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Thomas Astruc (Miraculous) : « Il n’y a rien de mieux qu’un stade pour une baston de super-héros »
Miraculous : les aventures de Ladybug et Chat noir dévoile sa cinquième saison sur TF1/TFOU. La série qui se déroule à Paris faitla part belle au foot. Thomas Astruc, le créateur, explique le pourquoi du comment.
Dans les précédentes saisons de Miraculous, il y a ici et là diverses références au foot. C’est le signe d’un petit plaisir de passionné ? Je n’étais pas tant foot que ça étant môme. J’ai une partie de ma famille maternelle italienne qui est très fan, donc j’ai un peu baigné dedans, mais sans être à fond. Je me suis vraiment plongé dedans, il y a quelques années, quand j’ai fait une dépression : le foot était quelque chose qui m’aidait vraiment à aller mieux.
Un jour, tu as tweeté qu’on ne prenait pas de plaisir en regardant le foot en différé. Que ce n’était pas pensé pour. Pourtant, il y a bien des buts qu’on aime voir et revoir…Ouais, ouais ! C’est toujours kiffant de regarder un montage des buts d’Ibrahimović ! Mais c’est plus spectaculaire qu’émotionnel. La dramaturgie a disparu. Pareil, quand tu regardes ces trucs-là, ça joue sur la nostalgie, tu te remémores l’émotion que tu as eue à ce moment-là. Il n’y a aucun sport comparable. Le foot t’oblige à être dans l’instant. Tu ne peux pas le regarder en différé, tu perds la magie. Tu es obligé de garder les pieds sur terre. Il y a un truc magique avec ce sport. Didier Roustan le dit très bien quand il raconte la simplicité du foot ne serait-ce que sur le comptage de points ou le fait de n’avoir besoin de rien à part une balle pour y jouer. Et il y a une intensité émotionnelle dans ce sport, sans parler de la rareté du but, sa préciosité…
Ben justement, non, tu ne vas pas les apprécier pareil. C’est comme mater un match de foot en différé. Tu vas voir les belles actions, mais tu ne vas pas y prendre le même plaisir. C’est sûr. C’était pas pensé pour.
— Thomas Astruc (@Thomas_Astruc) February 9, 2022
C’est sûr qu’au coup d’envoi, tu pars éventuellement pour 90 minutes chiantes à mourir…Exactement ! Puis tu as des matchs comme la remontada ou le 7-1 encaissé par le Brésil. Ce match, tu vois les Brésiliens se prendre une dérouillée… Ils ont une belle équipe, ils sont chez eux, et tu te demandes ce que tu es en train de regarder. Tu es en train de voir un moment d’histoire s’écrire sous tes yeux. Il y a un truc magique, c’est un sport qui a le sens de la dramaturgie. En tant que storyteller, ça me touche énormément.
Comment ça se passe alors : un jour, tu arrives en atelier d’écriture et tu dis à ton équipe de scénaristes « je voudrais qu’on parle de foot dans cet épisode » ? Je les fais chier avec ça ! Ils s’en battent les couilles du foot, c’est moi qui ai poussé. C’est un peu une blague qu’on se fait avec des potes quand on bosse sur la fabrication d’une série : on essaie d’avoir notre épisode un peu Olive et Tom au moins une fois. Et puis on a modélisé le Parc des Princes, parce que c’est une arène qui est très pratique quand tu affrontes des monstres géants. Ça me fait une arène de combat, je n’ai pas besoin de mettre des figurants dedans. Je mets mes monstres qui se tatanent et rien autour, c’est très économique !
En effet, le Parc est quasiment un personnage à part entière dans Miraculous. Il est même renommé Stade des Princesses. C’est plus économique à utiliser. C’est comme un ring de boxe ou une arène de gladiateurs. Les stades sont des bâtiments conçus pour concentrer le spectacle. Si tu veux faire une bonne baston de super héros, il n’y a rien de mieux qu’un stade comme ça.
