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« Au Pays basque, on est tous attachés à la Real Sociedad »
Dans un Pays basque français privé de représentants au plus haut niveau, la Real Sociedad fait souvent office de club de cœur. Véritable garant de l'identité basque, le club txuri-urdin attire régulièrement les foules à travers la frontière, jusqu'à Anoeta. Témoignages.
→ Aitzol, 26 ans, éducateur scolaire
« Je supporte la Real Sociedad depuis que je suis tout petit, j’ai des photos de moi avec le maillot à 4 ou 5 ans. J’habite à Hendaye, c’est à 30 minutes. Toute ma famille vit de l’autre côté, à 10 minutes de San Seb (Saint-Sébastien, NDLR). Parmi mes amis, pas mal suivent la Real Sociedad ou l’Athletic, je ne connais pas énormément de monde qui suit Bordeaux. Je suis beaucoup plus le football espagnol, en France à part les gros matchs comme PSG-OM, je regarde très rarement. C’est aussi pour son identité basque que je suis le club. Au début, c’était surtout pour la proximité et de par ma famille, mais après, ce sont des idées totalement contraires au PSG comme le fait de prendre des gens d’ici pour les former qui m’ont convaincu. Il y a beaucoup de jeunes qui sont d’ici dans l’équipe première, il y a une culture derrière, les supporters ont une identité basque aussi, tout est lié à ça. En ce moment, il y a Oyarzabal, qui est le capitaine et le joueur auquel tous les jeunes du coin s’identifient. Il a commencé à Eibar, qui est juste à côté. Il est arrivé très jeune à la Real, c’est lui qui représente le mieux le club. Il parle basque aussi, ça y fait.
Je vais de temps en temps à Anoeta, en général avec des copains. Je voulais m’abonner, mais il y a une liste d’attente d’environ 3000 personnes… À Hendaye, il y a le topo, le petit train qui t’amène jusqu’au stade. À chaque fois, sur place, je retrouve plein de gens d’Hendaye avec qui j’ai fait du football. Tu vois les gens avec les maillots et les écharpes, le train part, rempli de Français qui viennent supporter la Real, on voit toujours les mêmes têtes. Il y a une très bonne ambiance dans le topo, ça chante et ça rigole. Mon meilleur souvenir au stade, c’est le match de cette saison contre Benfica, l’ambiance était incroyable. Il y avait 3-0 après 20 minutes, ils jouaient super bien. J’espère que ce sera pareil contre le PSG. (Rires.) »
→ Sacha, 23 ans, étudiant à Biarritz
« Je suis basque de naissance, mes parents sont bayonnais, mes grands-parents aussi, donc ce sont des valeurs qui pour moi sont toutes naturelles. Mon père et mon grand-père ont été socios dans leur jeunesse, donc même si on est dans une famille de fans des Girondins, on a toujours eu des atomes crochus avec ce club. Ce qui nous lie encore plus, c’est que la Real recrute pas mal dans le Pays basque français. Nous, jeunes footballeurs de la région, si on a joué à un bon niveau, on a eu l’occasion de porter les couleurs de la Real dans des présélections, on est régulièrement invités à des tournois à Zubieta (le centre de formation du club, NDLR), etc. Je suis joueur et maintenant entraîneur aux Genêts d’Anglet, qui est le club partenaire principal de la Real en France. Ça rajoute à cette identité locale. Nous, les Basques, sommes très attachés à nos valeurs et à notre culture, donc avoir un club proche, qui les partage, c’est très important. On est très fiers, parfois même trop, comme les Corses ou les Bretons dans une moindre mesure. On le sait, ça fait partie de nos qualités et de nos défauts. Il y a aussi eu Antoine Griezmann, c’est un peu le lien qui a unifié tout ça. Avoir une pépite française qui sort de la Real, qui a été au lycée à Bayonne, pour les habitants des environs, c’est la porte d’entrée pour suivre ce club.
