- International – Équipe de France
Theo Hernández, téléphone maison
Séduit dans un bar d'Ibiza par Paolo Maldini au début de l'été 2019, Theo Hernández est arrivé, un peu plus de deux ans plus tard, là où il rêvait d'être : chez les Bleus et à la gauche de son frère dans un onze. C'est aussi là qu'on devrait le voir débouler dimanche, à Milan, où il a définitivement changé de statut, pour affronter l'Espagne, le pays où il a grandi, en finale de la Ligue des nations. Le destin est parfois coquin.
Un souvenir de l’été 2019, d’abord : Theo Hernández, 21 ans, est assis à la table d’un bar d’Ibiza, au beau milieu de ses vacances. Face à lui, Paolo Maldini et ses près de 650 matchs disputés sous le maillot du Milan. « On a tout de suite accroché », soufflera quelques mois plus tard à L’Équipe la nouvelle mobylette tricolore au sujet du rendez-vous avec « un mythe » devenu dans la foulée son N+2 au Milan. « C’est probablement le plus grand joueur à mon poste. Nos discussions m’ont montré qu’il me connaissait bien. Quand Paolo Maldini vous recrute, ça vous file quand même de la confiance ! » Hernández n’est alors qu’un petit poisson dans l’océan qu’est le foot pro, mais un espadon appelé à un jour glisser son rostre aux côtés de son frère aîné, Lucas, devenu champion du monde avec les Bleus en Russie, où il avait aussi fini planté dans un sapin. Un peu plus de deux ans plus tard, voilà le tableau : boosté par Stefano Pioli, Theo Hernández est devenu un type qui pèse en Italie, que son entraîneur estime capable de devenir « une référence mondiale » à son poste et qui a naturellement fini par débouler en équipe de France avec la même banane contagieuse que son frangin. Lui aussi doit, au départ, une grosse partie de sa vie au foot espagnol et aurait même dû, à en croire certains, crever l’écran bien avant Lucas.
Voilà ce que ce dernier en a dit, un jour, au Journal du dimanche : « Theo était plus fort que moi. C’est d’ailleurs pour ça que l’Atlético l’a pris avant de me prendre. Comme je suis très têtu, c’est mon travail qui m’a permis de le rattraper. Sportivement, nous sommes très proches. C’est mentalement que je suis mieux préparé. Lui, les sorties, les voitures, ça peut encore le perturber… Normal, il est plus jeune. On en parle souvent ensemble, car tout ça m’a aussi tenté. Comme nous avons grandi sans père, j’ai été un peu le sien. » Cette prise sous l’aile n’aura pas empêché Theo de préférer des vacances à Málaga à une sélection chez les Espoirs au printemps 2017 ou de fêter ses 20 ans avec des nains habillés d’un maillot du Real et déguisés en policier, mais le bonhomme a depuis tracé sa route et a pris du plomb dans le crâne tout en conservant une forme de fraîcheur dans un jeu qu’il a su affiner en Italie. Cerise sur le gâteau : c’est justement à Milan qu’il a rendez-vous, dimanche, avec l’Espagne, pour disputer la finale de la Ligue des nations, où il a envoyé les Bleus jeudi soir en sortant un missile décisif dans les arrêts de jeu de la demi-finale face à la Belgique (3-2).
Attendu dans son salon
Au San Siro, sa « maison », Theo Hernández, élu meilleur latéral gauche de Serie A la saison dernière, devrait de nouveau s’arracher comme un chien sur chaque ballon et multiplier les sprints dans son couloir, ce qu’il n’a pas vraiment réussi à faire à Turin avant son but. Avant l’explosion finale, cette deuxième sélection, qui a suivi une première bien plus convaincante face à la Finlande (2-0) en septembre, n’aura en effet pas été la meilleure rencontre de la carrière d’un joueur qui découvre encore le rôle de piston. Preuve en est : face à la Belgique, il a été le joueur de champ titulaire qui a touché le moins de ballons (45) et n’a tenté que deux centres (contre six face à la Finlande et 78 ballons touchés). Il s’est malgré tout accroché et a montré le bout de son nez au meilleur des moments pour valider son intégration. Contre l’Espagne, son rôle avec et sans ballon, si Didier Deschamps décide de conserver le même système, sera clé, et il sera évidemment attendu, d’autant plus face à une nation dont il a repoussé les avances par le passé. « J’ai toujours voulu jouer pour la France, a-t-il justifié vendredi soir, face à la presse. Je suis né en France, c’est mon pays. L’Espagne m’a voulu à un moment, c’est vrai, mais je n’ai toujours pensé qu’aux Bleus. » Et ce, depuis plusieurs mois, Theo Hernández multipliant les sorties dans la presse en affirmant « attendre » une convocation chez les A, sans doute impatient d’y rejoindre Lucas et de prouver qu’il pouvait calquer ses bonnes copies milanaises en équipe de France. Cette finale de Ligue des nations peut être un bel endroit pour valider les essais et la confiance offerte.
Par Maxime Brigand, à Milan