- C1
- Finale
- Liverpool-Real Madrid (0-1)
Thibaut Courtois, un mur en cage
Brillant tout au long de la saison, le gardien belge du Real Madrid a conclu son exercice ce samedi soir par une performance historique en finale de la Ligue des champions face à Liverpool. Grand héros de cette finale face aux Reds, Courtois décroche ainsi sa première C1 tout en offrant une quatorzième couronne au Real.
Dans la nuit de San Siro, le 15 septembre dernier, un lampadaire s’éclaire face aux caméras. Il rit et dit : « C’est bien pour mes adversaires de savoir que ce n’est pas facile de marquer contre moi. » À quelques mètres de là, les joueurs de l’Inter quittent le théâtre milanais la tête basse, emportant avec eux le souvenir de ce diable qui n’aura cessé de sortir de sa boîte pour leur sauter au visage tout au long de la soirée. Bilan pour les hommes de Simone Inzaghi : 18 tirs tentés, 5 cadrés, aucun but marqué et trois points concédés à un Real Madrid venu en Italie exhiber son plus beau masque. Soit celui de l’assassin à qui on n’apprend pas à faire la grimace, ce qu’il est possible de symboliser via les exploits à répétition d’un Thibaut Courtois qui, sans le savoir, vient de donner le ton de la suite de sa saison. Huit mois plus tard, le Belge vient de remporter, au stade de France, la première finale de Ligue des champions de sa carrière après celle perdue dans les buts de l’Atlético, en 2014. Précision : Courtois ne s’est pas contenté de ça et a surtout été l’homme central du plus haut sommet de la saison XXL de son club, vainqueur samedi soir de la quatorzième C1 de son histoire. Un hasard ? Tout sauf ça.
« Thibaut utilise ses bras comme une corde »
Un chiffre, d’abord : face à Liverpool, resté muet pour la troisième fois en trois finales cette année, Thibaut Courtois a sorti neuf parades décisives (sur un total de 2.58xGOT). Aucun gardien n’avait jusqu’ici été à ce point statistiquement héroïque sur une finale de Ligue des champions. Plus encore, l’international belge a réalisé 59 arrêts tout au long de la campagne, ce qui est, là aussi, un record. Mais comment expliquer rationnellement une telle performance ? Il y a quelques jours, invité à s’exprimer sur les capacités extraordinaires de son ancien protégé à Genk, Guy Martens nous confiait : « Ses bras sont un atout fatal. Il s’en est toujours servi comme d’un élément de projection au sol, une sorte de centre de gravité bas, partant de l’épaule jusqu’au poignet. Thibaut les utilise comme une corde, que l’on tire d’un coup sec, pour plonger très vite. Ce sont des détails, mais quand ils sont répétés sans cesse, ils finissent par devenir des automatismes. » Et par dégoûter un paquet d’attaquants. Mohamed Salah samedi soir, ceux du Real cette semaine, ce qui a fait rire jaune Carlo Ancelotti mardi après-midi lors d’une séance à Valdebebas : « Je lui ai dit : « Thibaut, tu dois donner plus de confiance à nos attaquants, car tu sauves toujours tous leurs tirs… » »
Ainsi, à l’heure des bilans, Courtois restera comme l’un des héros de l’épopée suffocante d’un Real immortel, qui aura su, d’août à mai, répondre à tous les scénarios possibles. Cette finale, où il aura été aussi royal dans les airs que supersonique au sol, au point de voir ses défenseurs lui sauter au cou après un arrêt monumental devant Salah en fin de match, est alors l’occasion de replacer le géant de Bée sur les hauteurs d’un débat dont il a trop souvent été absent au cours de la dernière décennie : celui de meilleur représentant de son poste. « Depuis deux ans et demi, trois ans, je suis à un très haut niveau, a-t-il répondu samedi matin, dans les colonnes de L’Équipe. Cette saison, la différence, c’est les titres, donc ça me donne plus de visibilité par rapport à la saison passée où je n’avais rien gagné. Quand tu ne gagnes rien, tu restes plus dans l’anonymat, et cette saison, il y a beaucoup de matchs où on était à 1-0 ou 0-0, et je faisais un arrêt décisif qui nous permettait de gagner, donc ça marque plus les gens. Je pense être encore plus décisif et avoir progressé. »
Un géant d’un autre bois
Sur ce point, un élément aura marqué les esprits tout au long de la saison : l’évolution du jeu au pied de la pieuvre de 30 ans, notamment accompagnée depuis le début de l’année 2021 par le spécialiste Thierry Barnerat, qui collabore, entre autres, avec des professeurs en neurosciences. Barnerat a, par exemple, aidé Courtois à progresser sur sa première touche de balle et l’a davantage forcé à utiliser son pied droit, ce qui lui a offert un atout inestimable : la possibilité de jouer avec la même confiance de ses deux pieds. Explications du spécialiste dans les pages du Temps : « Aujourd’hui, ça lui donne une tout autre orientation et envoie un signal à l’attaquant : inutile de venir, tu ne me mettras pas sous pression. » Si cette nouvelle arme n’a pas été aussi décisive lors de cette finale que lors de la demi-finale retour face à Manchester City, le gardien belge a cependant été un repère précieux pour la bande d’Ancelotti et un mur en cage brillant. Sa performance est à envoyer au musée de la Ligue des champions et à projeter en boucle aux jeunes gardiens en devenir. Avant de partir, tête haute, il a alors pu souffler devant les micros : « Aujourd’hui, j’avais besoin de gagner une finale pour ma carrière, pour tous les efforts, pour que mon nom soit respecté, car je ne pense pas être assez respecté, surtout en Angleterre. » Puis, en conférence de presse, Thibaut Courtois, 22 clean sheets en 50 matchs disputés toutes compétitions confondus cette saison, a vu Carlo Ancelotti lui taper dans les mains, l’historique technicien italien accompagnant le geste d’un « Thibaut, tu as gagné le match ! » Demain, il pourra alors descendre au sous-sol de sa maison espagnole, où il range soigneusement ses trophées, et y placer les dernières pièces de son butin. Le débat est clos : ce type est bien d’un autre bois.
Par Maxime Brigand, au Stade de France