Le Guipuzkoa, c’est vraiment une province où tu es basque, et ensuite tu es français ou espagnol. Donc une fois que tu adhères à nos valeurs, que tu sois né au Japon et que tu t’appelles Takefusa Kubo ou à Brest, tu peux faire partie de la famille. L’exemple parfait, c’est David Zurutuza, un Français qui a joué dans les années 2010, mais il était tellement adapté à l’équipe que les Espagnols n’ont même plus calculé qu’il était français. On se mélange tout le temps avec les Espagnols, et ça paraît normal. Par exemple, je joue souvent contre le club d’Hendaye, les Églantins, et quand tu es joueur, c’est très perturbant : les coachs parlent basque, le gardien va parler français, tu as le latéral droit qui engueule son pote en français et l’autre répond en espagnol… Mais tout le monde se comprend et s’apprécie, c’est tout un mélange. À partir du moment où tu es droit dans tes baskets et que tu respectes les institutions et les légendes du club, il n’y a pas de problème. Les Basques sont un peu froids au premier abord, mais dès que tu as fait tes preuves, tu es adopté. »
→ Peio, 31 ans, géomètre
« Au Pays basque, on est tous attachés à la Real Sociedad ou à Bilbao. Je joue au football depuis gosse, et les premiers matchs que j’ai pu aller voir, c’était à Anoeta. Clairement, ici, on a cette identité d’être plus attachés au Pays basque, donc on se tourne naturellement vers ces clubs-là. Déjà, on partage la même langue, ainsi que la proximité. C’est culturel. Côté français, les clubs les plus proches sont Bordeaux et Toulouse, mais personnellement, je ne m’identifie pas du tout à ce genre de club, je me sens bien plus près de la mentalité de la Real ou même de l’Athletic par rapport à la langue basque, qu’on pratique au quotidien et même sur les terrains de football. Tous les gros clubs du Pays basque français sont affiliés à la Real ou à l’Athletic, les jeunes intègrent plus facilement leurs centres de formation que Toulouse ou Bordeaux. Donc à chaque fois qu’on fait des sorties football entre copains, c’est là-bas qu’on va.
Il y a vraiment pas mal de monde qui va à Anoeta depuis la France, ça nous arrive régulièrement de croiser des têtes connues. Au Pays basque, on est souvent dans des petits villages où on se connaît entre nous. J’essaie d’y aller régulièrement, j’y étais mardi pour la demi-finale (de Coupe du Roi, perdue aux tirs au but contre Majorque, NDLR). Je suis aussi allé les voir en Ligue des champions contre l’Inter et plusieurs matchs de championnat, j’ai aussi fait le déplacement à Osasuna pour le derby. Je ne suis pas abonné, car je jouais au football jusqu’à 20 heures jusqu’à récemment, mais maintenant que j’ai arrêté, je me suis inscrit sur la liste d’attente en espérant que ça se débloque l’année prochaine ou celle d’après. »
→ Andoni, 21 ans, étudiant à Poitiers
« Je suis la Real Sociedad depuis 5, 6 ans, c’est une équipe que j’ai pu connaître grâce à mon père qui habite au Pays basque. Il m’a emmené plusieurs fois à Anoeta. Ça m’a tout de suite pris de voir une équipe avec un vrai projet sportif, mais surtout cet ADN basque au sein de l’effectif. Saint-Sébastien est la grande ville proche de la frontière, tu es au stade en moins d’une heure. Côté français, il n’y a pas beaucoup de clubs à part peut-être le Pau FC en Ligue 2, mais qui est monté il n’y a pas longtemps. Dans tous les clubs basques, il y a toujours cet ADN, donc il y a beaucoup de Français qui suivent ces clubs-là. On le voit au niveau du recrutement, même si c’est moins strict chez la Real que l’Athletic : il y a toujours cette volonté d’avoir un pourcentage de joueurs basques, comme Merino par exemple, même s’il est formé à Osasuna.
Je vais au stade dès que je descends à Bayonne en vacances chez mon père, tous les trois ou quatre mois. J’y étais en début d’année par exemple pour un derby contre le Deportivo Alavés. À chaque fois que j’y vais, je discute avec des Français sur place, si on veut suivre le football, on n’a pas le choix, et comme l’équipe est compétitive, ça ramène plus de gens. Plusieurs Français ont marqué l’histoire du club, mais on les voit plutôt comme des Basques, comme Zurutuza notamment. Il n’y a pas de différence entre Français et Espagnols. Le Normand, même s’il est breton, on le prend pour un Basque aujourd’hui. Ce qu’ils regardent avant tout, c’est si tu t’adaptes à l’ADN du club. »
Par Tom Binet
Propos recueillis par TB.