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Thauvin-Sanson, la vie de château

Par Maxime Brigand
6 minutes
Thauvin-Sanson, la vie de château

Un temps, Morgan Sanson aurait pu quitter Montpellier pour l’Angleterre ou l’Italie. Puis Florian Thauvin, son ancien pote du centre de pré-formation de Châteauroux, a joué le rôle de bascule pour faire venir l’international espoirs à l’OM. Retour sur quelques mois d’apprentissage commun, entre une belle gueule et une grosse tête.

Des tables dressées, un barbecue qui fume et une buvette où l’on vient se claquer des bises chaleureuses. Certains ne se sont pas vus depuis trois, cinq, dix ans. Qu’ont-ils en commun ? « Les meilleures années » de leur vie. Enfoncé dans sa chaise, Fabrice Dubois, lien essentiel de toutes les générations réunies ce jour de mai 2015, balance sa recette : « Notre objectif est de récupérer des apprentis et de faire sortir des hommes deux ans plus tard à la fin du cycle. On passe un contrat de départ ensemble, s’il est respecté, tout se passe bien. » Ce contrat, l’homme l’a passé avec plus de trois cents gamins depuis 1995. Des noms ? Valère Germain, Gilles Sunu, Karim Aït-Fana, Razak Boukari, Cédric Hountondji, Romain Grange ou encore Frédéric Bulot. Il y a maintenant près de deux ans, ces hommes se sont retrouvés à Châteauroux, histoire de fêter les vingt ans de l’Institut de football régional (IFR) où ils sont passés avant d’ensuite intégrer un centre de formation. C’était dans un stade de quartier de la ville, à Touvent, à un bon kilomètre de là où tout a commencé : un petit Clairefontaine, le château de Blanche-de-Fontarce où ils étaient réunis la semaine avant de retourner jouer pour leur club le week-end. L’endroit est situé au bout d’une route bitumée, coincée au milieu d’un vide. Un chemin qu’ont emprunté un jour Florian Thauvin et Morgan Sanson au début des années 2000. L’un venait d’Orléans, l’autre de Bourges. L’un était de la génération 93, l’autre de la 94. Tout ça, c’était avant d’exploser et de se retrouver il y a quelques jours à l’OM après la signature de Sanson, bien aidée par Thauvin. C’était hier, mais le néo-Marseillais est clair : « C’est là que mon parcours a basculé. Sans cette structure, cet apprentissage et sans Fabrice, je ne serais pas là aujourd’hui. » Voilà pourquoi.

Thauvin, la belle gueule et le bosseur

Il y a d’abord eu Florian Thauvin, arrivé à la rentrée 2006 alors qu’il joue encore au FCO Saint-Jean-de-la-Ruelle. « Gosse, il était déjà en avance, se souvient Cédric Hountondji, arrivé un an plus tard à l’IFR, mais ancien partenaire de Thauvin au FCM Ingré chez les jeunes. C’était le genre de joueur qui nous faisait gagner des matchs à la dernière minute à lui tout seul, mais qui était surtout un gros bosseur. Techniquement, il était au-dessus et terminait toujours premier aux concours de jongles. » Lorsqu’il arrive au centre, le gosse d’Orléans se met dans la chambre de l’un de ses potes, Adrien Ribac, aujourd’hui au FC Gueugnon. Il raconte : « On était très complémentaires parce qu’on se connaissait d’avant. Quand ça n’allait pas, il me remontait le moral et inversement, car il a pas mal galéré au départ avec l’éloignement de sa famille. Sérieusement, à cette époque, il était bon, mais ce n’était pas le meilleur. Son truc, c’est qu’il bossait beaucoup. Son exemple, c’était Ronaldinho, mais il était aussi pas mal attiré par le FC Nantes. Il avait un poster de l’équipe dans la chambre. » Bosseur et sérieux, voilà les principaux souvenirs laissés par Florian Thauvin à l’IFR malgré le fait que peu de clubs professionnels s’intéressent à lui.

Johann Obiang, membre de la génération 93 et aujourd’hui à l’ESTAC, reprend : « Quand je repense à Florian, c’est exactement l’exemple du mec qui ne lâchait pas lorsqu’il voulait un truc. Lorsqu’il ratait un truc à l’école, il bossait. Quand il ratait un geste, il bossait. Sur le terrain, c’était le joueur qui aimait faire la différence par le geste, pas pour te chambrer, mais juste pour éliminer. Le un-contre-un, c’était son truc. » Car le Thauvin de l’époque est déjà comme ça : à l’aise techniquement, avec une bonne patte gauche et qui n’hésitait pas à filer dans la salle à côté du centre, sans demander l’autorisation, avec d’autres pour « travailler son flip flap » , comme l’explique Ferris N’Goma, considéré comme le plus talentueux de cette génération et qui évolue aujourd’hui à Orléans. Au-delà du foot reste le souvenir d’un mec libéré, déconneur, notamment avec son pote de chambre, mais aussi belle gueule. « Totov, c’était aussi un petit kéké, on en rigolait avec lui. Il aimait bien draguer un peu, c’est un mec qui avait pas mal de succès » , rigole aujourd’hui N’Goma. Au point de piquer un jour la copine d’un coéquipier. Une virgule réussie avant de finalement atterrir à Grenoble en 2008 sur les conseils de Fabrice Dubois après un refus de Toulouse. Pour la suite que l’on connaît.

Sanson, entre Einstein et élégance

Un an après Thauvin, Morgan Sanson débarque à son tour à l’IFR. On est en 2007 et si le joueur impressionne déjà à Bourges par son élégance balle au pied, le premier souvenir laissé par le joueur à Châteauroux est souvent le même. « Morgan, il avait un caractère complètement différent. S’il était là, c’était pour bosser. Il était archi-discipliné, surtout en première année. Il s’est un peu lâché en seconde, mais c’était un mec réservé, qui restait parfois dans son coin. » , replace Obiang. Hountondji : « Il était très discret, mais aussi parce qu’il était tout petit. Ce qui m’a marqué, c’est que Fabrice, qui était quand même très sévère, l’aimait bien et donc le reprenait moins que les autres. Il avait déjà du talent, mais les clubs hésitaient à se lancer pour lui. » Il y a le Sanson du terrain, mais aussi des salles de cours, celui que Ferris N’Goma aimait appeler Einstein et à côté de qui Adrien Ribac essayait de se poser pour gratter des réponses : « Morgan était premier de la classe avec Cédric Hountondji et comme il avait un truc au-dessus des autres niveau foot, je ne peux pas être surpris de ce qui lui arrive aujourd’hui. » Résultat, après le centre de pré-formation, « Morgy » file au Mans avant de quitter le club en 2013 pour exploser définitivement à Montpellier. Deux caractères, deux trajectoires, mais une même origine. Au point de se retrouver logiquement au plus haut niveau aujourd’hui après un passage dans un centre de pré-formation qui possède le meilleur ratio de réussite en rapport avec le nombre de licenciés de sa région, loin devant Clairefontaine. C’était la vie de château, place maintenant aux retrouvailles au haut niveau.

Les notes de Sainté-Marseille

Par Maxime Brigand

Tous propos recueillis par MB.

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