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Thiago Motta, la crème glacée
Trop souvent blessé l’an dernier, Thiago Motta vient de jouer deux matchs de suite et s’apprête à en disputer un troisième cet après-midi contre Guingamp. C’est presque un miracle, mais c’est surtout une excellente nouvelle pour Laurent Blanc, tant le numéro 8 francilien est la pierre angulaire du jeu des champions de France. Motta, un Brésilien formé au Barça, façonné par José Mourinho et international italien. Sans aucun doute le meilleur cocktail depuis le film du même nom avec Tom Cruise.
C’est une évidence, alors autant la poser tout de suite sur le papier. Comment peut-on encore jouer avec des Mizuno en 2013 ? Pourtant, ça n’empoisonne pas tant que ça la vie de Thiago Motta, qui porte cette marque de godasses depuis ses débuts professionnels. Décidément, l’habit ne fait pas le moine. Et cet après-midi, l’international italien traînera encore sa paire de pompes estampillées années 90 sur la pelouse du Parc des Princes. Son troisième match de suite en championnat. Une rareté pour un mec qui n’a livré que 15 matchs toutes compétitions confondues l’an dernier. Un homme de verre. Fragile. Le genre de joueur dont l’absence fait parler. À raison. Lors de son arrivée en France, on a pourtant trop vite présenté Motta comme un joueur sans envergure. Un mec uniquement là pour donner des coups et faire sa pleureuse auprès de l’arbitre. Oui, mais non. Motta est autre chose. La vérité est même sortie de la bouche de Siaka Tiéné lors d’un entretien diffusé sur beIN Sport. À la question « Quel joueur parisien est le plus technique ? » , l’Ivoirien ne s’est pas dégonflé. « Motta. Il sait tout faire. » Le roi de la sape a parlé. Une hérésie ? Pas tant que ça.
Quand il joue, le numéro 8 du PSG est au cœur de tout. Du jeu, de l’animation offensive et du repli défensif. En deux matchs de Ligue 1, il a déjà joué 219 ballons (90% de passes réussies). Le boss, c’est lui. Les qualités du mec sont évidentes : qualité de la première passe, placement, science du jeu et la fameuse faute tactique (comprendre, la petite faute de pute à 40 mètres de son but pour briser une attaque adverse). C’est simple, le tempo du jeu parisien part de lui. Son cahier des charges est simple : il se campe dans le rond central, au milieu du jeu et, surtout, face au jeu et il distribue. Il distribue. Distribue. Distribue. Toujours disponible, aussi bien pour le jeu court vers sa base arrière que pour le jeu long (c’est lui qui régale Ibra dès la sixième minute contre Nantes, par exemple), Thiago Motta gère la longueur, la largeur, la cadence et le rythme du match. Mieux, il tient la balle quand il le faut, la libère, temporise et tombe quand il le faut également. Toutes proportions gardées, c’est le Sergio Busquets du XVIIe arrondissement. Le profil de petite catin que l’on adore détester ou que l’on déteste adorer, au choix. Placé en sentinelle devant la défense, l’homme aux 13 sélections avec la Nazionale libère Blaise Matuidi, ce qui permet au Français de se projeter. Pour ce faire, pas besoin d’aller au charbon. Motta anticipe tout depuis son poste et s’efforce de couper au maximum les trajectoires adverses. Une fois le cuir récupéré, on distribue. Simple comme bonjour. Et pour jouir de ce Motta-là, il faut que le mec soit au top de sa forme. Un miracle permanent.
16 matchs par an en moyenne
Même lui se sait fragile malgré tout. Au cœur de l’été, l’ancien joueur du Barça se sent obligé de se justifier dans les colonnes de France Football : « Non, je n’ai pas un corps en cristal, car il a résisté à beaucoup de choses et je suis toujours revenu. Alors que le cristal, quand il casse, on le jette et basta. Je ne suis pas fragile. J’ai trente ans, je joue encore et ça fait douze, treize ans que j’évolue avec les professionnels. » Les chiffres ne plaident pas en sa faveur. Depuis ses débuts professionnels avec le FC Barcelone, le mec joue en moyenne 16 matchs par an. C’est peu. Surtout pour un titulaire. Il a déjà connu des graves blessures (genou, cuisse) et demande énormément de temps pour être en forme. Motta, c’est le mec qu’il faut bichonner. C’est une petite nature. Bien loin de l’image de voyou qu’on a parfois voulu lui coller sur le dos, même si cette étiquette peut se justifier. Comme lorsqu’il tacle comme un joueur de DH et prend un rouge contre Ajaccio en janvier dernier. Entre ça et ses petits coups de coude récurrents, l’homme donne le bâton pour se faire battre. Pas grave, la saison 2012/2013 maudite du mec est derrière lui. On est passé à autre chose. On a retrouvé le régulateur-gueulard qui animait l’entrejeu de l’Inter en 2010. Un mec qui commence même à envoyer des tacles en conférence de presse. Pas plus tard que la semaine dernière, le numéro 8 s’est payé le corps arbitral du match PSG-Ajaccio. Comme ça, sans prévenir. « Les joueurs ont le sang chaud, on a parfois du mal à garder la tête froide. Mais il y avait une faute sur Matuidi et penalty sur Lavezzi. Si ma fille de 5 ans l’a vu, je ne comprends pas pourquoi l’arbitre ne le voit pas. Le PSG a la pression et les arbitres doivent également apprendre à la supporter. J’ai trouvé qu’il n’était pas à la hauteur. » Voilà, c’est fait. Preuve que l’homme se sent impliqué. Autre bonne nouvelle et synonyme d’un Motta retrouvé, Laurent Blanc lui a demandé de tirer les corners. Tout sauf un hasard.
Dans les coulisses du club parisien, on prie pour que le gaucher tienne la route physiquement cette saison. On le sait, son successeur est déjà dans les murs : Marco Verratti. Le petit trapu sera amené à prendre le relais dans le même registre. La technique et le vice sont déjà là. Il manque encore l’expérience et la gestion des gros matchs. En attendant, Laurent Blanc espère compter sur son Italo-Brésilien le plus longtemps possible cette saison. Un porte-bonheur en quelque sorte (seulement deux défaites depuis son arrivée janvier 2012, contre Lyon en Coupe de France et à Lille, fin avril 2012). Et puis, mine de rien, derrière sa gueule de milieu relayeur des années quatre-vingt, Thiago Motta peut regarder tout le monde droit dans les yeux. Pourquoi ? Parce que son palmarès, mon pote. Deux Ligue des champions, deux fois champions d’Espagne, une fois en Italie et une fois en France. Qu’on se le dise, si Thiago Silva est Dieu avec des Nike, Motta est Saint-Pierre grimpé sur des Mizuno. Pourquoi Saint-Pierre ? Parce que le lascar possède les clés du paradis. CQFD.
Par Mathieu Faure