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Thierry Henry, I am Legend

Par Paul Bemer
4 minutes
Thierry Henry, I am Legend

Façon Will Smith qui chasse en Ford Mustang dans les rues désertes de Manhattan, c'est à très grande vitesse que Thierry Henry démantelait les défenses de Premier League. Et c'est seul contre tous qu'il est, lui aussi, devenu une légende. Focus sur le héros le plus détesté du pays.

La dernière fois que les Gunners d’Arsenal furent autorisés à parader dans les rues de Londres, les Roumains de Ozone squattaient le sommet du TOP 50, TF1 diffusait encore le Bigdil, et Jacques Chirac pouvait toujours le faire en « cinq minutes, douche comprise » . C’était en 2004, et n’en déplaise à Arsène Wenger, les faits sont là. Dans un mois, le plus « frenchy » des clubs britanniques entamera sa dixième saison de disette en Premier League. Une longue traversée du désert, avec le mirage de la Cup en 2005 et l’Emirates Stadium pour seules oasis, qui fait pourtant écho à une performance en tous points historique. Certes, aujourd’hui, en regardant Mertesacker défendre, par exemple, il est difficile de s’imaginer que cette année-là, les Canonniers réussissaient à boucler leur campagne victorieuse sans perdre une seule bataille. Et pourtant. Avec 26 succès et 12 nuls, ils ont écrit leur plus belle épopée. Celle des « Invincibles » , les premiers depuis Preston en 1889.

De la grosse cote…

Bien sûr, le politiquement correct voulait qu’une statue en forme de photo de famille immortalise cette équipe à tout jamais… Désolé pour lui, mais il s’est encore fait douiller. Vieira, Pires, Ljungberg ou Bergkamp ont subi le même sort que Pippen et Rodman avant eux. Sur le parvis de l’Emirates, il n’y a de place que pour le bronze du Michael Jordan local, Thierry Henry bien sûr. Et s’il doit surtout cet honneur ultime à l’ensemble de son œuvre sous le maillot des Gunners, cette saison 2003/04 reste la plus prolifique de sa carrière. 39 buts et 13 passes décisives en 51 matchs, toutes compétitions confondues. Mais aussi quelques instants de grâce, comme ce quadruplé inscrit face à Leeds United, le 16 avril 2004. Pour beaucoup, Henry marche alors sur la planète foot. Meilleur attaquant du monde, joueur le plus flashy d’Europe… Il collectionne les superlatifs et parvient à introduire son nom dans la short list du Ballon d’or. Même son plat du pied enroulé dans le petit filet opposé est en passe de devenir un geste légendaire. C’est dire. Sauf que la fusée des Ulis se fait braquer deux fois le précieux bibelot par un gangster d’Europe de l’Est. C’est d’abord un Pavel Nedvěd champion en titre et finaliste de la Ligue des champions avec la Juve qui fait le coup en 2003, imité l’année suivante par l’Ukrainien Andriy Shevchenko. Jurisprudence Eurovision oblige, aujourd’hui encore, la majeure partie de l’Hexagone crie au scandale et brandit la théorie du complot d’ex-URSS. Mais comme avec le concours du kitsch européen, force est de constater qu’elle nie une bonne partie de la vérité.

… à la surcote.

Le meilleur buteur des Bleus a toujours cristallisé la critique, poussant parfois le vice jusqu’à souffrir des défauts de ses qualités. Sa vélocité exceptionnelle le transforme vite en sprinter tout juste bon à courir après la gonfle, et son rendement face au but est largement alimenté par les largesses britanniques en matière de défense. Bref, pour ses détracteurs, Henry ne fait que slalomer au milieu d’un champ de plots proprement tondu. Rien de plus. Tous les arguments sont bons à prendre. D’Arsenal qui se vautre systématiquement en Ligue des champions à son statut de numéro 2 français derrière Zidane, en passant par ses chaussettes mises comme des bas ou son amitié avec le poteau de corner… Pour ne rien arranger, le maître des applaudissements sur transversale ratée cultive un généreux melon en guise de caboche, et commence à voir un bien vilain mot lui coller à la peau, « surcoté » . La preuve la plus flagrante restant sa pige avortée dans le Piémont. Là, abandonné au milieu de ceux qui défendent debout, Titi n’avait tenu que six mois avant de s’assurer que l’herbe était plus verte outre-Manche. Et malgré des chapelets de buts enfilés année après année, le problème demeure entier. Parce qu’il a choisi la facilité et qu’il a grandi plus vite que son club, le meilleur buteur des Bleus est resté un épiphénomène aux yeux de certains. Un type qui se veut légendaire, mais qui ne supporte même pas la comparaison avec Raúl ou Sheva. Dur.

Au fond, s’il y a bien un débat où son nom peut mettre tout le monde d’accord, c’est celui qui a enflammé la Playstation à cette époque-là. Car qu’on le veuille ou non, Thierry Henry reste à jamais le joueur le plus monstrueux de l’âge d’or du jeu Pro Evolution Soccer. Et même si, là aussi, les puristes rétorqueront qu’il y avait match avec Adriano ou Recoba, ça vaut bien un Ballon d’or.

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