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Thiago Alcántara, le lapin de Klopp

Par Maxime Brigand
Thiago Alcántara, le lapin de Klopp

Baladé entre les postes lors de sa première saison à Liverpool et à la lutte avec d’énièmes problèmes physiques, l’international espagnol a fini par s’imposer au carrefour des circuits des Reds et par devenir la pièce permettant à Jürgen Klopp de ficeler la version 2.0 de sa machine anglaise.

On appelle ça un « Thiago moment » . Il en existe aujourd’hui des paquets, que l’on range au fond des malles à souvenirs ou que l’on échange entre collectionneurs. Le dernier en date, l’homme à la tête de ce mouvement l’a construit avec sa cheville droite, mercredi dernier, au beau milieu de la deuxième période d’une demi-finale aller de Ligue des champions où Liverpool a fait passer Villarreal dans la machine à laver de son jeu sans ballon total (contre-pressing féroce, domination aérienne de la paire Van Dijk-Konaté, grande lecture des situations de Fabinho, réduction du nombre de fautes commises en seconde période pour augmenter le tempo de la rencontre). On jouait la 65e minute, les Reds menaient déjà 2-0, mais Thiago Alcántara avait encore quelques idées à partager avec Anfield. On l’a alors vu être trouvé en plein cœur du camp adverse, alerté par Trent Alexander-Arnold, puis se tourner sur un pas pour solliciter Luis Díaz un cran plus haut, chassé de près par deux guêpes (Juan Foyth et Étienne Capoue). Coincé, le Colombien s’est ensuite appuyé sur son pote mixologue, qui s’est amusé à dégainer une transversale à la trajectoire délirante du bout de l’extérieur en direction d’Andrew Robertson, lancé dans un couloir dépeuplé jusqu’à ce que Giovani Lo Celso ne vienne montrer le bout de son nez pour sauver Villarreal d’un énième centre brûlant. Derrière, Thiago Alcántara, short remonté sur le haut des cuisses, s’est replacé comme si de rien n’était.

À cet instant, on a repensé aux dernières confessions estivales de l’international espagnol, livrées à cinq médias européens, dont L’Équipe. L’ancien joueur du Barça venait de disputer sa première rencontre de l’Euro face à la Suède (0-0) et avait évoqué, entre autres, sa haine du football moderne. Précisions : « On voit moins d’actions magiques. Il n’y a plus besoin de faire autant de dribbles qu’avant, car les joueurs sont plus rapides, plus physiques. Ils sont plus développés à tout point de vue, mais aujourd’hui, il te manque ces joueurs différents, qui peuvent t’apporter des moments de respiration dans le jeu. (…) Le foot est un sport collectif. Si le collectif fonctionne, vous n’avez pas besoin de cette magie. Quand l’équipe est très bien préparée, vous savez les mouvements que vous devez faire, les passes que vous devez donner, comment vous devez défendre… mais quand tu n’as pas reçu le ballon comme tu le souhaitais ou que tu as un mauvais angle de passe, il faut savoir improviser. C’est ça la magie dont je parle. » Celle qui le pousse à souvent repenser à un conseil un jour prononcé par son père – Mazinho, champion du monde avec le Brésil en 1994 – : « Il faut prendre du plaisir avec responsabilité. » Tout Thiago Alcántara est dans ces mots.

« C’est un joueur exceptionnel… »

Le numéro 6 de Liverpool est un survivant de son époque. Un joueur rare, épris de jeu et de ruptures en tous genres, que deux des meilleurs entraîneurs de leur époque se sont arraché pour une raison, d’abord formulée par Pep Guardiola lorsqu’il avait réussi à faire venir avec lui au Bayern en 2013 celui qu’il avait vu être formé auparavant à La Masia : « La première recrue que j’ai souhaitée est Thiago, car il peut jouer 6, 8, 10, 11, 7. Il peut jouer trois ou quatre postes et sera utile dans chacun d’eux. C’est un super joueur. » Jürgen Klopp, qui a demandé à ses dirigeants de le recruter lors de l’été 2020, quelques semaines après l’avoir vu marcher sur le PSG en finale de la Ligue des champions, fonce également dans ce sens : « C’est un joueur exceptionnel. Je le savais avant qu’il arrive ici. Il n’a d’abord pas eu de chance avec les blessures, mais quand il est en forme, il aide à donner du rythme au jeu. Il a l’œil pour ça, le calme qu’il faut, une vue d’ensemble sensationnelle… Sa première touche est également incroyable. »

