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Thiago Motta, l’éloge du vice
Arrivé à maturité d'un parcours semé de blessures et d'une mauvaise publicité, le milieu de terrain du PSG Thiago Motta est un survivant. Avec lui, c'est un football à l'ancienne qui tente de survivre au quotidien : celui où le vice est aussi important qu'une passe décisive ou une récupération. Ça tombe bien, le Brésilo-Italien manie les trois à la perfection.
« La première fois que j’ai joué en ligne, je suis tombé sur un type qui hurlait en italien (…) Bon Dieu, c’était Motta ! Un vrai dingue. Il entre dans l’aventure comme si sa vie était en jeu (…). Lui, il balance toutes les insultes du monde ! » Quand Zlatan Ibrahimović raconte le Thiago Motta 2.0 de Call of Duty dans L’Équipe Magazine, on découvre un enfant hystérique. Récemment, Mathieu Coutadeur a également croisé la route du numéro 8 parisien. C’était au Moustoir et ce soir-là, Motta s’est chauffé avec le milieu de terrain des Merlus. Loin du champ de vision de l’arbitre, l’Italien s’amuse avec le Lorientais, met son index sur sa narine droite pour la boucher et laisse opérer la magie du corps humain : il se mouche à la Russe sur Coutadeur. Plus humiliant qu’une insulte et plus efficace qu’un crachat. Ce soir-là, Motta est pourtant l’unique buteur du match. Une rencontre qu’il a survolée sur le terrain mais aussi dans le vice. Thiago Motta, c’est ça.
« Donnez-moi une chance et vous ne le regretterez pas »
En 2014, les vicieux talentueux sont rares, il faut donc les choyer. Formé à la Masia barcelonaise, où il est arrivé à 17 ans, Motta s’est éduqué en reluquant les faits et gestes de Phillip Cocu. Avant d’être une crapule des terrains, Thiago Motta jouait numéro 10 et ne savait pas défendre. Il a donc pris des cours du soir. Incroyable pour un milieu de terrain que tout le monde présente aujourd’hui comme un joueur intelligent dans son placement, sa façon d’empêcher l’adversaire d’attaquer, de compenser les mouvements de ses partenaires. Avec lui, rien n’est laissé au hasard. Pourtant, l’homme aurait pu ne jamais se relever de ses blessures. On est en 2008 et le gaucher pointe au chômage après une saison en enfer à l’Atlético (six matchs, trois jaunes et un corps blessé). À 26 ans, son corps semble le lâcher. Il est perdu pour le football. Et un truc que Motta déteste, c’est que l’on parle pour lui pour son corps. « Je n’ai pas un corps de cristal parce qu’il a résisté à beaucoup de choses, et je suis toujours revenu. Le cristal, quand il casse, on le jette, et basta » , déclarait-il encore l’été dernier dans les colonnes de France Football.
C’est cette force mentale qui le pousse à débarquer en 2008 au siège de Giochi Preziosi, dans les faubourgs de Milan, pour rencontrer le boss du leader italien du jouet Enrico Preziosi, qui se trouve être aussi le grand patron du Genoa : « Donnez-moi une chance et vous ne le regretterez pas. Dans quelques mois, tous les gros clubs viendront frapper à votre porte » . Un an et une place de Serie A plus tard, l’Inter Milan débarque avec 40 millions d’euros pour le binôme Milito-Motta. Pari gagné. Le gaucher est revenu dans le jeu. Depuis, il a continué à grossir son CV tout en devenant un pion essentiel en équipe d’Italie. Passé successivement sous les ordres de Mourinho, Benítez, Gasperini, Ranieri, Ancelotti puis Laurent Blanc, Motta a systématiquement fait l’unanimité chez ses entraîneurs. « Thiago Motta est l’un des plus forts milieux en Europe. C’est un joueur moderne, polyvalent, de mouvement, qui imprime le rythme du jeu et qui possède de l’expérience » , disait de lui Demetrio Albertini dans L’Équipe, en janvier 2012. L’ancien patron de l’AC Milan dit vrai. Pourtant, on a souvent voulu ranger l’homme dans la catégorie « loubards » .
La gauche caviar
Quand il débarque au PSG, d’aucuns voient en lui une petite frappe. Le mec juste bon à placer son coude dans les côtes flottantes au duel aérien. Tout sauf un joueur de football. D’autant qu’on ajoute très vite à ce postulat sa fragilité physique. Une danseuse, quoi. La France du football est comme ça. Elle catalogue vite. Trop même. L’an dernier, même dans une saison noire, il est de la fête au Nou Camp et à Lyon pour le match du titre. C’est lui qui décale Jérémy Ménez sur le seul but du match. Tout sauf un hasard. Parce que Motta est un milieu moderne, capable de défendre et de construire le jeu. Il n’a aucun problème d’ordre tactique, ce qui lui importe le plus, c’est d’être en bonne santé. Peu importe le schéma, il est chez lui dans l’axe du jeu. Actuellement, à 31 ans, il est au sommet de son art. Il aurait pu y arriver beaucoup plus tôt, lui qui était déjà titulaire avec le FC Barcelone lors d’un quart de finale de Ligue des champions contre la Juventus en 2003, si la chance avait été de son côté.
Pas grave, c’est encore meilleur quand on a souffert. Son côté italien sans doute. Petit-fils d’émigrés italiens vénitiens partis chercher fortune au Brésil et amoureux de Roberto Baggio, son équipe de cœur est logiquement Palmeiras, un mythe fondé par les Italiens de São Paulo. En lui, l’ADN est donc double : le vice et le talent. Même quand il est moins bien, il a encore suffisamment de malice pour s’inviter jusqu’au coup de sifflet final. Comme face à Toulouse où il fracasse Clément Chantôme et fait semblant de souffrir le martyr pour éviter un second avertissement synonyme d’expulsion. Quand il ne dicte pas le tempo du PSG, il passe son temps à marchander avec les arbitres. À l’ancienne. Mais derrière cette machine obscure se cache un vrai gagneur. En Ligue 1, c’est un talisman, il n’a plus perdu depuis le 29 avril 2012 à Lille avec le PSG. C’était il y a deux ans. Finalement, Thiago Motta ne joue pas en Mizuno pour rien. Comme ses pompes, le joueur est une espèce en voie de disparition, alors profitons-en. Même s’il faut se faire cracher dessus pour l’accompagner le plus longtemps possible…
Par Mathieu Faure