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Thierry Henry : « Ma génération doit aller vers les jeunes, essayer de comprendre les codes »

Propos recueillis par Quentin Ballue, au siège de la FFF
7 minutes

Présenté ce mardi au siège de la FFF, Thierry Henry a officiellement entamé son aventure comme sélectionneur des Espoirs, à neuf jours de son premier match contre le Danemark. Morceaux choisis de la conférence de presse de l'homme censé « incarner l'ambition olympique de la fédération », dixit Philippe Diallo.

Thierry Henry : « Ma génération doit aller vers les jeunes, essayer de comprendre les codes »

Les Bleuets entrent dans une nouvelle ère. Thierry Henry a endossé le costume de sélectionneur de l’équipe de France Espoirs ce mardi, boulevard de Grenelle, intronisé par le président de la fédération Philippe Diallo. Deux de ses adjoints, Gaël Clichy et Gérald Baticle, étaient également présents. Le staff n’est pas encore au complet puisqu’il reste à trouver un entraîneur des gardiens, Rémy Vercoutre ayant été bloqué par l’OL. « Heureux de revenir et de porter le coq », Titi s’est prêté au jeu du grand oral pour lancer son mandat, à treize jours du coup d’envoi des éliminatoires de l’Euro 2025 et à onze mois des Jeux olympiques de Paris. « Il nous fallait quelqu’un qui puisse incarner l’ambition olympique de la fédération, a souligné Philippe Diallo. Par son expérience du haut niveau, sa capacité à dialoguer avec les jeunes générations, à pouvoir convaincre les clubs de nous libérer les joueurs le moment venu, son expérience de joueur de haut niveau mais aussi d’une sélection de premier plan, il nous semblait réunir toutes les qualités pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés : nous qualifier pour l’Euro 2025 et monter sur le podium olympique en 2024. »


Qu’est-ce qui vous a donné envie d’abandonner une vie épanouissante à la télé pour replonger dans un boulot de technicien ?

Premièrement, je n’étais pas épanoui. J’aime le terrain, j’ai fait ce que j’avais à faire pour en rester le plus proche possible. Je vais continuer à être consultant, oui, mais pas sur Amazon. Pour revenir sur le vrai point, j’avais besoin de coacher, d’aider, de faire comprendre. Il y a eu des échéances avant qui m’ont permis d’apprendre. Le moment du Covid m’a changé aussi. J’ai dû coacher une saison tous nos matchs à l’extérieur, gérer un groupe à l’hôtel pendant quatre mois, sans pouvoir rentrer à la maison. Ça forge, ça permet de voir les choses différemment, surtout sur le plan humain. J’ai attendu patiemment. J’étais bien, mais je n’étais pas épanoui. J’aime bien travailler avec les jeunes, j’ai cette facilité à leur parler, j’espère que ça pourra être un point positif. Ce n’est pas facile de les faire venir en moins de 21, mais pour moi, il n’y avait que du plus. Je retourne dans ce que je veux et ce que j’aimerais faire. Il va falloir être performant avec l’aide du staff, mais pour moi, c’était assez évident. Il me manquait ce côté qui me fait vibrer un peu, beaucoup même.

Ce n’est pas une sélection punition. Bien souvent, c’est vu comme ça par les clubs ou par certains joueurs qui aspirent à aller en A et qui doivent parfois redescendre.

Comment réussir à la tête de cette sélection, qui rencontre souvent des difficultés ?

Il faut qu’on tire tous ensemble dans la même direction. Ce n’est pas une sélection punition. Bien souvent, c’est vu comme ça par les clubs ou par certains joueurs qui aspirent à aller en A et qui doivent parfois redescendre. C’est une sélection que tu dois respecter, honorer. Elle n’est pas facile à gérer, on le sait très bien. Il y a eu des générations extraordinaires qui n’ont pas pu être performantes, donc il va falloir bien travailler, tous ensemble. Si des joueurs ne veulent pas venir, il va falloir essayer de créer un esprit France pour que les joueurs soient contents de venir. On a eu des bons coachs et des générations extraordinaires qui n’ont pas pu aller au bout. Ce n’est pas une sélection facile à gérer. Tous les deux ans ça change, il faut essayer de créer quelque chose où, peu importe qui entre dans la sélection, on s’identifie tout de suite.

Vous comprenez qu’il puisse y avoir des doutes à votre égard compte tenu de votre expérience, notamment à Monaco, qui n’a pas été une réussite ?

Oui. Bon, en deux mois, c’est dur de réussir. Demandez à n’importe quel chef d’entreprise s’il peut changer les chiffres en deux mois, c’est un peu difficile. La question est légitime, il y a toujours des doutes, je comprends tout à fait. J’ai eu une autre expérience après celle de Monaco, on a réussi à faire les play-off avec Montréal, ce qui n’était pas à négliger. Mais oui, la question est légitime. Elle s’est posée aussi avec d’autres coachs et d’autres générations avant.