Le début d’aventure anglaise de Thiago Alcántara, marquée par les énièmes pépins de la vie du milieu de poche (il a été absent 193 jours depuis son arrivée en Angleterre), de nombreux changements de poste (souvent liés aux autres pépins en cascade de l’effectif qui ont notamment poussé Klopp à installer Fabinho en défense centrale et Thiago en 6) et certaines critiques sévères d’anciens joueurs de Liverpool (Barnes et Hamann en tête), n’a pourtant pas été un fleuve tranquille. Puis, après avoir manqué la quasi-intégralité des sommets lors des premiers mois chez les Reds, le natif de San Pietro Vernotico a inversé la courbe. Cette saison, un chiffre dit beaucoup de choses : Thiago Alcántara a commencé 15 rencontres de Premier League avec Liverpool pour un bilan de 14 victoires et 1 nul – contre Manchester City (2-2) -, mais aussi 43 buts marqués pour les Reds et seulement… 4 buts encaissés. En tant que titulaire, l’Espagnol n’a connu la défaite cette saison que face à l’Inter (0-1), mais il a surtout trouvé son terrain d’expression dans l’animation, lui qui, aligné relayeur gauche dans le 4-3-3 de Klopp, décroche presque systématiquement pour prendre le contrôle de la machine et laisse Robertson grimper librement dans son couloir, là où Jordan Henderson va plus généralement se balader un cran plus haut entre les lignes.

Mise en lumière de la zone d’expression favorite de Thiago, qui vient se glisser, en phase de construction, à gauche de Virgil van Dijk, alors que Robertson grimpe dans son couloir…

C’est notamment de cette zone qu’on l’a vu lancer face à Arsenal, Diogo Jota dans un espace ouvert par Sadio Mané.

C’est aussi dans cette zone qu’on l’a vu briller face à Manchester United.

Roi des centimètres

La fin du processus d’intégration de Thiago Alcántara a été le cadeau attendu pendant plusieurs mois par un Jürgen Klopp qui n’a jamais caché la nécessité de rester « imprévisible » pour pouvoir rester au sommet. Il faut ici saluer l’excellence du technicien allemand, qui a su convaincre l’intégralité de son groupe qu’il était désormais possible de gagner autrement, avec une autre approche, un autre contrôle, un autre guide. Hier, le cœur de Liverpool s’appelait souvent Roberto Firmino et les latéraux étaient les poumons de l’animation offensive. Le cœur s’appelle aujourd’hui Thiago Alcántara, maître pour accélérer le rythme, pour faire tomber un rein adverse sur sa première touche, pour changer l’orientation du jeu, casser des lignes, mettre le ballon où il le souhaite pour le bien du collectif, mais aussi pour briser les transitions adverses (face à Villarreal, il a, par exemple, récupéré autant de ballons que Fabinho et Henderson réunis). Les poumons, eux, se sont multipliés. Les matchs contre l’Inter, Arsenal, Watford, Benfica, Manchester City, Manchester United, Everton et Villarreal ont été en ce sens des expositions et la confirmation qu’en acceptant de recruter pour une fois un produit fini là où ses dirigeants ont pris l’habitude de miser sur des potentiels à faire mûrir, Liverpool a pris une dimension encore supérieure.

Carte de la zone d’action de Thiago Alcântara face à Villarreal (sens du jeu de la gauche vers la droite).

En paix avec son corps, Thiago Alcántara, dont la tête est « toujours sur un pivot, ce qui lui permet de savoir exactement ce qui se passe autour de lui au centimètre près » selon Nathaniel Phillips, s’est aussi familiarisé avec son environnement, a vu l’ensemble qu’il doit faire tourner retrouver sa force défensive, et a serré quelques boulons (l’international espagnol a notamment fait baisser son nombre de fautes – de 2,52/match la saison dernière en Premier League à 1,46 – et n’a pris que trois cartons jaunes toutes compétitions confondues en 2021-2022). Son rôle de liant, d’expert des micro-espaces et des passes invisibles pour les autres membres de son espèce se marie surtout à merveille avec la rigueur de Fabinho. L’un est la glace, l’autre est le feu, mais les deux hommes sont à la base des cyclones provoqués par la version 2.0 du Liverpool de Klopp : un Liverpool qui sait jouer tous les scénarios et ne laisse toujours respirer personne. Un Liverpool qui a su se réinventer pour se maintenir sur les hauteurs grâce à un lapin sorti du chapeau du magicien Klopp et qui ne laisse plus tomber la moindre miette. Pendant ce temps-là, la collection de « Thiago moments » ne fait que s’enrichir.

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