa nouvelle vie australienne lui apporte la renommée qu’il n’a jamais réussi à avoir chez lui. Sous la houlette de l’entraîneur Ange Postecoglou, son football n’en devient que meilleur, comme le prouvent deux autres titres de champion et deux trophées de joueur de l’année. Mieux encore : en 2014, après son troisième titre, il est élu joueur de la décennie. Mais la rançon de la gloire ne se fait pas attendre. Après l’élimination de Brisbane en demi-finale des play-offs cette année, la réforme du salary cap empêche Brisbane de le conserver. Après sept saisons en Australie, la nouvelle arrive comme une gifle en pleine poire. Malgré l’honneur d’avoir été le premier joueur de l’histoire du club à avoir été intronisé au hall of fame, Broich n’a jamais caché garder une certaine amertume : « Il y a des joueurs sur cette planète qui continuent de jouer jusqu’à 42 ans. Pourquoi ce ne serait pas mon cas encore deux ou trois saisons ? Je ne suis pas quelqu’un qui se blesse souvent et j’ai été stupéfait du nombre de matchs que j’ai joués cette saison. »

Le Zizou des kangourous

En attendant de voir s’il deviendra le nouvel Alessandro Del Piero, Thomas Broich pourra toujours se repasser quelques extraits du film qui lui a été consacré. Celui-ci est l’œuvre du cinéaste allemand Aljoscha Pause. En 2003, il flaire la hype qui entoure celui qui porte encore son statut d’espoir et le filme pendant plus de cent heures jusqu’à son départ pour les antipodes. Le résultat : un documentaire intitulé Tom meets Zizou (en référence à son adresse email à travers laquelle Broich ne cachait pas son admiration pour le double Z), primé dans plusieurs festivals et où le spectateur découvre l’homme derrière le destin : un romantique, un pionnier, un loser magnifique, mais aussi un artisan du développement du football en Australie qui, selon ses dires, « pourrait un jour parvenir à supplanter le rugby en matière de popularité » . Mais pour l’instant sans contrat, Thomas Broich est confronté au plus grand dilemme de sa carrière : continuer ? Arrêter ? Rentrer ? Son ancien entraîneur à Gladbach Michael Oenning disait que la Bundesliga n’était « pas son monde » , ce que l’intéressé semble confirmer lorsqu’on l’interroge sur ses futurs plans : « J’ai très envie de voyager, de profiter de Brisbane, peut-être d’aller deux semaines en Nouvelle-Zélande, une semaine aux Fidji, ce genre de trucs.[…]Mais j’ai aussi envie de rentrer à la maison, en Allemagne. Je veux renouer des liens avec mes amis, ma famille, le football allemand et, espérons-le, revenir pour devenir un jour entraîneur. » Et tant pis si nul n’est prophète en son pays.

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Par Julien Duez

Propos de Thomas Broich recueillis par la FAZ et le Courier Mail.

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