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Thiago Da Silva
Il s'est fait lourder par les Girondins de Bordeaux, son club formateur, et a ciré le banc de Châteauroux. Damien Da Silva, 29 ans, est aujourd’hui le patron de la défense caennaise qui défie le PSG ce mercredi soir en demi-finales de la Coupe de France. Après avoir passé la majeure partie de sa carrière dans les divisions inférieures, le « Das' » se rêve désormais en équipe nationale du Portugal. Portrait d'un mec qui s'est accroché.
Ce samedi matin, Emmanuel Da Costa a presque 400 bornes à avaler au petit-déjeuner. Nous sommes à la fin de l’année 2010 et la BMW grise de l’entraîneur adjoint du FC Rouen roule au sud, direction le Berry. À l’arrivée, il y a ce match à domicile de la réserve de Châteauroux contre une équipe dont il a oublié le nom. À la demande du coach principal, Da Costa vient superviser un défenseur central. Ce jour-là, le joueur en question évolue latéral droit, mais l’affaire est entendue. « Il avait dégagé tellement de puissance et de potentiel sur l’aspect défensif, que seul un aveugle n’aurait pas vu qu’il était fait pour être défenseur central, témoigne Da Costa. Dès que je suis rentré dans ma voiture, j’ai appelé Eric Garcin :« Coach, si c’était moi le coach principal, je le prendrais tout de suite. » » La carrière de Damien Da Silva vient d’arrêter de zozoter. À 22 ans, le jeune homme au léger cheveu sur la langue commençait à en douter.
DAMIEN DA SILVA
Né le 17 mai 1988 à Talence (France)Défenseur
Clubs : Chamois Niortais (2005-2009), Châteauroux (2009-2010), FC Rouen (2011-2013), Clermont (2013-2014), Stade Malherbe Caen (depuis 2014)
Da Costa concorda
Avant de signer au FC Rouen, en National, Da Silva était dans l’impasse à la Berrichonne. « À Châteauroux, il a été recruté par le directeur sportif. Quand Damien est arrivé, le coach (Dominique Bijotat, à l’époque, N.D.L.R.) lui a dit qu’il ne le connaissait pas » , explique son pote Emmanuel Imorou. Pas mieux avec les successeurs, Jean-Pierre Papin – qui ne faisait que passer – et Didier Tholot. Avec à peine neuf apparitions sur les pelouses de Ligue 2 sur une saison et demie, Da Silva joue davantage en CFA. On lui propose même le brassard de l’équipe réserve. Très peu pour lui. Alors, va pour le FC Rouen. « On valide son prêt en janvier 2011, et à partir de là, il a mis tout le monde d’accord » , certifie Da Costa qui, quelques mois plus tard, va prendre les manettes de l’équipe première rouennaise.
Da Costa et Da Silva sont liés par leurs origines au nord du Portugal et un crush pour le FC Porto. « Je m’amusais à lui parler en portugais à l’entraînement, raconte celui qui entraîne désormais Quevilly-Rouen Métropole en Ligue 2. À l’époque, il le comprenait, mais ne le parlait pas trop. C’était touchant. » Damien Da Silva est né d’un père portugais et d’une mère française à Talence, dans la petite couronne bordelaise.
L’adolescent passe ses étés au Portugal, où il a acquis depuis sa petite réputation. « J’y suis allé à Noël, confiait-il en février 2015 à Sud-Ouest,et mon oncle là-bas, dès que je me promenais avec lui et qu’on croisait quelqu’un dans le village, il disait :« C’est mon neveu, il joue en Ligue 1 ! »Tout le monde me connaissait dans le village alors que ça faisait sept ans que je n’y étais pas allé. »
Le Das’ parle avec les yeux
Formé pendant près de dix ans chez les Girondins de Bordeaux, le jeune homme est poussé vers la sortie à 16 ans. Une première cicatrice. Alors, ce grand timide rebondit chez les Chamois niortais, où il découvre rapidement la Ligue 2. À 18 ans, le « Das’ » est même sélectionné en équipe de France U19, mais il va ensuite ronger son frein jusqu’à son transfert au FC Rouen. « À partir de Châteauroux, j’ai le profond sentiment qu’il a toujours fait des super choix de carrière, note Da Costa. S’il n’y avait pas eu le dépôt de bilan (en 2013, la DNCG relègue le FC Rouen en DH, N.D.L.R.), il serait resté chez nous parce que c’était le chouchou de tout le monde. » D’ailleurs, quand Didier Ollé-Nicolle, le successeur de Da Costa à la tête de l’équipe rouennaise en 2012, veut en faire son capitaine, cette fois, Da Silva accepte avec fierté. Et, lorsque le FC Rouen dégringole, Da Silva se trouve un point de chute à Clermont. « Dès qu’il est arrivé, je savais qu’il allait jouer, assure Régis Brouard, qui l’a installé comme titulaire en L2. Il n’y a rien d’exceptionnel dans ce qu’il fait – à la différence que maintenant, il est capable de marquer des super buts –, mais il dégage du calme et de la sobriété, il ne précipite jamais les choses. »
Dans un vestiaire, Da Silva n’est pas du genre à ouvrir sa bouche à tort et à travers. Des fois, le défenseur se contente de parler avec ses yeux, comme l’illustre Brouard : « On expliquait quelque chose tactiquement, et rien que dans son regard, il me faisait comprendre :« Vous n’avez pas besoin de m’expliquer ça, coach. Je sais. Merci de me l’avoir dit, mais j’ai compris. » » Une fois le palier du National puis de la Ligue 2 franchis, il s’agit de s’attaquer à la Ligue 1. Retour en Normandie à l’intersaison 2014. Da Silva signe au Stade Malherbe. En vérité, Caen lui faisait déjà des courbettes l’été précédent, mais l’homme s’en était tenu à la parole donnée à Régis Brouard.
