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Thierry Henry : Antilles sociales et plein de sang-froid
La Guadeloupe et la Martinique traversent une crise sociale d’une ampleur inédite, centrée essentiellement autour de la vie chère. Devant l’indifférence de la métropole et la seule réponse répressive du gouvernement, l’un des plus grands footballeurs français a pris la parole pour défendre ses compatriotes : Thierry Henry.
« Tenez bon, ne lâchez pas ! Zot ja Konet, fos ! (Vous savez déjà, force !) » Sur la chaîne américaine CBS sport, Thierry Henry a envoyé un message de soutien sans ambiguïté aux habitants de Martinique et de Guadeloupe. Le consultant vedette venait d’intervenir au sujet de la révolte populaire qui agite les deux départements français des Caraïbes. « Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais la vie est très chère là-bas », précisait-il au public anglophone non averti, avant d’insister sur les raisons d’un ras-le-bol populaire et légitime : « Les prix des aliments au supermarché sont deux à cinq fois plus élevés que sur le territoire hexagonal. […] Par exemple, une bouteille d’huile en France coûte 9 euros. En Guadeloupe, c’est 16 ou 17 euros. »
Henry, un visage des Antilles
Cette intervention n’a rien d’anodin, ni d’anecdotique. Elle prend le contre-pied d’un sentiment assez généralisé d’indifférence face aux difficultés de ces territoires « un peu trop éloignés », tant sur le plan géographique que politique. Un abandon qui laisse pourrir la situation jusqu’à l’explosion. Dernier exemple en date, la coupure d’électricité généralisée en Guadeloupe ce vendredi à la suite d’un conflit au sein d’EDF, qui a conduit le préfet à annoncer la mise en place « d’un couvre-feu général » dans la nuit. Les propos d’Henry, énoncés en anglais sur une chaîne américaine, ont par ailleurs forcément eu une résonance importante qui dépasse le cadre national.
Car Thierry Henry est Thierry Henry, et donc pas n’importe qui : champion du monde en 1998, légende du club du North London et de la Premier League, récemment entraîneur de la sélection tricolore lors des JO de Paris avec une médaille d’argent à la clé, il est l’un des visages de ces nombreux Antillais qui ont écrit les plus belles pages du foot français, et plus largement, du sport bleu blanc rouge. Malgré cette immense dette, la reconnaissance du ventre et des trophées a tardé. Les Bleus n’ont disputé leurs premières 90 minutes à Fort-de-France qu’en 2005, à l’initiative de Raymond Domenech. Un match amical contre le Costa Rica qui s’accompagnait d’un hommage aux 152 victimes martiniquaises ayant péri dans un crash aérien au Venezuela. Comme un symbole, ce jour-là déjà, Thierry Henry avait marqué le dernier but victorieux à la 87e minute.
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Ce n’est pas la première fois qu’Henry s’exprime sur des sujets de société. Déjà pendant les dernières élections législatives, il l’avait ouvert. Mais dans une tonalité très mesurée, plus proche du centrisme de Kylian Mbappé que du courage de Jules Koundé : « Je pense qu’il y a quelque chose qui est quand même important, ce qui peut faire barrage aux extrêmes, c’est d’aller voter. Donc allez voter. […] Moi, personnellement, je suis contre tout ce qui divise et un peu plus pour ce qui peut unir. » Cette fois, son engagement s’énonce plus clairement, et le héros statufié d’Arsenal a terminé son appel en s’adressant directement aux autorités et à la République : « C’est la France d’ailleurs, ce n’est pas un territoire gouverné par la France. C’est la France. […] S’il vous plaît, ça suffit maintenant. Baissez les prix, car les gens ne peuvent pas vivre et gagnent moins d’argent aussi. » Nul doute que les 800 000 Français qui y résident aimeraient que nos dirigeants reprennent enfin la passe décisive délivrée par Titi.
Par Nicolas Kssis-Martov