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The Adelians : « Aller à Bauer, c’était une fête »
Figures de proue de la soul de Seine-Saint-Denis, les Adelians produisent une musique qui sent bon la sueur et le terroir bétonné du 9-3. Fidèles à leurs valeurs, les Montreuillois restent attachés au Red Star, le club de leur département. Et regrettent que ce soit moins le cas chez les jeunes générations.
Comment êtes-vous devenus fans du Red Star ?Quand on était gosses, on jouait pour le Red Star de Montreuil. Donc pendant les tournois, on était pour le Red Star, pas pour l’Élan sportif de Montreuil, l’autre équipe de la ville.
Alors qu’on ne savait même pas s’il y avait un lien entre le Red Star de Montreuil et celui de Saint-Ouen. Et en grandissant, on est restés supporters du Red Star, vu que c’est le seul club pro du 93. Et puis étant ados, on ne s’est jamais identifiés au PSG. À l’époque, c’était l’équipe des fachos. À la fin des années 80, tous les mecs avec qui on se tapait porte de Montreuil ou aux Halles, comme « Batskin » (Serge Ayoub, ndlr) et d’autres, étaient identifiés comme des fans du PSG. Aujourd’hui, pour des raisons différentes, on a toujours du mal à nous identifier à ce club, même si beaucoup de gamins de banlieue y arrivent.
Maintenant que le PSG a changé, qu’est-ce qui vous empêche d’aimer ce club ?Leur vision du foot, le projet qatari. Pour faire un parallèle avec la musique, notre label fonctionne comme une équipe. On fait de la soul de Seine-Saint-Denis parce qu’on vient de là. C’est notre terroir, là où on a grandi. Ce qui compte, c’est de réussir ensemble, plutôt que de monter un projet façon PSG en mettant plein de pognon. Le foot représente un lien entre nous, on est tous fans du club du coin, qui est donc le Red Star. Aujourd’hui, les gamins vont te dire qu’ils aiment le PSG, mais ce qu’ils aiment vraiment, c’est la thune. Ce sont juste des ultra-libéraux de banlieue qui n’ont pas les moyens de l’être. Quand on était gamins, être battus avec les honneurs était aussi valorisant que de gagner. Tu peux perdre en héros ou gagner en lâche.
Qu’est-ce qui caractérise la soul de Seine-Saint-Denis ?L’état d’esprit, principalement. On est des kiffeurs de soul depuis longtemps, même si on a commencé par le hip-hop. Et puis quand on était gamins, les grands du quartier écoutaient de la funk. Ensuite, c’est par le biais des samples dans le rap qu’on est allés vers le jazz-funk et la soul new-yorkaise des 60s. Pour revenir à la spécificité de la soul du 93, c’est comparable au Red Star, dont l’objectif est d’avoir une équipe constituée à 80% de joueurs formés au club, et qui fait beaucoup de social. Nous, on s’en fout de devenir très gros, mais on veut être fiers de ce qu’on fait. On veut mouiller le maillot, et n’avoir aucun regret. Notre éthique passe avant les buts.
Qu’est-ce que ça vous fait de voir le club du 93 jouer dans le 16e arrondissement de Paris ?
Personne n’est parfait ! Mais c’est anormal qu’un club ne puisse pas jouer dans son stade pour des raisons financières. Après, que le Red Star joue à Beauvais ou à Paris, pour nous, c’est pareil, ce n’est pas le 93. L’idéal, ce serait que l’équipe joue en Seine-Saint-Denis, avec une majorité de joueurs formés dans le département. Mais si ça ne se passe pas comme cela, ce n’est pas uniquement de la faute des dirigeants. Parmi les habitants, il n’y a plus cet attachement au département, cette solidarité qu’on a connue dans les années 80. Aujourd’hui, les gamins n’en ont rien à foutre de jouer pour le club local. Ce qu’ils veulent, c’est de la thune. Et on les comprend, il n’en ont jamais eu. Mais c’est bien de trouver un compromis entre les valeurs morales et les besoins matériels. Steve Marlet a su le faire. En revenant travailler pour le Red Star, le club qui l’a sorti de la merde, il rend une partie de ce que le club lui a donné.
Vous allez toujours au stade ?Non. De temps en temps au Stade de France pour voir jouer l’équipe de France, mais c’est rare. Et Jean-Bouin, c’est trop loin.
Quels souvenirs gardez-vous du stade Bauer ?Ludovic, l’organiste du groupe : J’y allais avec mon grand-père, quand j’étais gamin. Mon grand-père, avec sa casquette et son imperméable, c’était un peu la caricature de la France à l’ancienne, populo. Aller à Bauer, c’était une fête, tu passais toujours un moment agréable.
L’avantage d’avoir le Red Star en Ligue 2, c’est que vous pouvez le mater à la télé…Ouais, même s’ils galèrent un peu en ce moment. En fait, la L2, c’est une division remplie de clubs qui font tout le temps l’ascenseur, en gros. Quand tu vois qu’Auxerre est relégable… Et puis il y a Laval ! Dans les années 80, on était tous fans du Laval de Michel Le Milinaire. Metz, Laval, Sochaux, tous ces clubs qui pouvaient taper des gros en Coupe d’Europe, on adorait. En fait, ce qu’on aimait chez ces équipes, c’est que quand elles jouaient, elles « jouaient » . Elles pouvaient terminer 10es, c’était pas important, parce qu’elles avaient joué des matchs dont tu te souvenais, elles t’avaient procuré des émotions. Et c’est cette tradition qu’on aimerait que le Red Star perdure. Gagner la Coupe d’Europe, en vrai, on n’en a rien à foutre. Nos héros peuvent perdre, c’est pas grave.
Par Mathias Edwards
Retrouvez les Adelians sur scène :
Le 4 février à Amiens (Le Charleston)
Le 9 février à Paris (New Morning)
Le 3 mars à Epinay-sur-Seine (PMO)
Le 22 avril à Beaumont-sur-Oise
Le 29 avril à Gonesses
Le 27 mai à Goussainville
L'album The Adelians, déjà disponible en digital, sortira en CD et LP le 24 février 2017.