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The French Tuchel
Depuis ce lundi, la rumeur ne cesse de se répandre comme une traînée de poudre : Thomas Tuchel serait bel et bien le successeur d’Unai Emery sur le banc du Paris Saint-Germain la saison prochaine. Réputé pour sa discipline inflexible, l’ancien coach du Borussia Dortmund tient-il les clés d’une future réussite parisienne sur la scène européenne ?
Deux années de contrat, plus une troisième en option. Une décision prise par l’émir du Qatar lui-même, validée par le président et le directeur sportif et qui ne devrait être officialisée que lorsque Paris sera sacré champion. Peut-être ce dimanche face à Monaco donc. Avec lui, son fidèle adjoint Arno Michels, le préparateur physique Rainer Schrey et l’analyste vidéo Benjamin Weber. Envolées les pistes Allegri, Conte et Luis Enrique. Et surtout, enterrée l’option du remplacement de Jupp Heynckes sur le banc bavarois. Lui qui, au mois de mars, disait que Tuchel avait « les qualités pour entraîner un club comme le Bayern » devra encore patienter avant de voir sa prophétie se réaliser. Pour Karl-Heinz Rummenigge, le fait était déjà acquis la semaine dernière lorsqu’il déclarait sur Sky : « Il nous a fait savoir qu’il avait déjà signé avec un autre club. Mais ce n’est pas un problème pour nous. » Les supporters parisiens doivent-ils se réjouir d’avoir décroché la timbale ?
Boulangerie, cocktail et lever de soleil
Thomas Tuchel a des airs de Julian Nagelsmann, coach de Hoffenheim qui, malgré ses dix ans de moins, présente un profil assez similaire : grand, maigre, un visage de monsieur Tout-le-Monde et surtout, une carrière de joueur insignifiante, achevée dans la douleur au SSV Ulm en 1998. Durant les trois ans qui suivent, Tuchel cherche à rompre avec ce qui s’apparente à un rêve de gosse brisé. À Ulm, il travaille de nuit chez un boulanger, puis bouge à Stuttgart, la capitale du pays souabe dont il est originaire, où il devient barman. C’est en mixant des cocktails qu’il a une révélation : celle d’entamer une formation d’entraîneur. Un parcours qui débute sitôt son diplôme en finances d’entreprise en poche. Après avoir fait ses classes dans les équipes réserves du VfL Stuttgart et du FC Augsbourg, il débarque à Mayence en 2008 et prend les rênes de l’équipe première un an plus tard. Meneur d’hommes, il apprend à canaliser ses excès de colère, n’hésitant pas à rappeler que son père l’avait sermonné dans sa jeunesse, alors que Tuchel Junior venait de passer ses nerfs sur un pauvre gardien de but, coupable selon lui de la défaite de son équipe.
Tuchel comprend vite que la clé de la réussite réside dans un groupe soudé. C’est ainsi qu’il n’hésite pas par exemple à faire grimper une montagne haute de mille mètres à son groupe lors d’un camp d’été dans le Valais, dans le seul but d’admirer tous ensemble un lever de soleil. Voilà comment Tuchel s’y prend pour souder ses hommes. D’un promu en Bundesliga, l’Allemand transforme Mayence en club européen, avec des moyens bien en deçà de cadors comme le Borussia Dortmund, où officie alors son prédécesseur Jürgen Klopp, à qui il est souvent comparé, et dont il prendra la succession lorsque ce dernier partira en 2015. En matière de modèle, Thomas Tuchel préfère évoquer Pep Guardiola, qu’il a connu lors du passage du Catalan sur le banc du Bayern et dont il loue volontiers les prouesses tactiques. Un domaine dont il s’est lui-même fait le chantre, n’hésitant pas à changer de schéma en cours de match afin de s’adapter à l’adversaire en direct, ou à étudier l’apport des sciences mathématiques au terrain et rendre son jeu encore plus offensif et tourné vers l’avant.
Un pari risqué
À Mayence comme à Dortmund, l’histoire s’est mal terminée entre le natif de Krumbach et sa direction. Son fort caractère, que certains de ses joueurs qualifiaient parfois de « dictatorial » , peut aussi déplaire. Ainsi, lorsque le bus du BvB est la cible d’un attentat en avril 2017 avant le match de Ligue des champions contre Monaco, Tuchel souhaite reporter la rencontre, au regard du choc moral subi par ses hommes. Il n’en sera rien et l’inflexibilité du directeur général Hans-Joachim Watzke sera l’une des raisons de son remplacement par Peter Bosz en fin de saison. Qu’importe, Tuchel n’est pas rancunier. Plutôt que de chercher à rebondir par tous les moyens, il préfère, comme après son départ de Mayence, prendre une année sabbatique pour voir grandir ses filles, voyager, apprendre de nouvelles langues et tout simplement mûrir. Sa carte de visite se résume avant tout à son potentiel à la fois humain et tactique. Un peu à l’image d’un certain Unai Emery – dont le recrutement en 2016 avait fait débat chez les fans du PSG –, les titres en moins. Car malgré un honorable passage à Dortmund (2,12 points de moyenne en 107 rencontres), celui qui est aujourd’hui âgé de 44 ans pêche par son palmarès famélique. En dehors d’une Coupe d’Allemagne glanée l’année dernière avec Dortmund, point de trophée à exhiber à la face de potentiels employeurs.
Au-delà de ce palmarès maigrelet, Tuchel n’a encore aucune expérience à l’étranger et une connaissance sommaire de la langue française. Il lui faudra également se faire adopter par un groupe réputé pour ses individualités, à commencer par un Neymar jugé parfois ingérable. Mais un homme qui a survécu aux frasques de Pierre-Emerick Aubameyang a forcément de la ressource. Comme Zidane au Real Madrid, Tuchel aurait entre ses mains une équipe capable d’écraser sans pitié la concurrence au niveau national, mais chacun sait que l’objectif n’est plus de remporter une huitième Coupe de la Ligue. Sa probable venue est donc entourée d’une profonde inconnue, qui mêle le doute à la curiosité. Lorsqu’il était à Mayence, le président Harald Stutz disait qu’il avait « quelque chose que les autres n’ont pas » . À la demande du journal Die Zeit d’expliciter ce fameux « quelque chose » , Thomas Tuchel répondait en 2015 : « Je sais ce qu’il veut dire, mais je ne le révélerai en aucun cas. » Le feuilleton est loin d’être terminé.
Par Julien Duez