Depuis combien de temps vous connaissez-vous ?
Lucio Bukowksi : Oula… Alors moi, ça fait depuis 2009. Mais vous vous connaissiez déjà un peu avant, hein ?Anton Serra : Moi, j’ai rencontré Oster Lapwass en 2003. Et Lucio a rejoint l’équipe en 2009, oui. C’est un des derniers arrivés dans L’Animalerie.L.B. : Oui, je suis arrivé à peu près en même temps que Nadir, on est dans les derniers. Je suis même arrivé après lui, il me semble.
Et depuis combien de temps vous rappez ?
L.B. : (Il hésite).
A.S. : Depuis 15 ans, tu dis dans un texte. J’rappe depuis 15 ans, donc rien à foutre des têtes de nerds ! C’est toi qui l’dis ! Faut suivre, hein !
L.B. : Ouais, c’est ça, depuis la fin du collège. 1998 en gros.A.S. : Et bien moi, ça doit faire depuis 1996 au moins. Enfin tu sais, au début, tu rappouilles, en fait.
Justement, comment on commence à rapper ?
A.S. : Moi pour ma part, c’est venu avec le graffiti, le tag, en squattant dans les parcs. Avoir même plus de piles pour son poste, faire le beat box… Enfin tu vois, c’est venu vraiment pour pallier un manque de musique. J’en avais besoin.
L.B. : Moi, ça m’est venu par l’écriture. Assez jeune, j’écrivais des poèmes, des conneries, des nouvelles. En même temps, j’avais cette culture rap à côté. Et puis un beau matin, je me suis dit que j’allais écrire un texte de rap. Et puis un deuxième, et puis un troisième. C’est la musique qui m’entourait. Moi, je viens de Saint-Priest, c’est ce qu’écoutaient les gens autour, dans mon quartier. Un texte après l’autre. Après, ce qui m’intéressait avant tout, c’était l’écriture. J’ai pas rappé jusqu’à très tard. Rapper, enregistrer des trucs dans un micro, ça m’est plus venu en 2003/2004. Mais j’écrivais des textes avant ça.
Cet album, La Plume et le Brise-Glace, c’est une nouvelle collaboration entre deux artistes qui travaillent souvent ensemble au sein de L’Animalerie, non ?
L.B. : Des morceaux ensemble, on a dû en faire plus de vingt. Et y en aura encore beaucoup d’autres. Mais tu vois, on ne s’est pas dit : « Viens, on fait du rap ensemble » . On le fait parce qu’il y a une vraie entente humaine. On est devenus assez vite vraiment potes, et donc ça s’est fait vraiment naturellement. À aucun moment, on a pensé : « Viens, on fait des trucs ensemble parce que ton style, il va bien avec mon style » . C’est un truc pas calculé du tout. Les morceaux se sont faits les uns après les autres.
Oster Lapwass : Vous avez aussi les mêmes goûts niveau prod’ ce qui facilite vachement les collaborations.L.B. : Oui, c’est vrai. À l’origine, on choisissait souvent des prods’ un peu similaires, ce qui a joué, c’est clair.
D’ailleurs, pourquoi La Plume et le Brise-Glace ?
O.L. : Et pourquoi pas ?A.S. : En fait, ça découle un peu du poète et du vandale. C’est même comme ça qu’on voulait appeler l’album à la base, mais comme on avait déjà un morceau titré comme ça, on a changé. Moi, j’estime que Lucio est plus vandale sur certains titres que moi j’ai pu l’être sur certains murs.O.L. : C’est une globalité, tu vois. C’est-à-dire qu’Anton n’est pas le brise-glace et Lucio n’est pas la plume.L.B. : Justement, le but, c’était qu’en écoutant l’album, les gens se perdent, que les pistes soient un peu brouillées. On s’attend à ce que je fasse des textes ultra littéraires et qu’Anton fasse des textes bien sauvages. Et dans l’album, on remarque qu’en fait, c’est souvent l’inverse. J’ai pris d’Anton et il a pris de moi. On s’est mélangés.A.S. : On a mélangé les fluides !
Donc aucune ligne directrice n’a guidé l’album ?
L.B. : La ligne directrice de cet album, c’était de ne pas s’imposer de ligne directrice. Musicalement, au niveau textuel, au niveau des ambiances, au niveau des thèmes, on a essayé de varier.A.S. : Tout se croise et s’entrecroise, en fait.L.B. : C’est impossible de se dire qu’on fait un album concept. Les idées fusent, Yann retouche une prod’ et puis on la retouche encore derrière en fonction du texte qui va être posé dessus et c’est vraiment difficile de savoir à l’avance.A.S. : C’est une aventure sur chaque track. Et puis il faut que ça plaise à tout le monde. Il faut que ça plaise à Lucio, à Oster et à moi.
O.L. : Y a même une chanson, je ne vais pas te dire laquelle, que moi je n’aimais pas trop. Lucio était moyen partant aussi. Et pourtant on a de très bons retours. Elle marche bien.L.B. : Donc pas de ligne directrice. Y a plein d’expériences, les morceaux sont très différents les uns des autres. Y a une succession de morceaux qui n’appartiennent pas du tout au même monde. Je pense que c’est ce que les gens attendent aussi. Ils en ont sans doute marre des albums sur lesquels les mecs font uniquement ce qu’ils savent faire, sans jamais se mettre en danger. Moi, je trouve que sur cet album, on s’est tous bien mis en danger. On essaye des choses. Mais on ne fait pas des trucs chelous juste pour être chelou non plus.
