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Tévez, grand retour, grand pardon ?
L'Argentine l'attendait, Martino l'a fait : Carlos Tévez est de retour en sélection, après trois longues années d'absence. Le buteur de la Juve commencera ce soir face à la Croatie un nouveau cycle avec l'Albiceleste. Celui du pardon ?
Et un, et deux, et trois défenseurs. Avec un grand pont et un « plat du pied sécurité » pour conclure, peinard. Avant de prendre l’avion pour Londres, Carlos Tévez a rappelé qu’aucun défenseur de Serie A n’était capable de l’arrêter depuis son arrivée à la Juve. Et certainement pas ceux de Parme, corrigés par l’Argentin et ses compères d’attaque le week-end dernier. Dix journées, huit buts. Plus deux en C1. El Apache est dans le rythme de son excellente saison dernière, et plus généralement de toute sa carrière depuis ses débuts à Boca Juniors, en 2001. La nouveauté vient d’ailleurs : de cette Argentine vice-championne du monde. Plus qu’une nouveauté, c’est un renouveau. Le Tata Martino a remplacé Sabella, et pour la première fois depuis plus de trois ans, Tévez a été convoqué avec l’Albiceleste. Dès son arrivée dans la capitale anglaise, où l’Argentine affrontera la Croatie ce soir, Carlitos a dit ce que tout le monde voulait entendre : « Avant, quand j’étais convoqué en sélection, je ne me rendais pas compte d’où j’étais. Maintenant, je sais qu’être là est une récompense. » Une première façon de demander pardon, en attendant la deuxième, plus intéressante, plus excitante, plus incertaine aussi. Sur le terrain.
« AvecEl Apache, c’était une autre histoire »
Ce retour du « joueur du peuple » , le pays entier l’attendait. Depuis qu’Agüero a raté son Mondial, Higuaín son face-à-face avec Neuer et Palacio son lob sur le géant allemand (s’il la joue au sol…), plus personne n’en doute : avec Tévez au Brésil, l’Argentine aurait trois étoiles sur le maillot. Dans un premier temps, Sabella avait pourtant gagné son pari : l’absence en sélection de l’un des meilleurs attaquants du monde, très largement commentée pendant trois ans, et plus encore entre l’annonce de la liste des 23 sélectionnés et le début du Mondial, était passée inaperçue. Des premiers buts de Messi aux ratés du Maracanã, personne n’a parlé de Carlos Tévez. Le talent, la réussite et le bilardisme moche mais efficace de l’Albiceleste l’ont envoyée en finale. Sauf qu’à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne. Les Argentins ont bien été accueillis en héros à Buenos Aires, Messi et Mascherano en tête, mais dans la rue, dans le métro, dans les cafés, lors des asados, tout le monde était soudainement d’accord : « AvecEl Apache, c’était une autre histoire… » .
Trop gros, trop exigeant
Sabella s’en est allé, Grondona est décédé et Martino est arrivé. Le débat a donc refait surface dans les médias locaux : Tévez va-t-il revenir ? Doit-il revenir ? On le savait, il plaît au Tata. Après quelques convocations sans lui, le revoilà, au côté du « numéro un » . « J’ai toujours dit que Leo était le meilleur. » La première photo qui a agité la presse montre d’ailleurs le buteur de la Juve et celui du Barça morts de rire, sur la pelouse de Rush Green, le centre d’entraînement de West Ham.
Depuis que ce Tévez hors de forme et en surpoids a raté son péno face à l’Uruguay et éliminé l’Argentine chez elle (Copa América 2011), tout (dont pas mal de n’importe quoi) a été dit sur lui : une mésentente avec Messi, des tensions avec le groupe, des embrouilles avec feu Grondona, des enjeux politiques. Après avoir quitté son poste en 2011, El Checho Batista avait lâché une bombe : Tévez, on le lui avait imposé. Lui ne voulait pas d’un mec trop gros et bien trop exigeant à son goût (être titulaire, être seul dans sa chambre). Son successeur, Sabella, a fait le pari de l’état d’esprit, considérant qu’il était suffisamment pourvu en attaquants de classe internationale. Pari presque gagné, jusqu’à ce que ses fidèles le trahissent en finale, donc. Mais Martino, lui, est formé à l’école Bielsa. La réputation du joueur, il s’en moque. Tant qu’il respecte ses consignes et entre dans son système.
Une dette sportive avant tout
Un système à une seule pointe. Tata l’a dit : sauf cas exceptionnel, un seul des trois goleadores argentins jouera devant Messi. Higuaín, Agüero et Tévez devront donc convaincre leur coach qu’ils sont à la fois le plus efficace face au but et le plus complémentaire avec le quadruple Ballon d’or. Et c’est là que Carlitos a tout à prouver. Son attitude et ses déclarations ( « la sélection argentine te fait perdre du prestige » , « la sélection ne me manque pas, je suis plus tranquille à la regarder de l’extérieur » ) auraient dû lui fermer la porte para siempre dans un pays où on ne badine pas avec les emblèmes nationaux.
Mais il est « le joueur du peuple » , alors on lui pardonne tout, à l’inverse d’un Messi pourtant autrement plus engagé et efficace. La plus grande dette de Tévez envers sa sélection est sportive : champion avec presque tous les clubs où il est passé (sauf West Ham, qu’il a sauvé du maintien), vainqueur de tous les titres imaginables (Libertadores, Sudamericana, Intercontinentale, C1, Mondial des clubs), il n’a en revanche jamais vraiment confirmé avec le maillot blanco y celeste. Des titres chez les jeunes, des JO et 13 petits buts en 64 sélections, dont aucun déterminant. C’est peu. Mais à 30 ans, l’Apache se prétend désormais mature et reconnaissant. Sa dernière chance en sélection commence ce soir au Boleyn Ground de West Ham. Où il ne devrait pas manquer de repères.
Par Léo Ruiz