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Theódoros Zagorákis peut-il sauver le football grec ?
Le capitaine de la sélection championne d’Europe 2004, Theódoros Zagorákis, a été élu à la tête de la Fédération hellénique de football. Avec la lourde tâche d’assainir un milieu rongé par les scandales, et de redresser un sport national en chute libre.
Repoussées, contestées, aménagées… Longtemps, on a cru que les élections de la Fédération hellénique de football seraient indéfiniment renvoyées aux calendes grecques. Elles se sont finalement tenues ce samedi 27 mars, en ligne et sans suspense. Avec 66 voix sur 68, Theódoros Zagorákis a été élu président de la Fédération au cours d’une élection à l’issue attendue. Son seul concurrent au poste avait déposé une candidature pour la forme avant de la retirer, annonçant qu’il soutenait lui aussi l’ancien capitaine de la sélection.
Theódoros Zagorákis succède ainsi à Evangelos Grammenos, en poste depuis 2017 et dont le bilan ne restera pas gravé dans le marbre du Parthénon. « Nous avons mis en place un plan, et nous avons l’intention de le voir aboutir. Dans ce plan, tout le monde est indispensable. J’invite donc toutes les personnes engagées dans le football à se joindre à nous », a publiquement déclaré « Theó » Zagorákis, à la suite de sa nomination.
Dédale de scandales
Le plan du capitaine devra être plus ambitieux qu’un sombrero sur Lizarazu et plus technique qu’un centre sur la tête de Charistéas pour assainir un football gangrené par la violence, les matchs arrangés, la corruption et un niveau indigent. Autant d’ingrédients qui font, depuis des années, couler le navire grec. Car pour avoir volé trop près du soleil, la Grèce a fini par se brûler les ailes. Incapable de s’appuyer sur son sacre à l’Euro 2004 pour bâtir le football de demain et phagocyté par des luttes de pouvoir entre puissants patrons de clubs (par ailleurs hommes d’affaires et de médias), le pays a fini par sombrer dans les limbes d’un sport vidé de sa substance. Sur les quinze dernières années, un arbitre a été tabassé, un autre a vu sa boulangerie exploser, un président est descendu sur le terrain arme à la ceinture, les supporters ont été interdits de déplacement, les finales de coupe se sont transformées en terrains de fight entre hooligans et deux procès fleuves pour matchs truqués ont échoué. Rien que ça.
Liste non exhaustive, mais significative d’un climat toxique dans un pays où la logique clanique et les petits intérêts personnels prennent souvent le pas sur le bien-être collectif. La menace d’un Grexit – l’exclusion de la sélection et des clubs grecs de toutes compétitions – agit comme un serpent de mer, et les instances internationales avaient décidé la mise en place d’un comité de normalisation du football grec en octobre 2016. Sans succès. Cinq ans plus tard, la mission FIFA/UEFA a quitté le pays sans parvenir à mettre un terme aux luttes d’influence où chaque acteur est sommé de choisir un camp et où les alliances varient selon la réalité du moment. Zagorákis devra donc réussir à pacifier le milieu et à unir autour de lui, pour refaire du football grec un terrain de jeu ambitieux et attractif. Il devra également redonner du lustre à une sélection tombée à la 53e place au classement FIFA (derrière l’Irlande du Nord, l’Iran ou encore la Jamaïque), absente des grandes compétitions internationales depuis 2014 et qui a usé six sélectionneurs ces six dernières années.
Les mille travaux de « Theó »
Zagorákis porte cependant un espoir niché dans les souvenirs d’un été mythique, où le « bateau pirate » grec fendait la mer portugaise dans une odyssée jamais égalée. Capitaine de la sélection victorieuse de l’Euro 2004 et meilleur joueur du tournoi, « Theó » est entré dans la légende en soulevant le plus beau trophée du football grec dans le ciel de Lisbonne. Le point d’orgue d’une carrière sans faste, mais honorable et commencée au FC Kavala puis terminée au PAOK (son club de cœur). Il aura également porté les couleurs de Leicester, de l’AEK Athènes et de Bologne. Toujours attiré par les responsabilités, Zagorákis embrasse ensuite une carrière de dirigeant dès sa retraite sportive actée en 2007. Il devient la même année président du PAOK, fonction qu’il occupera à deux reprises (de 2007 à 2009, puis de 2010 à 2012) jusqu’à sa démission provoquée par un conflit avec les supporters du club. Il profite alors de sa notoriété pour intégrer le parti conservateur de la Nouvelle Démocratie et devient député européen en mai 2014, avant d’être réélu pour un second mandat en 2019.
Mais les remous du foot grec n’étant jamais loin, il entre en conflit avec le gouvernement de sa propre majorité à l’hiver 2020 (sur fond de bataille juridique entre le PAOK et l’Olympiakos) et se retrouve exclu de son parti. S’opposant publiquement à la menace de relégation de son club de cœur dans le cadre d’une enquête pour propriété multiple, pratique interdite dont était accusé le président du PAOK, Theódoros Zagorákis se retrouve en première ligne des conflits de clubs. Désormais à la tête de la Fédération, saura-t-il s’élever au-dessus de la mêlée et faire passer l’intérêt collectif avant celui d’un club ? Dans sa mission, l’homme aux 120 sélections ne pourra pas compter sur ses anciens coéquipiers de l’Ethnikí. Charistéas, Kafés, Seïtarídis et Papadópoulos, pourtant auréolés d’expériences internationales et d’un passé d’anciens joueurs professionnels, ont en effet échoué à se faire élire au comité exécutif de la Fédération. Comme un indice sur les possibilités d’un profond changement au sein des instances nationales, et une preuve que la véritable renaissance du football grec pourrait attendre encore un peu.
Par Alexandros Kottis