Pourquoi pas le Stade de France, du coup ?On ne s’est jamais posé la question. Mon stade, c’est le Parc.
L’épisode « Penalteam » de la saison 4 met en scène un match qui commence au Parc des Princes avant de se terminer dans les rues de Paris.
Effectivement, tu es fan du PSG…Oui, mais je suis allé au Parc pour la première fois sur le tard. Juste avant QSI, peut-être vers 2010, un PSG-Sochaux, pour faire plaisir à l’anniversaire d’un neveu. Quand je peux y aller, j’y vais, mais ça n’arrive pas souvent ! Je ne suis pas un supporter avec ma carte et tout, mais c’est mon équipe de cœur, Qataris ou pas, je serai derrière, je suis né à Paris, parisien depuis toujours, premier ou dernier au classement, ce sera mon équipe. J’étais ravi de voir le PFC en Ligue 2, et déçu de voir le Red Star redescendre en troisième division. D’ailleurs, mon premier match au stade, c’était le Red Star à Bauer.
C’est un beau stade à dessiner aussi, avec l’immeuble iconique en escalier juste derrière…Oui, mais ce n’est pas Paris, et j’ai un peu l’obligation d’être dans Paris, de montrer le Paris carte postale. Si tous ces clubs pouvaient monter et se retrouver dans la même division, ce serait génial !
Tu évoques Didier Roustan. Comment se retrouve-t-il au cœur d’un épisode de Miraculous, dans la quatrième saison ? Déjà, tous ceux de notre génération qui ont maté du foot étant gosse connaissent Didier Roustan. C’est une légende vivante. Je voulais faire mon épisode foot et je voulais un guest pour ça. Je m’étais dit « pourquoi pas un joueur du PSG ? ». En en discutant avec l’équipe, on s’est dit qu’on ne savait jamais trop à quoi s’attendre avec les joueurs de foot, leur mode de vie, les histoires qui peuvent sortir. À la base, ce sont des gosses balancés dans un mode ultra business qui peuvent perdre pied. Ce ne sont pas toujours des exemples pour les mômes, même s’il y a évidemment plein de mecs bien. À l’époque, je voulais faire un truc avec Matuidi, ça a l’air d’être un mec bien, les pieds sur terre, humble, travailleur, mais je ne le connais pas, si ça se trouve il y a des affaires qui vont sortir, etc. Regarde, quand Neymar est arrivé, je me suis dit que ce serait super de faire un truc avec lui. Et aujourd’hui, on voit qu’il supporte Bolsonaro, c’est l’antithèse des valeurs de la série.
Et avec Didier Roustan, tu n’as pas eu ce genre de réflexion.Entre-temps, j’ai voulu avoir les féminines du PSG, ça ne s’est pas fait. Quand l’occasion s’est représentée, je me suis dit que j’avais l’évidence sous les yeux, je n’avais pas besoin d’un footballeur, mais de quelqu’un qui communiquait les valeurs de ce sport. Cette évidence, c’était Didier : c’est une encyclopédie vivante, il a monté son syndicat de joueurs, une association pour les jeunes. Pour moi, c’est un personnage de dessin animé idéal. On a commencé à en parler. Je lui ai dit qu’il parlait du foot que j’aimais.
Il a été bon acteur ?Il a un rôle de commentateur dans l’épisode. Quand on a des guests dans Miraculous, on les prend pour ce qu’ils sont, pas pour jouer un rôle. Par exemple, quand on a Philippe Candeloro ou Josiane Balasko, on ne fait qu’augmenter la réalité du personnage. Candeloro est un peu foufou dans la série, mais il est comme ça. Là, c’était vraiment taillé pour Didier, il a été parfait, c’est passé comme une lettre à la poste.
Ils ont même modélisé les chemises de Didier Roustan !
Tu ne modéliseras donc jamais Mbappé ou Haaland qui ont pourtant un potentiel en animé par exemple ?C’est compliqué. Avec tout le business autour du foot, c’est difficile de faire intervenir les footballeurs. Ça m’attriste parce que le football a un potentiel fantastique pour créer du lien, mais comme le business pourrit un peu tout et fait des joueurs des gladiateurs modernes déconnectés très vite des réalités, c’est très risqué. Très, très risqué.
