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The eye of Rüdiger
Ce mardi soir, Antonio Rüdiger retrouve un stade qu'il connaît bien en allant défier la Roma avec Chelsea. Là où il a passé un cap.
Il y a deux semaines à Stamford Bridge, Antonio Rüdiger entre à la 77e minute en lieu et place de Davide Zappacosta, histoire de calmer un match fou où il y a déjà 3-3. Face au Chelsea d’Antonio Conte se dresse l’ancien club de Rüdiger, la Roma. Et ses quelques supporters qui ont fait le déplacement. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne lui ont pas réservé l’accueil le plus chaleureux qui soit. Depuis, l’UEFA a ouvert une enquête, ayant repéré des insultes racistes à son encontre. La question sera traitée le 16 novembre par l’instance européenne. Une attitude qui peut inquiéter à l’heure où Antonio Rüdiger doit retrouver le Stadio Olimpico ce mardi soir. Lui qui croyait pouvoir être tranquille de ce côté-là en quittant la Serie A risque de devoir affronter une fois de plus de vieux démons.
« Hué, victime de cris de singe »
Les deux Antonio de Chelsea font en tout cas le choix de calmer le jeu depuis quelques jours. L’entraîneur des Blues dit se préparer à une atmosphère bouillante à Rome sans penser aux éventuels débordements. « Je ne sais pas s’il sera la cible de nouveaux abus. Le public romain est très passionné. En tout cas, Rüdiger a joué pour la Roma pendant de nombreuses années et il mérite d’avoir des applaudissements » , juge le coach italien. Le principal intéressé, qui concède se préparer à ce retour à Rome depuis le tirage au sort, va dans le même sens et préfère ne pas rajouter de l’huile sur le feu. « Je suis heureux d’aller à Rome et de jouer contre mon ancienne équipe parce que j’ai un grand respect pour ce club. J’ai passé deux merveilleuses années avec des hauts et des bas, des blessures. Ils étaient toujours derrière moi : les joueurs, l’équipe, le board et les fans » , tempère Rüdiger.
Pourtant, après son passage à Rome, Antonio Rüdiger aurait des raisons d’être nettement plus aigri envers la ville. Souvent pris à partie pour sa couleur de peau, il a notamment dû faire face aux déclarations puantes de Senad Lulić après un derby houleux remporté 2-0 en décembre 2016. « Rüdiger parlait déjà avant le match. Il y a deux ans, il était à Stuttgart à vendre des chaussettes et des ceintures, et maintenant, il fait le phénomène » , avait déclaré l’international bosnien de la Lazio. Déjà à l’époque, l’Allemand avait décidé de réagir avec classe et philosophie. Sans oublier toutefois de dénoncer ce contexte hostile en juin dernier, en pleine Coupe des confédérations. « Je joue en Italie, et parfois il y a des actes racistes malheureusement. Nous sommes en 2017, et cela ne devrait plus arriver. Il y a des affiches« Non au racisme »partout, mais rien ne change en Italie. J’ai déjà été hué, été victime de cris de singe. »
Revenir encore plus fort
Si Rüdiger parvient à contrôler ses nerfs depuis des années, c’est parce qu’il se nourrit de ces difficultés depuis le début de sa carrière pour progresser. Aujourd’hui, l’Allemand joue pour l’équipe de la banlieue la plus riche de Londres, mais il est né et a grandi à Neukolln, un quartier difficile de Berlin. Sierra-Léonais, ses parents se sont rencontrés dans la capitale allemande après avoir été contraints de fuir leur pays en 1991 à cause la guerre civile. Après huit ans à végéter dans le football amateur et dans les city-stades de Berlin, il intègre le centre formation d’un club pro relativement tard, à 15 ans. Au Borussia Dortmund, il est rapidement laissé sur le bas côté, pour, entre autres, des problèmes de comportement. « Il avait un tempérament fougueux. Il était régulièrement privé de matchs en raison d’une mauvaise discipline, de retard aux séances d’entraînement et d’autres choses comme ça » , raconte Markus Plog, son éducateur de l’époque, à Goal.
Après son échec à Dortmund, il se relance et s’impose à Stuttgart à seulement 19 ans, et tente alors d’exploser réellement à la Roma. Pari gagnant, puisque au bout d’une seule saison, Antonio Conte souhaite le faire venir à Chelsea. Sauf que le destin, et surtout son corps, en décide autrement. Une rupture du ligament croisé antérieur qui annule le transfert et le prive de l’Euro 2016 avec l’Allemagne. Tant pis, il se rattrape cet été en signant enfin à Chelsea et en remportant la Coupe des confédérations avec la sélection allemande. À l’heure de revenir au Stadio Olimipico, Rüdiger est fin prêt à affronter cette ville qui lui a finalement permis de se forger.
Par Kevin Charnay