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Thauvin au Mexique : El Fiasco

Par Thomas Goubin
6 minutes
Thauvin : El Fiasco

Arrivé au Mexique à l'été 2021, Florian Thauvin a vu son contrat résilié par Tigres la semaine dernière. Un épilogue abrupt pour le désormais ex-joueur le mieux payé du championnat mexicain, qui vient de se recaser à l'Udinese. Récit d'un fiasco.

Aussi belle soit la vie à Monterrey quand on est joueur de foot, les ingrédients pour y réussir n’ont rien d’originaux. Ainsi, mieux vaut-il arriver à la demande du coach, dans une équipe qui tourne et en étant en pleine possession de ses moyens. Vu sous cet angle, malgré l’accueil euphorique qui lui avait été réservé, son statut de champion du monde dont s’enorgueillissait son nouvel employeur et les bons offices de son ami André-Pierre Gignac, l’aventure de Florian Thauvin au Mexique ne partait pas du bon pied. Recruté quand le prédécesseur de Miguel Herrera était encore en poste, l’ex-Marseillais a intégré un collectif et un club en pleine transition, alors que sa cheville n’a même pas tenu le temps d’un premier entraînement. C’était à Cancun, ses palmiers, sa mer turquoise et ses hôtels grand luxe où les équipes de LigaMX préparent leur saison. Cadre idyllique pour un premier épisode malencontreux d’une histoire qui a très mal fini, avec la décision de Tigres de résilier, le 23 janvier, le contrat de celui qui était le joueur le mieux payé du championnat mexicain. Un « adiós » sans « abrazo ».

38 matchs, 8 buts, 5 passes décisives, 2 cartons rouges

« En fait, on a seulement vu quelques étincelles de sa part, regrette le légendaire Claudio Suárez, 177 sélections au compteur, mais aussi six ans chez les Tigres (2000-2005). On voyait qu’il était rapide, bon dans le un-contre-un, mais il disparaissait aussi pendant de longues périodes du match. Son rendement n’a pas été à la hauteur de ses qualités. » Pour Thauvin, les chiffres sont plutôt impitoyables : 38 matchs joués dont seulement 23 comme titulaire, 8 buts, 5 passes décisives et 2 cartons rouges. Le site EspnDeportes a même calculé ce qu’aurait coûté chacun de ses buts : 940 000 dollars (860 000 euros), alors que son salaire était évalué à 4,5 millions d’euros annuels. Au Mexique, on parle assez logiquement de fiasco. Certains le classent même dans le peloton de tête des plus grands « fracasos » de l’histoire du championnat. « Vu ce que Tigres a déboursé, c’est clairement un gros échec, mais à mon avis, son rendement a tout de même été meilleur que celui de grands noms venus en toute fin de carrière, comme Dani Alves (Pumas), Bebeto (Toros Neza), Schuster (Pumas), et même Ronaldinho (Querétaro) », relativise El Emperador, surnom de Suárez. Pour Raúl « Cora » Isiordia, autre ex-joueur du club auriazul (1982-1983) et désormais consultant pour des médias de Monterrey, l’ailier de 30 ans pourrait même plaider les circonstances atténuantes : « Florian est arrivé dans un moment de transition de l’institution, avec un changement de direction et de coach, il n’était pas un joueur demandé par l’entraîneur (Miguel Herrera), et dans le même temps, on sentait qu’il y avait des pressions au sein de l’institution pour qu’il joue, vu ce qu’il a coûté. »

