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They believe they can fly
Comme lors de son quart de finale face à Paris, Manchester City et son maillot floqué Etihad affrontent ce soir un adversaire estampillé Emirates. Deux compagnies pour un même pays, les Émirats arabes unis, mais deux façons différentes de concevoir le partenariat sportif.
Les joueurs de Wolfsburg peuvent s’en vouloir d’avoir perdu ce quart de finale. Après un match aller en boulet de canon, ils ont laissé les Madrilènes leur rouler dessus au match retour. Et pourtant, ce sont bien eux qui ont un gigantesque VW sur le torse, un logo Volkswagen sur lequel ils ont une vue parfaite en baissant la tête pour rentrer au vestiaire. Les gars de Zizou, eux, s’envolent vers le tour suivant, tuniques Fly Emirates sur les épaules, retrouver les soldats mancuniens de la compagnie rivale Etihad Airways.
La première, Emirates, est de loin la plus grosse compagnie aérienne du Moyen-Orient. Près de 250 avions pour faire voyager quelques dizaines de millions de passagers par an, le tout basé à Dubaï, l’un des sept émirats qui composent les Émirats arabes unis. Mais le voisin d’Abu Dhabi, le plus riche de tous les émirats et dont la ville principale est la capitale de cet État fédéral, sait aussi s’envoyer en l’air. Avec ses vols vers les cinq continents et son marketing aussi agressif que celui d’Emirates, la compagnie abudhabienne Etihad pèse et veut se montrer à son avantage sur les terrains de foot, au même titre que son ogre de concurrent.
Une histoire de gros cheikhs
Derrière ces partenariats, il y a bien entendu des histoires de grosses mains serrées, de gros sourires échangés, de grosses tapes dans le dos et surtout de gros sous envoyés par-ci par-là. En 2011, trois ans après le rachat de Manchester City par le cheikh Mansour d’Abou Dhabi et son associé Khaldoon al Mubarak, homme d’affaires du même émirat, le partenariat entre Abou Dhabi et les Sky Blues prend un nouveau tournant avec le naming du stade. Khalass le City of Manchester Stadium, Salam au Etihad stadium. Un contrat de 10 ans pour près de 100 millions de livres, qui donne également droit à la compagnie d’envahir les maillots et équipements de l’équipe. Avec, en bonus, l’ouverture d’une ligne aérienne Abu Dhabi-Manchester.
Garry Cook, alors directeur général de City, ne cache même pas qu’il ne s’agit que d’une affaire de billets : « En plus de fournir des revenus importants au club à une étape clé de son évolution, l’accord ouvre des opportunités très excitantes pour nos deux organisations qui vont coopérer encore plus intensément commercialement, médiatiquement, et prendre d’autres initiatives communes dans le futur. » Et si, pour l’instant, aucun émirat n’a osé toucher au sacré Santiago Bernabéu ni n’a envisagé de racheter le Real, Florentino Pérez a tout de même mis un pied dans la porte au moment de remplacer le sponsor Bwin en mai 2012.
La Décima d’Emirates
Le site de paris sportifs offrait 20 millions d’euros par an au Real ? Le patron d’Emirates, le cheikh dubaïote Ahmed bin Saeed Al Maktoum en rit doucement. Il aligne près de 30 millions pour un contrat de 5 ans, et obtient le droit d’imprimer le nom de sa compagnie sur les abdos de Cricri. Emirates est présent dans les cinq grands championnats, et là aussi, on ne fait même pas semblant d’avoir signé pour autre chose que des dirhams. Le cheikh Al Maktoum, au moment de la signature : « L’alliance avec le Real Madrid nous aide à faire grandir le message de notre marque. (…) Le club est un élément clé pour notre croissance et pour nos affaires en Espagne. »
En face, Florentino Pérez sert la même soupe : « Cet accord est très important sur le plan stratégique. Nous voulons que le Real Madrid soit fort sur le plan économique, et Emirates est la compagnie aérienne la plus importante du monde. » Du côté des fans, on n’est pas dupe, même si certains aiment rattacher l’arrivée d’Emirates aux exploits sportifs du Real au même moment. Hani, fanatique du Real Madrid vivant à Dubaï, aime penser que « la saison qui a suivi a été exceptionnelle. La première année avec Emirates, on a eu laDécima! Donc ils nous ont apporté du bien, ça a fait gagner de l’argent au club, et c’est un lien avec cette belle saison » , avant d’ajouter « ils sponsorisent d’autres équipes, mais le plus important, c’est le Real Madrid » .
Un Disney Land pour Florentino
À l’époque, Pérez ne comptait pas s’arrêter là. Homme de folies, le président merengue a alors en tête un projet démentiel pour développer le Real aux Émirats : un parc d’attraction de 50 hectares consacré au club, qu’il veut construire sur une île artificielle dans l’émirat de Ras al-Khaimah. Au programme, un stade de 10 000 places, une marina en forme d’emblème du Real, des hôtels, un parc aquatique, des manèges… Une extravagance annulée en 2013 pour manque de finances, même si en 2014, Pérez annonçait qu’il avait encore un espoir de mener ce projet à bien.
À l’été 2015, les joueurs du Real ont aussi créé une mini-polémique en utilisant un A380 de la Malaysian Airlines pour leur tournée en Australie, un affront vite réparé par la mise en circulation d’un A380 Emirates repeint aux couleurs du Real. Le partenariat se porte donc bien. Et là où Etihad et Abou Dhabi mènent à Manchester une politique de rachat global du club et de son stade, à Madrid, Emirates se contente de sponsoring, et de faire tourner quelques pubs à Ronaldo, même si Pérez a déjà évoqué l’idée du naming pour Bernabéu. Hani, lui, est heureux de retrouver sur son écran à chaque fois qu’il voyage sur Emirates « un documentaire sur le Real. Ça n’apporte pas grand-chose aux fans du club, on connaît déjà ce qu’il y a dedans. Mais ça passe le temps, et ça fait du bien. » Il a déjà travaillé pour Air France, qui n’a aucune politique sportive. Et si un jour Qatar Airways, partenaire de Barcelone, lui proposait un emploi pour lequel il devrait participer à un événement pour le Barça ? « Ça, c’est pas un job, c’est de l’esclavage ! » Ce n’est pourtant pas le genre des Qataris…
Par Alexandre Doskov