Thierry Meyssan : « Tirage truqué ? Difficile de vérifier ce que disent les hackers »

Un groupe de hackers affirme avoir piraté les serveurs de la FIFA et déclare que le tirage au sort des groupes est déjà connu et donc pipé. Que pensez-vous de leurs déclarations ? Le foot entraîne ce genre de suspicion. C’est normal. Ce sport engage des sommes d’argent astronomiques. Au cours des années précédentes, on a bien vu qu’un certain nombre de dirigeants ont été corrompus. Quand on laisse le Qatar organiser la Coupe du monde, c’est qu’il y a un problème. Dans ce dossier, il y a de très grandes chances que des pots de vin aient été distribués. Après, il ne faut pas s’étonner que ça jette de la suspicion sur tout le monde. Si Sarkozy devient un jour président du PSG, on va vraiment s’y intéresser. Les choses ne fonctionnent qu’avec la corruption dans le Golfe. Ce qui serait étonnant, c’est qu’il n’y ait pas de corruption. Et puis, quand on décide que la Coupe du monde se jouera à tel ou tel endroit, la concurrence s’installe forcément. Les différentes villes en compétition s’espionnent mutuellement. Ça me paraît évident, et ceux qui ne le font pas sont des exceptions.

L’attribution du Mondial certes, mais le tirage au sort du Mondial ? Concernant, le trucage du tirage au sort, ça va être difficile de vérifier ce que disent les hackers. Si la FIFA a déjà prévu les groupes de la Coupe du monde, on ne pourra le vérifier que demain (aujourd’hui, ndlr). Le problème avec ce genre de méthodes, outre le fait que ce soit illégal comme moyen de se procurer les informations, c’est que personne ne peut le vérifier. Moi aussi je peux dire que j’ai telle ou telle information. Dans ce genre d’histoire, il faut absolument donner des preuves. On aura la réponse très rapidement. Mais ce serait vraiment fou. Il ne suffit pas d’avoir raison, il faut expliquer comment on s’est procuré ces informations. Si le tirage se déroule ainsi, ça défiera la loi des probabilités. Je ne sais pas comment la FIFA pourra s’en sortir.

Suite à l’exploit des Bleus contre l’Ukraine, le député UMP Lionnel Luca a évoqué un arrangement. Avez-vous entendu parlé de cette histoire ? J’ai eu écho des déclarations de Lionnel Luca. Mais pas vraiment en détails. Surtout de là où je suis. Mais dans le foot comme ailleurs, on peut corrompre les gens. Ce député doit avoir ses raisons. C’est une accusation très forte. S’il a des informations, il doit les donner et s’il n’en n’a pas, il doit se taire. J’ai appris que la France avait eu un premier match difficile en Ukraine. Un match où on avait tout perdu et qu’après les choses se sont inversées. C’est sûr, c’est assez surprenant vu de l’extérieur. Mais je ne peux pas affirmer quoi que ce soit.
Autre sujet brûlant en ce moment, l’attribution du Ballon d’or et la décision de la FIFA de reporter les votes. Il s’est dit que c’était une décision de Sepp Blatter pour favoriser Cristiano Ronaldo et se faire pardonner d’avoir publiquement comparé le Portugais à un militaire…Quand on remet des prix, il y a toujours des hommes derrière. Il y a un jury qui, par définition, est partial. Pour tous les prix, c’est comme ça. S’imaginer que l’on peut décerner de manière objective un Ballon d’or, et que personne ne viendra influencer le jury, c’est totalement utopique. Le football est devenu une activité commerciale depuis bien longtemps. Si Ronaldo a le prix, c’est qu’il y a eu lobbying et une communication énorme pour lui. Exactement de la même manière que si Ribéry ou Messi le remporte. Les règles du football n’échappent pas aux règles économiques. Il y en a qui triche, d’autres sont corrompus et d’autres sont espionnés. Voilà tout. C’est inévitable.
Vous dites actuellement résider en Syrie. Avec la guerre, quelle est la situation du football sur place, de ce que vous avez pu voir ? Je ne dis pas que c’est important, mais c’est une préoccupation de pays en paix. Ici, il s’agit d’abord de vivre ou de survivre. Pendant un moment, j’ai été logé dans l’hôtel de la Fédération nationale de foot. En temps de paix, les équipes nationales qui venaient à Damas transitaient par cet hôtel. Mais aujourd’hui il est entièrement réquisitionné par les étudiants d’Alep. Leur université a été complètement détruite, et du coup ils dorment là-bas. Les tournois de foot n’ont plus lieu, mais l’équipe nationale existe toujours. Le sport est devenu très anecdotique ici. Ça pourrait changer d’ici peu.