Et l’inspiration, vous allez la chercher où ?
L.B. : Moi, je vais la chercher partout : dans la musique, dans l’écriture, dans…A.S. : Dans la vie en fait. Tes expériences de vie, la famille, tes relations. Et mon chat.L.B. : C’est tellement complexe d’expliquer tout ça. C’est comme si je te demandais de m’expliquer, à partir de l’âge de tes 13 ans, comment t’es arrivé à ce coin de rue, à bosser pour So Foot et à nous interviewer.
Et justement, quel est votre rapport au foot ?
O.L. : Nous trois, on n’est pas amateurs de foot.L.B. : C’est plus qu’on vient d’autres trucs en fait. Moi, je viens du basket, je crois que Yann aime beaucoup ça aussi.A.S. : Amélie Mauresmo franchement, je la kiffe. Non, plus sérieusement, moi j’ai arrêté le foot parce que ça devenait trop championette franchement. Les gamins, ils prenaient 50 francs par leurs parents s’ils plantaient un but, quoi.L.B. : T’es sérieux ?!A.S. : Ouais, dans mon club, je t’assure, c’était ça. Après voilà, j’aime bien regarder un beau match, comme tout le monde. Mais on ne milite pas, on va dire. Moi, les stades et tout, ça m’attire assez peu.L.B. : Tiens, en revanche, on a vu Ludovic Giuly en sortant du train ! Moi, je l’ai reconnu directement.
Pourtant, vous étiez à Lyon pendant la belle période de l’OL…
O.L. : Ah, pendant les 7 fois machin truc… Oui, mais si tu regardes bien, Lyon ça n’a jamais été une ville de foot. Et ça ne le sera jamais. Donc dans notre culture, ça joue. Tu vas à Sainté, ils sont football à fond, tu vas à Marseille, ils sont football à fond. Mais pas chez nous.A.S. : Non attends, à Lyon, t’as quand même une grosse base de supporters ! Y a quand même une sacrée communauté.O.L. : T’en connais beaucoup, toi, des Lyonnais fans de l’OL ?L.B. : Ah bah ouais, à fond !A.S. : Les mecs vont à la pêche avec le T-shirt de l’OL et tout !O.L. : Faut dire que moi, je suis pas trop au courant, je ne sors pas beaucoup. Mais j’ai une anecdote foot ! Grâce à nous, grâce à L’Animalerie, j’ai un pote qui lui est ultra foot, qui s’occupe de mon site, de nos ventes de CD, il s’appelle Thomas Blanchet, qui est allé au match OM-PSG au Vélodrome la semaine dernière. Il est très très foot.
Comment s’est fondé le collectif L’Animalerie ?
O.L. : C’était pas vraiment un collectif. Le collectif, c’était déjà la fin du truc. Parce qu’à un moment, on a compris que c’était plus simple pour plein de raisons de devenir un collectif. Mais on faisait du son ensemble depuis super longtemps. J’avais un appartement en centre ville tout le temps disponible avec une voisine pas chiante à l’époque. On pouvait faire du son jusqu’à 3 heures du matin, on était très libre. Au tout début, j’étais avec Kacem Wapalek. J’étais à la fac avec lui. Ensuite y a eu Anton, Hakan, Ilenazz. Je les connais vraiment depuis un moment. Missak, je l’ai connu, il avait 17 ans.Missak : Ouais, moi, j’avais 17 ans.O.L. : Après, on bossait pas forcément ensemble. Voilà, on se connaissait, je les trouvais forts. Puis petit à petit, voilà, ça s’est fait assez naturellement. C’est compliqué de résumer ça. On voulait que ça avance, bien évidemment, mais y avait aucune stratégie derrière tout ça. C’est quand même mieux d’avoir du monde quand t’es un rappeur. Moi, j’ai tout de suite vu que Kacem et Anton étaient contents de se trouver, par exemple. C’est une émulation, c’est moins chiant que de se retrouver tout seul.
Et l’idée de mettre en ligne des freestyles sur Youtube, elle est venue comment ?
O.L. : Alors ça, c’est pareil, y avait aucune stratégie. En fait, Anton était à l’époque saisonnier à Valmeinier. On n’avait pas de studio, pas de micros, rien. On aimait bien se voir chez moi et se faire écouter des trucs. On se posait, ça rappait le nouveau texte. Un jour, Anton est passé et on s’est dit qu’on allait filmer ça avec mon vieux caméscope. Et on a partagé ça. Mais, à la base, c’était juste pour que nos autres potes le voient. On rappait depuis super longtemps, mais on faisait encore aucun concert ni rien. La première vidéo, c’était avec Anton, elle doit dater de 2008.A.S. : Chez Yann (Oster Lapwass, ndlr), moi, j’ai commencé à rapper en 2002, 2003. Donc tout ça s’est fait bien sur le tard, en fait.
O.L. : Cette semaine-là, on a dû faire 300 vues. On s’est dit qu’on était pas les seuls à regarder nos vidéos ! Nous, on se regardait pas ça en boucle, hein !L.B. : Et puis, c’était pas la mode à l’époque de faire des vidéos maison comme ça.
Un mot pour la fin ?
L.B. : Moi, je veux quand même préciser que dans l’album, il y a Baptiste, notre guitariste, qui joue quand même sur neuf morceaux. Il a apporté énormément sur le côté musical. Alors merci, Baptiste Chambrion.O.L. : Tiens, ça sonne bien jazz, Chambrion.
L’album La Plume et le Brise-Glace est disponible à la vente ici.
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