Comment vous envisagez votre association potentielle avec Kylian Mbappé, qui a visiblement très envie de participer aux Jeux olympiques ?

Sur le terrain, ça aurait été pas mal. Malheureusement, là, je ne pourrai pas vous aiguiller. Dans ma tête, c’est Nancy, le Danemark (7 septembre) et la Slovénie (11 septembre), des matchs difficiles à gagner. Je sais qu’on a les JO en France, c’est un moment historique. C’est très rare d’avoir deux JO en cent ans, à part les Américains qui ont eu Los Angeles et Atlanta. Je suis heureux que ce soit en France, c’est excitant, mais il y a une échéance qui est la qualification pour l’Euro. Je pense au Danemark et aux joueurs nés au 1er janvier 2002 à l’heure actuelle. C’est déjà pas mal, croyez-moi.

Comment convaincre les clubs de libérer les joueurs ?

Ça coule de source pour moi quand je parle des Jeux olympiques. Je n’ai pas souvent pleuré sur un terrain ou dans un vestiaire, mais quand on s’est fait éliminer par les Italiens, on était tous en train de pleurer. Ça me tenait à cœur de faire les JO. En tant qu’ancien joueur, j’ai du mal à comprendre ce qui s’est passé pour les derniers JO au Japon. C’est quand même les Jeux olympiques, c’est Marie-José Pérec, les Barjots et j’en passe. Je peux comprendre que, de temps en temps, des gens pensent différemment, parce qu’ils pensent à leur saison, mais les JO, c’est dans le titre. Tu ne devrais normalement pas refuser ça. Il faudra avoir des discussions, se déplacer voir les équipes, pas seulement pour les JO.

Les jeunes de maintenant, dans le sport ou ailleurs, pensent savoir parce qu’ils ont beaucoup plus d’infos que nous à notre époque. Nous, on avait un vécu, eux, ils ont des infos.

Comment parler à la nouvelle génération ?

À Monaco et Montréal, les plus grandes affinités que j’ai eues, c’était avec les jeunes. On est toujours en contact, on se parle. Maintenant, c’est différent, on parle d’une génération qui n’a pas connu ce que nous, on a connu. Si j’avais connu les réseaux sociaux, peut-être que je n’aurais pas eu le même caractère ou la même façon de voir les choses. Ma génération devait aller vers les anciens. Maintenant, ma génération doit aller vers les jeunes. Il faut s’adapter, essayer de comprendre les codes. Si j’étais en retard, je ne jouais pas le week-end. Maintenant, si un mec est en retard, il faut lui expliquer, et il joue. Il faut être dans la compréhension, dans la discussion, rabâcher, donner. C’est un peu générationnel. Les jeunes de maintenant, dans le sport ou ailleurs, pensent savoir parce qu’ils ont beaucoup plus d’infos que nous à notre époque. Nous, on avait un vécu, eux, ils ont des infos. Il faut essayer de comprendre ça et dialoguer.

Comment vous comptez procéder au niveau de la gestion de votre effectif et de la passerelle avec les A ?

C’est simple, tout ce que DD dira, je dirai oui. (Rires.) C’est lui, le patron. S’il a besoin de venir chercher un joueur en Espoirs, je ne peux que dire oui. On est là quand même pour l’équipe de France A. Il y aura des discussions avant les listes, mais comme je dis souvent, reste à ta place. DD, c’est le patron et ce sera fait normalement, dans les règles de l’art.

Quel est le style Thierry Henry ?

Possession, pressing. La période Covid m’a beaucoup fait changer. Apprendre à déléguer, c’est super important. Beaucoup plus d’empathie, c’est quelque chose que j’ai appris. Quand je jouais, il fallait tuer, mais on n’est plus dans cette optique. Il faut être dans la pédagogie, montrer de la vulnérabilité, de l’empathie, bras autour de l’épaule, comprendre, discuter. C’est important. Il faut être capable de mettre de l’eau dans son vin.

Vous avez douté qu’une telle opportunité se présente à vous après vos débuts mitigés comme entraîneur ?

J’ai douté, oui, c’est humain. Je me suis posé des questions. Savoir faire son autocritique est super important. Les doutes, c’est juste normal. Quand tu es sur le banc, tu vois les choses différemment. Il faut constamment se remettre en question, j’ai dû le faire. Ça ne m’a pas empêché de sortir de ma zone de confort à Montréal en période Covid. Ce n’était pas facile de jouer tous ses matchs à l’extérieur, coincé quatre mois dans un hôtel avec ton équipe. En général, après quinze jours de présaison, il y a des bagarres. C’est normal. Alors quatre mois… J’ai beaucoup appris au niveau humain, de la pédagogie et du dialogue. Cette expérience m’a vraiment fait évoluer.

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