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Thierry Henry : roi dans son royaume
Éliminé des play-offs avec les New York Red Bulls, Thierry Henry va probablement tirer sa révérence. Et il pourra toujours se dire qu'il a fait l'unanimité à un endroit, Arsenal.
C’était peut-être ce qu’il voulait, lui, le fan de NBA et la véritable encyclopédie de son sport. Au moment de tourner la page, Thierry Henry voit les chiffres défiler, les siens : 411 buts inscrits dans toute sa carrière, un record pour un Français, dont 228 avec Arsenal et 51 avec l’équipe de France, deux records là aussi. Niveau armoire, il ne lui manque aucun trophée, si ce n’est le Ballon d’or : Coupe du monde, Euro, Coupe des confédérations, Ligue des champions, championnats de France, d’Angleterre, d’Espagne… Dans sa carrière, Henry peut se targuer d’avoir fait partie de trois équipes d’exception : l’équipe de France 98-2000, les Invincibles d’Arsenal et le Barça de Pep Guardiola. Pas le fruit du hasard pour un joueur élu par exemple homme du match le jour de la finale de l’Euro 2000 contre l’Italie. Pour couronner le tout, Henry sait aussi faire dans la longueur : il est le seul Français à avoir participé à quatre phases finales de Coupe du monde. Dans le lot, il y a deux fiascos, mais aussi les deux plus beaux parcours de l’histoire de la sélection frappé du coq. Où il a à chaque fois été le meilleur buteur de l’équipe.
Pourquoi tant de haine ?
La fin de sa carrière devrait donc provoquer un séisme aussi grand que les sorties de Platini et de Zidane, mais il n’en sera rien. Il n’est même pas fou de penser que la petite mort de ses deux potes et attaquants de la même génération, David Trezeguet et Nicolas Anelka, soulèvera bien plus d’enthousiasme. Et ce n’est pas parce que son dernier match est une partie où Charlie Davies, un mec qui a une grosse circonstance atténuante, mais qui ne s’est tout de même pas imposé à Sochaux, l’a éliminé avec un doublé. S’il veut se mentir, Henry pourra toujours se dire que son plus gros défaut aura été sa nationalité. Lui qui était surnommé « France Football » dans ses jeunes années tant il connaissait tout sur tout sur le ballon rond, a dû composer avec un pays qui n’a pas de culture foot. Un pays qui en a fait l’ennemi public numéro 1, laissant des gens aussi importants que Christophe Dechavanne exprimer leur dégoût de voir leur capitaine s’aider de la main pour gagner. Mais s’il ne méritait pas ça, Henry n’est pas pour autant dans la catégorie des « mecs cools » . Il a fait le forcing pour quitter Monaco, il a repoussé vivement des dizaines et des dizaines de fois les coéquipiers qui venaient se coller à lui lors de ses célébrations de buts, il n’a jamais attendu d’être à l’abri des regards pour s’en prendre à ses jeunes partenaires, il ne donnait interviews et infos qu’aux journalistes totalement acquis à sa cause, il est passé de la promo de FIFA à celle de PES, de Nike à Puma en passant par Reebok, il a plaidé pour Domenech en équipe de France, n’a pas bronché ou presque en le voyant exécuter un à un ses potes (Pirès, puis Trezeguet, puis Vieira), avant de lâcher totalement prise lorsque vint son tour, avec en point d’orgue un entretien avec Sarkozy en chemise Vichy au retour de Knysna. Henry, l’homme qui aurait suggéré un jour à Zidane de « moins tricoter » , est donc au final l’exact opposé d’Éric Cantona : gros palmarès, mais petite aura.
Une légende jamais écornée à Arsenal
Il existe cependant un endroit où le King, c’est Henry. Dans le monde d’Arsenal, Henry est tout en haut. Et c’est un peu normal. Parce qu’il n’est pas seulement le meilleur buteur de l’équipe. Si le club a pris une autre dimension, devenant l’un des plus populaires dans le monde, c’est grâce à lui. Avant son arrivée, il y avait le « boring Arsenal » de Graham, puis les transferts à outrance du début de l’ère Wenger. Avec lui, il y a eu un titre obtenu sur la pelouse du rival honni de Manchester, un autre enveloppé dans une série de 49 matchs sans défaite et un parcours héroïque jusqu’en finale de la Ligue des champions en 2006, qui s’est fait avec un but phénoménal pour éliminer le Real Madrid. Aux alentours de l’Emirates, l’attaquant a même eu droit à une statue. Elle n’a toujours pas eu l’occasion d’être salie. Son successeur, que l’on annonçait étouffé sur la fin par sa présence, n’a fait qu’une saison complète avant de signer chez le rival mancunien. Quant à l’inévitable et délicat épisode du come-back, il a déjà eu lieu et cela a été une franche réussite. En pré-retraite à New York, il revient s’entraîner à Londres pour garder la forme en janvier 2012. Wenger se chauffe alors à le faire entrer pour un match de Cup. « Titi » s’est laissé pousser une imposante barbe pour mettre en garde le public : à 34 ans, il n’a plus la même forme. Mais au bout de neuf minutes, il ouvre le score, d’un plat du pied droit, classique. Il fait alors le tour du stade, bras en croix, larmes aux yeux, devant une foule en délire. Peu importent les polémiques qu’il alimente partout ailleurs, à Arsenal, il l’a fait, il a marqué sa discipline.
Par Romain Canuti