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Thierry Henry : « Avoir été joueur avant ne veut pas dire que ça sera plus facile »
Deux jours après avoir dirigé son premier entraînement, Thierry Henry a été officiellement présenté à la presse mercredi, à Monaco. L'occasion pour le nouveau coach de l'ASM de présenter brièvement ses concepts, d'évoquer sa définition du succès et de disséquer la situation compliquée du club, actuel 18e de Ligue 1.
Que retenez-vous de votre aventure en Belgique ?Déjà, j’aimerais remercier la Fédération belge de m’avoir libéré et de m’avoir donné l’opportunité de m’épanouir avec un groupe extraordinaire pendant ces deux années. Roberto Martínez n’a pas eu peur de ce que je représentais en tant que joueur et m’a offert une plateforme pour évoluer. L’accueil que j’ai reçu en Belgique a vraiment été chaleureux et si ça n’a pas été évident au départ de trouver la meilleure façon de jouer pour l’équipe, je pense qu’on a réussi, au bout, à faire quelque chose qui restera gravé dans l’histoire du football belge. Ce que je retiens principalement, c’est ça : au départ, les joueurs qui composent cette sélection étaient souvent présentés en tant qu’individus. Aujourd’hui, la Belgique est reconnue en tant qu’équipe, plus comme une somme d’individualités, c’est une fierté.
Était-ce vraiment si naturel que ça de commencer à Monaco ? Pouvez-vous nous parler un peu des entraîneurs qui vous ont influencé jusqu’ici ?Monaco, c’était le choix du cœur. Je n’ai pas beaucoup hésité : c’est là où j’ai commencé et c’est un rêve qui devient réalité de revenir ici comme entraîneur. Honnêtement, j’ai appris de tous mes entraîneurs. Tous. Si on parle d’Arsène, par exemple, il a réussi à débloquer énormément de choses dans ma tête, sur la façon d’être professionnel notamment. Guardiola, pour moi, c’est la référence en matière de jeu, d’approche. Puis, il y a des équipes qui m’ont marqué et j’ai envie de citer le FC Nantes, celui de José Arribas, de Jean-Claude Suaudeau, de Raynald Denoueix : c’était une équipe qui respirait le foot et qui gagnait grâce à des produits de son centre de formation. Ils ont fait passer un cap au football de transition. Je dois aussi remercier les éducateurs connus à Clairefontaine, car c’est là-bas qu’en tant que joueur, j’ai travaillé une notion essentielle : l’intelligence de jeu.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’effectif de l’AS Monaco ? Quel est l’objectif à ce jour ?Premièrement, Strasbourg.
Le moral n’est pas au plus haut, ce n’est pas évident pour les joueurs et ce n’est pas évident non plus de prendre ses fonctions quand la moitié de l’effectif n’est pas là. Ce n’est pas une excuse, c’est un fait. Il va falloir trouver un équilibre, sécuriser les joueurs, retrouver une forme de joie et de la sécurité dans le jeu. Je préfère vivre dans le présent. Ce dont l’équipe a besoin aujourd’hui n’est pas forcément ce dont elle aura besoin dans les prochains mois.
Aujourd’hui, vous revenez en France à 41 ans avec une histoire riche en tant que joueur. Comment le vivez-vous et pourquoi avoir refusé de revenir plus tôt, notamment à Bordeaux ?Je ne parlerai pas de Bordeaux. Pour le reste, j’ai fait le deuil de ma carrière de joueur. C’est fini tout ça. J’arrive aujourd’hui dans la peau d’un coach, et ma mission est justement de faire comprendre à cette équipe ce que j’aime en tant qu’entraîneur.
Quel genre d’entraîneur aimeriez-vous être ?Vous m’avez connu comme joueur, vous savez comme je suis. Quand on travaille, on travaille. Après, il faut aussi prendre du plaisir. Il y aura de la rigueur dans mon management, il faudra travailler dur car sans être physiquement au top, tu ne peux pas aller sur le terrain, mais j’aime aussi rigoler. Combien de temps cela va prendre pour se mettre en place ? J’espère très peu de temps.