Il a pas dit bonjour
Rémy Vercoutre se marre quand il songe à leur arrivée commune à l’hôtel la veille de la reprise de l’entraînement avec leurs nouveaux coéquipiers. « Damien n’avait pas osé me dire bonjour. Il se disait qu’il n’était pas connu, il complexait un petit peu, c’était rigolo. Ça lui faisait bizarre de rentrer dans le monde de la Ligue 1. » Pour autant, et malgré les résultats compliqués du promu, Da Silva s’impose tout de suite dans l’équipe caennaise. « Alain Caveglia m’avait dit que ça allait être la révélation de notre équipe, et ça l’a été » , reprend Vercoutre, toujours précédé du capitaine et suivi de Da Silva au moment d’entrer sur le terrain.
Entre le gardien et le pilier de la défense s’est nouée une relation d’amitié franche, arrosée quelquefois d’un bon verre de rouge la semaine et pimentée à souhait le samedi soir. « À peu près à chaque match, il nous arrive de nous pourrir, avoue le portier. Des insultes, ça arrive :« Tu me fais chier » – « Ferme ta gueule »… Il a besoin que je sois toujours derrière lui, et lui ne se prive pas quand j’en dis trop. Une fois sortis du terrain, il n’y a pas de problème. » En clair, quand Vercoutre s’emporte sur le terrain, Da Silva a le cran pour répliquer, et Vercoutre apprécie.
Du haut de son mètre 84, Da Silva n’a pas son pareil dans le duel aérien. Impérial pour écarter le danger dans sa surface, le défenseur a déjà planté quatre buts de la tête cette saison en Ligue 1. Mais son chef-d’œuvre reste ce missile téléguidé dans la lucarne de Benoît Costil il y a trois ans, qui lui a valu une nomination aux trophées UNPF. D’ailleurs, avant la cérémonie, Da Silva avait mis toutes les chances de son côté… « Il m’avait envoyé des photos pour avoir mon aval sur son costard, il avait choisi un bleu marine très élégant, malheureusement il n’a pas reçu le prix » , regrette le conseiller mode Vercoutre.
Les Chamois et les 4 Fantastiques
S’il y a quelqu’un qui mesure le chemin parcouru de l’adversaire, devenu coéquipier et resté ami proche, c’est Emmanuel Imorou. Il fut un temps où l’ancien latéral gauche caennais était attaquant à Châteauroux en U18 et marquait des buts face à Da Silva, alors chez les Chamois niortais. Les deux hommes se sont retrouvés à Clermont, puis Caen. « Avec Adéoti et Appiah, on nous appelait les 4 Fantastiques. On est les mêmes types, simples, posés.(…)Damien, c’est un des joueurs que j’ai connus qui a le plus progressé, admire Imorou. Il a atteint une dimension… En Ligue 1, il n’y a pas beaucoup de défenseurs meilleurs que lui si t’enlèves le top 4. Et encore, à Marseille, il joue tous les jours ! » Mis à part Kylian Mbappé, rares sont en effet les adversaires qui ont mis à l’amende le taulier de la défense caennaise.
À la fin de la saison, Da Silva va très probablement mettre les voiles du Stade Malherbe. On annonce un intérêt du Benfica et du Sporting. En fin de contrat à Caen, le défenseur se verrait bien dans un grand club portugais pour se rapprocher de son rêve : la sélection du Portugal. Régis Brouard ne se fait pas de soucis : « C’est le type de joueur qui s’adapte au niveau. On dit souvent ça des joueurs offensifs, mais très rarement des joueurs défensifs. Mais vous le mettez dans un match de DH, il va se mettre au niveau DH. Vous le mettez dans une équipe qui joue la Coupe d’Europe, il va s’adapter à la Coupe d’Europe. Il a cette faculté en lui. » Emmanuel Da Costa a eu bien raison de sacrifier une journée dans sa BMW.
Par Florian Lefèvre
Tous propos recueillis par FL, sauf mention.