Zlatan Ibrahimović avait un beau potentiel d’animé, que ce soit en gentil ou en méchant.Ça m’aurait bien plu. Malgré son melon gigantesque, c’est un perso, un artiste, j’ai l’impression qu’il n’a pas de casserole ou un mode de vie malsain. J’avais écrit un scénario de polar, un film, qui est dans un tiroir, qui s’appelle Balle perdue. C’est l’histoire d’un gamin qui trouve un flingue, dont s’est débarrassé une équipe de braqueurs, dans un parking où travaille son père comme gardien. Et parallèlement, il y a une combine avec un footballeur qui veut se débarrasser de sa femme… Bref, je ne sais pas pourquoi je voyais bien Zlatan là-dedans. Mais pour faire du Zlatan, pas pour faire l’acteur. Tu ne demanderais pas à Dali de jouer Picasso.
Hormis Coup de tête, il y a très peu de bons films sur le foot. Souvent, le jeu est même assez mal reproduit par les acteurs et les réalisateurs. Il y aura des bons films sur le foot le jour où les Américains s’empareront de ce sport. Nous, on ne sait pas le filmer. On n’est pas très doué pour les films d’action. Quand on le fait, c’est souvent à travers la comédie. Ce n’est pas notre culture. En dessin animé, c’est autre chose. Les Japonais sont maîtres là-dedans. Pour moi, le summum, c’est Eyeshield 21, sur le foot américain. C’est fantastique. On peut citer Hikaru No Go sur le go ou d’autres sur le patinage… L’animation a cette capacité d’être sur le terrain et de te foutre dans la peau du joueur. C’est ça qui est merveilleux avec Tsubasa, tu es dans leur tête, c’est pour ça que tu as besoin d’un terrain infini, il faut que ça bouge pendant qu’ils réfléchissent au coup qu’ils vont faire. Ça, tu ne peux pas le faire de façon réaliste en le filmant. Alors qu’en animation, ça marche d’enfer. C’est aussi la différence entre le manga et la BD française. On a la série Eric Castel, très réaliste, mais tu ne vis pas le match comme dans un manga.
C’est peut-être LA recrue qui permettra au PSG de ramener la Ligue des champions, qui sait ?
Il y a eu beaucoup de dessins animés sur le foot, type L’École des Cchampions, Foot 2 Rue, Hurricanes… Mais aucun n’a jamais vraiment atteint le niveau de notoriété d’Olive et Tom (Captain Tsubasa). Qu’est-ce qui le rend aussi culte ? Tu ne bats pas James Bond et Indiana Jones quand tu veux faire un film d’aventures. Il y a un maître étalon, et c’est difficile de faire mieux que ça. Ils ont posé un tel jalon, que c’est impossible à déboulonner. Les Japonais ont même essayé avec d’autres choses que Captain Tsubasa, mais tu n’arrives pas à la cheville du maître. Je trouve qu’ils ont trouvé le meilleur ratio réalisme/fantastique. Tu as l’impression de suivre un vrai match, et en même temps, malgré les coups improbables, ils ne déclenchent pas des coups à la Mario Striker. Ça fait que tu y crois et tu peux être dedans.
En parlant de Mario Striker, dans la chambre d’Adrien, l’un des héros de la série, il y a plein de jeux vidéo, mais aussi un babyfoot… C’est un clin d’œil à des potes. Moi, je suis une quiche au baby, et même en foot, je suis à chier. À deux mètres du but, je peux rater. Le samedi matin, quand on jouait entre potes, on me surnommait « Ginolak » .
Lui il s’appelle Adrien, mais rien à voir avec Rabiot, même s’il joue au Parc des Princes. Pardon, au « Stade des Princesses » .
Retrouvez la saison 5 de Miraculous sur TF1.
Propos recueillis par Pierre Maturana