Comment jugez-vous l’évolution qui a été la vôtre depuis 1993 ? Si je repars en 1993… J’ai perdu mes cheveux, je n’ai plus de vitesse. (Rires.) Après, honnêtement, si on m’avait dit à cette époque que je me retrouverais un jour ici en tant qu’entraîneur… Entraîneur, ça a été une évolution, c’est comme tout : tu entres par une porte, puis une autre, certaines se referment, d’autres s’ouvrent. Quand il fallait ramasser les maillots, je l’ai fait. Quand il a fallu porter les buts ou poser des plots, je l’ai fait. Je ne suis pas impatient de débuter, mais j’ai très envie, c’est une certitude.
Comment atteindre le statut de grand entraîneur à vos yeux ?Je pense déjà qu’il faut savoir rester flexible avec ses concepts. Le travail n’est pas un sacrifice chez moi, c’est un mode de vie depuis l’âge de sept ans.
Parfois, on prend des coups, parfois, on reçoit des lauriers, et ce n’est pas toujours mérité, dans les deux cas. Aujourd’hui, les choses ont changé et c’est à nous d’aller vers la nouvelle génération de joueurs, ce qui n’était pas le cas quand j’ai commencé ma carrière. Il faut comprendre les joueurs, c’est une clé importante. En ça, les résultats ne seront que les conséquences du travail et de cette compréhension.
Avez-vous échangé avec Patrick Vieira ?Oui, j’ai parlé à Pat. La discussion restera entre nous. Je suis content de ne pas être trop loin de lui. Forcément, on a évoqué cette nouvelle génération, mais si tu restes dans ta façon de voir les choses, celle avec laquelle tu as grandi, il va y avoir une cassure, c’est clair et net. Il faut s’adapter, être patient.
Avez-vous discuté avec Leonardo Jardim et que pensez-vous du projet du club ? Non, je n’ai pas discuté avec l’entraîneur qui était là avant moi, mais je veux le remercier pour le travail qu’il a accompli ici. Moi, ce qui m’importe aujourd’hui : c’est Strasbourg samedi. Je suis là pour coacher l’équipe.
Êtes-vous encore à la recherche d’un nouvel adjoint ?Je n’ai pas trop envie d’entrer dans les détails et je ne peux parler que des gens qui sont là devant nous aujourd’hui. Je veux aussi préciser qu’il est important pour moi d’avoir un staff capable de me dire non, pour me challenger sur certains points. Je veux avoir des débats, des discussions. Si ce que je dis n’est pas bon, j’ai besoin de le savoir.
Comment redonner confiance à un effectif qui vit un début de saison aussi compliqué ? Est-ce que cette question psychologique est abordée lors de la formation d’un entraîneur ?Je pense que ça s’apprend surtout sur le terrain, en regardant les joueurs, en discutant avec eux. Pour sécuriser un joueur, il faut qu’il comprenne déjà, en entrant sur le terrain, ce que tu veux lui faire faire. C’est ma mission première. C’est sûr qu’il y a un travail énorme à réaliser, je ne stresse pas vraiment pour le moment, mais je ne peux pas dire que je ne ressens rien non plus. J’ai hâte.
Quelle est votre définition du succès ?Le succès est une notion relative. Dans certains très grands clubs, l’entraîneur est jugé sur le fait de gagner, ou non, la Ligue des champions. Dans d’autres clubs, il est jugé sur le fait de remporter le championnat ou sur la façon dont il fait progresser les joueurs. Moi, c’est faire progresser les joueurs. Avoir été joueur avant, ça aide et j’espère que ça peut être un atout, mais ça ne veut pas dire que ça sera plus facile.
Quand on arrive à ce poste, pense-t-on aux anciens coéquipiers qui ont réussi, comme Zinédine Zidane ou Didier Deschamps ? Oui, et gagner comme eux, ce serait bien. Quand on se voit aujourd’hui, on ne parle plus foot-foot, mais coach-coach. Chacun a ses idées, mais oui, ce sont des exemples pour moi.
Par Maxime Brigand, à Monaco