Delort, Kolodziejczak et Ménez avaient déjà échoué

Entre Herrera et Thauvin, la relation n’a jamais semblé fluide. Pour l’ex-sélectionneur du Mexique (2013-2015), l’ancien Bastiais n’était souvent qu’un titulaire par défaut, comme lors de ce dernier match joué en octobre dernier à Pachuca, un quart de finale retour du championnat qu’il avait commencé, mais seulement pour pallier la blessure de Luis Quiñones. « Quand j’ai interviewé Miguel, la première chose qu’il m’a dite, c’est que Florian était un joueur qui avait peu de résistance à la douleur, confie Isordia. Il semblait considérer qu’il avait un mental trop friable, à l’inverse de celui de Gignac. » Pour Isiordia, comme pour Suárez, l’ancien de Newcastle n’a notamment pas su s’adapter aux particularismes du championnat mexicain, où l’on joue une semaine en altitude, une autre dans une chaleur étouffante et où le jeu se révèle moins vertical qu’en Ligue 1. « Et puis, à Monterrey même, il faut s’adapter au climat extrême, où il fait très chaud et parfois très froid », ajoute El Emperador.  En réalité, alors que la réussite de Gignac a conduit les recruteurs mexicains à sonder le marché français, les mauvaises pioches se sont succédé depuis. Avant Thauvin, il y avait déjà eu les échecs, pour des raisons diverses, d’Andy Delort et Timothée Kolodziejczak aux Tigres, mais aussi de Jérémy Ménez à l’América, qui avait lui aussi fini par voir ses relations se tendre avec Herrera, alors entraîneur du grand club de Mexico. Le beau destin d’APG, quatre fois champion du Mexique et vainqueur d’une Ligue des champions de la CONCACAF lors de ses cinq premières années aux Tigres (2015-2020) jette même une lumière d’autant plus crue sur les échecs de ses compatriotes.

« Tigres a eu des problèmes avec plusieurs joueurs à qui ils ont imposé des ruptures de contrat »

Malgré ses difficultés sur le terrain, Thauvin semblait pourtant bien décidé à honorer ses cinq ans de contrat. C’est en tout cas ce qui ressortait de cette interview donnée en avril dernier à L’Équipe. « Les ambiances et cette passion symbolisent l’essence même du football (…), déclarait-il. Depuis que je suis là, je ne suis pas rentré en France et je ne suis pas sûr de revenir pour les vacances. Ce sont la famille et les amis qui viennent nous voir. Ils voient et ils se régalent. J’aurais été fou de refuser ce que je vis ! » Il a pourtant bien fallu revenir. Parce que Tigres l’exigeait. Pour le club sept fois champion du Mexique, le joueur le mieux payé du championnat était devenu un poids. Au-delà de ce qu’il pouvait coûter, la rupture de son contrat a aussi permis de libérer une place d’étranger pour recruter l’Argentin Nico Ibañez, meilleur buteur de Pachuca de la dernière saison. Son remplaçant à son poste était aussi tout trouvé : l’ex-futur espoir du football mexicain Diego Lainez. « Lainez, c’est le choix du président (Mauricio Culebro) qui l’a connu à l’América, décrypte Isiordia. Et quand Diego Cocca, le nouvel entraîneur, décide de ne pas faire jouer Florian, on peut penser qu’il s’agit davantage d’une question de business que de logique sportive. »

Grand ambassadeur du Mexique et de son football en France, Gignac a peut-être toutefois omis de préciser à ses compatriotes à quel point la direction des Tigres peut se montrer aussi impitoyable au moment des séparations que généreuse sur le montant des contrats. « Tigres a eu des problèmes avec plusieurs joueurs à qui ils ont imposé des ruptures de contrat », souligne Claudio Suárez. Parmi les victimes récentes, on peut citer le Nigérian Ikechukwu Uche, arrivé au club en même temps qu’APG et dont le contrat avait été résilié un an plus tard alors qu’il avait enchaîné les blessures au genou. Aujourd’hui, Uche réclame 4,5 millions d’euros au club auriazul devant le TAS. Le même tribunal avait condamné le club en 2014 à verser plus de 2 millions d’euros à José Pékerman, licencié alors qu’il venait de sauver le club de la descente.

Thauvin s’est lui aussi entouré d’avocats alors que le club aurait argué d’un « rendement insuffisant » pour justifier la rupture de son contrat, selon Willie Gonzalez, journaliste de Multimedios, média de Monterrey. Le lendemain de l’annonce de la résiliation de son contrat, qu’il contestait alors, il s’est ainsi présenté à l’entraînement accompagné de son défenseur afin d’éviter qu’on puisse l’accuser d’abandon de poste. « Tigres l’a enregistré pour la saison, puis ne l’a pas fait jouer, rappelle Isiordia. Dans ces circonstances, je ne vois pas comment le club peut arguer légalement de son rendement insuffisant, puisqu’il n’a pas eu l’opportunité de s’exprimer. » Quoi qu’il en soit, un accord sur le montant de l’indemnité aurait été trouvé le 26 janvier (son agent, Cyril Rool, n’a pas répondu à nos sollicitations). Épilogue légal d’une relation frustrante pour les deux parties.

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Par Thomas Goubin

Tous propos recueillis par TG

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