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Thauvin, le bel hôte corse
Aujourd’hui adulé sous le maillot de l’OM, Florian Thauvin retrouve peu à peu les sensations qui font de lui un excellent joueur de football. Un statut qu’il avait déjà connu auparavant, quand il explosait les compteurs avec le Sporting Club de Bastia.
S’il y a bien une expression que les fans de l’Olympique de Marseille pourraient faire passer à la postérité, c’est celle de passer du coq à l’âne. Visé par la vindicte populaire après son arrivée à l’OM, Thauvin comprend que son intégration au sein de la cité phocéenne ne sera pas chose aisée. Ici, le minot est dans la tourmente médiatique et ses concurrents se nomment Dimitri Payet, André Ayew ou Mathieu Valbuena. Pourtant, le Vélodrome est une terre où Flo’Tov s’est déjà exprimé. Trois mois plus tôt, le milieu offensif du SC Bastia reçoit un ballon au milieu de terrain et vient provoquer Lucas Mendes d’une course élancée. Au bout de celle-ci, une frappe du gauche sèche et pure, dont la trajectoire débouche au fond des filets d’un Steve Mandanda impuissant malgré sa détente féline. L’espace d’un moment, Thauvin éteint la ferveur locale pour célébrer son but de façon modérée. Comme s’il souhaitait rester respectueux envers ce club qu’il chérit tout bas depuis son adolescence.
Petit frère veut grandir trop vite
Si Thauvin s’est dépucelé à Marseille sous les couleurs bastiaises, cela s’explique. En l’occurrence, la saison de Ligue 1 est sur le point de se terminer, mais la pépite de l’Île de Beauté, elle, se distingue déjà depuis deux ans. En 2011-2012, Thauvin débarque comme une promesse d’avenir. Son contrat le fait s’entraîner avec les pros, mais il passe ses fins de semaine au sein de l’équipe réserve du SCB, dirigée à l’époque par Frédéric Née. « Pierre-Paul Antonetti avait eu vent des difficultés de Grenoble et suivait bien les jeunes, se souvient l’ancien international tricolore. C’était un bon espoir, plusieurs clubs étaient sur lui à cette époque, mais nous sommes parvenus à le convaincre. » Thauvin signe pro en Ligue 2, là où les clubs de l’élite ne proposent qu’une place de stagiaire. Et pour cause, des réglages sont encore à affiner. Sur les vingt-quatre premières journées de Ligue 2, Thauvin ne participe qu’à trois rencontres. « En potentiel pur, il était au-dessus, évoque Née. Après, c’est au niveau du collectif que c’était plus difficile. Florian voulait se mettre en valeur parce qu’il voulait prouver, et il en faisait un peu trop. Au départ, il y a eu quelques doutes sur sa capacité à progresser. Et puis je l’ai placé en position de neuf et demi, presque meneur de jeu. Et là, il s’est éclaté. »
Des anciens sont aussi là pour passer le témoin à la jeunesse, comme Jérôme Rothen ou Jacques-Désiré Périatambée, trente-six ans et acteur de la montée du club en National la saison précédente. « Sa facilité à éliminer son adversaire était déconcertante, se souvient l’ancien milieu de terrain. Maintenant, je le vois avec plus de maturité dans son jeu. Il varie davantage et passe par le collectif quand la différence individuelle est trop compliquée. » Ancien buteur d’expérience au club, Née abonde en ce sens. « Quand tu es au contact des meilleurs et que tu es bon, l’apprentissage se fait vite. On était sur une bonne dynamique, cela aidait nos jeunes comme Khazri ou Thauvin à progresser plus vite. » Devenue la nouvelle vague du SC Bastia, Thauvin participe à l’accession directe en L1, auréolée d’un titre de champion de Ligue 2. En une seule saison, son contrat de trois ans pour briller en Haute-Corse est déjà une réussite.
« Florian avait tout pour plaire à Furiani »
Si la première année le propulse au rang de révélation bastiaise, la seconde sera celle de la confirmation. Adepte de la deuxième moitié de tableau pour obtenir son maintien dans l’élite, Bastia compte sur son agitateur de défenses, devenu titulaire indiscutable pour ses capacités de percussion. « Florian avait tout pour plaire à Furiani, c’est un footballeur spectaculaire qui faisait la diff’ devant, mais qui revenait défendre aussi, rembobine Périatambée. Et puis le jeu de Bastia était basé sur le contre… Pour les qualités de Florian, c’était le top. » Début 2013, Thauvin s’offre même trois doublés consécutifs en championnat face à Lyon, Valenciennes et Brest. Une performance égalée par un seul joueur en Europe : le futur Ballon d’or Cristiano Ronaldo. En pleine bourre, sa fin de saison canon le fait monter à dix buts et trois passes décisives en Ligue 1, le tout à vingt ans. « Ici, Thauvin est un garçon très gentil, très apprécié, tout le monde connaît son talent, résume Née. Il a laissé une bonne image à Bastia, même si on aurait bien aimé le garder plus longtemps ! »
Bientôt perçu comme un « sale gosse » dans le milieu du foot français, Thauvin est avant cela élu meilleur espoir de Ligue 1 2012-2013 aux trophées UNFP devant un certain Marco Verratti. Une distinction que remportera l’Italien l’année suivante, suivi par Nabil Fekir et Ousmane Dembélé. En clair, Thauvin reste le seul joueur des quatre derniers lauréats à ne pas avoir encore été appelé chez les A nationaux. « Il faut travailler encore plus, être plus efficace dans ses passes, juge Née. C’est à lui de continuer à progresser et jouer en équipe. Mais oui, je crois qu’il y a un potentiel équipe de France. » De quoi laisser espérer à moyen terme un avenir chez les Bleus. Sans la tête de Maure, cette fois.
Par Antoine Donnarieix
Tous propos recueillis par AD