- Ligue 2
- J20
- Valenciennes-Le Mans
Teddy Chevalier : « J’ai toujours la force de ne jamais baisser les bras »
Revenu dans son club formateur l'été dernier, Teddy Chevalier fait cette saison le bonheur de Valenciennes, avec qui il enchaîne les prestations de haute volée depuis quelques semaines. À 32 ans, l'avant-centre possède un parcours atypique avec des passages par la Belgique, les Pays-Bas, la Turquie et un paquet de galères à affronter. Entretien avec un homme qui croit au destin.
Le VAFC connaît un coup d’arrêt depuis le début d’année avec une défaite en Coupe de France face à Dijon (1-2) et une autre à Nancy (1-0) en championnat, alors que vous aviez terminé 2019 en boulet de canon. Comment est-ce que tu expliques cela ? Lors de ces deux derniers matchs, je considère qu’il y a eu une part de malchance. Contre Dijon, nous méritions la victoire étant donné notre match sur le plan collectif. Malheureusement, nous donnons deux buts assez faciles à l’adversaire. Contre une Ligue 1, ça ne pardonne pas. À Nancy, c’était différent : notre première période n’a pas été bonne, puis nous sommes revenus plus conquérants après le passage aux vestiaires. Je marque un but valable qui peut nous permettre d’égaliser, mais les arbitres ont décidé de le refuser. Finalement, cela nous fait deux défaites, mais sur l’ensemble, je pense qu’on méritait mieux. Notre jeu est stable, je suis confiant pour la suite. Là, nous recevons Le Mans et nous souhaitons repartir sur une dynamique de victoire.
Pour toi, les choses se sont bien passées lors de cette première partie de saison : tu en es à neuf buts marqués en 20 journées de Ligue 2, dont six inscrits sur les six dernières journées. Tu as même été élu deuxième meilleur joueur de Ligue 2 en décembre derrière Florian Sotoca… Qu’est-ce qui te rend aussi efficace à l’heure actuelle ? Déjà, je crois que revenir dans ma région natale me fait plaisir. Il m’a fallu un certain temps d’adaptation, comme toujours quand j’intègre un nouveau club. Aussi, ma préparation d’avant-saison n’a pas été hyper bonne, j’ai dû m’entraîner seul pendant trois semaines, car Courtrai ne voulait pas me laisser partir alors qu’au départ, j’avais
établi un accord de principe avec le directeur sportif (Matthias Leterme). Ils voulaient obtenir une somme que je ne trouvais pas honnête par rapport à mon statut, donc j’ai fait comprendre que je n’étais pas d’accord. J’ai bossé dans l’ombre avec un préparateur physique qui me donnait un programme à suivre à domicile, mais ce n’était pas la même chose que de s’entraîner avec les autres. Quand tu es footballeur, tu sais que la course et les exercices à la maison ne remplacent pas le fait de toucher le ballon. Une fois sur le terrain, je suis un chien, un compétiteur. Quand tu me vois sur la pelouse et en dehors, je ne suis pas la même personne. Je suis heureux de pouvoir aider l’équipe, mais je n’oublie pas que l’essentiel doit être la performance collective. J’ai envie que notre deuxième partie de saison soit une réussite.
À 32 ans, tu es déjà un footballeur expérimenté… Quand on t’observe face à la caméra, tu dégages un côté sanguin. C’était quoi la vie du jeune Teddy Chevalier à Denain, avant de signer à Valenciennes ?J’habitais dans une banlieue proche de Denain, au Faubourg Duchateau, dans une famille soudée. Si tu m’offrais un ballon pour mon anniversaire, j’étais le plus heureux du monde. J’adorais jouer au foot avec mes frères et j’avais ce rêve de devenir footballeur professionnel. À force de jouer avec les grands, je devenais fort. Malheureusement, j’avais une vie de famille déjà bien avancée : mes grands frères travaillaient, mes parents aussi… C’était compliqué de m’amener aux entraînements, car c’était plusieurs fois par semaine. J’avais déjà eu quelques contacts avec Valenciennes, mais je devais rester dans mon club de l’US Denain. Grâce à David Gilberto, j’ai pu signer à Cambrai qui jouait en U18 nationaux. Lors de notre premier match amical, on fait 4-4 et je marque les quatre buts. L’entraîneur de la CFA2 demande à me faire monter dans le groupe de l’équipe première, puis tout s’enchaîne très vite. J’ai sans doute eu une part de chance, mais j’ai aussi su m’accrocher pour rester dans le monde du foot professionnel.
Au VAFC, tu régales en réserve (18 buts en 28 matchs), mais Antoine Kombouaré ne se décide pas à te donner une chance en équipe première. Pourquoi tu penses ne pas avoir eu la possibilité de montrer un minimum ton talent ? C’est un tout. Le club était en Ligue 1, il y avait de très grands joueurs, et le centre de formation n’était pas aussi performant qu’aujourd’hui. Tout se passait au stade. Au départ, je ne demandais pas à signer pro et à jouer à côté de Steve Savidan en match. Mon souhait, c’était de m’entraîner avec eux pour apprendre à leurs côtés. Mais Antoine Kombouaré voulait que je prouve encore un an, et Gueugnon est venu me proposer un contrat professionnel. Là, je n’ai pas hésité, car le train ne peut passer qu’une fois. À Valenciennes, il faut savoir que je travaillais huit heures par jour en tant que chaudronnier avant d’aller à l’entraînement. Mon patron de l’époque m’avait embauché, je pensais enchaîner sur un bac professionnel au cas où le football ne marcherait pas. C’était usant au quotidien, surtout que d’autres coéquipiers touchaient plus que moi pour jouer au football. Finalement, je pense que ce choix était payant.
Tu pars donc à Gueugnon, en Ligue 2. Malheureusement, le club descend en National en fin de saison, puis tu décides de partir à Boussu-Dour à six mois de la fin de ton contrat. Ça ressemble à quoi, la D3 belge ?Je dirais que ça correspond à la CFA française. Ce choix de partir à Boussu-Dour, c’était un coup de poker. À l’époque, cela n’allait pas bien à Gueugnon, car nous étions aussi dans les dernières places de National, et mon temps de jeu était moyen. Un jour, mon agent m’appelle et me dit que le club était intéressé par mon profil depuis mon passage à Valenciennes. Là-bas, je savais qu’il y avait Stéphane Coque et Orlando Silvestri (deux anciens joueurs du VAFC, N.D.L.R.). J’y vais, mais je me blesse d’entrée. Il y a beaucoup de combat sur le terrain. Sur mon premier match, le défenseur me marche sur la cuisse. J’avais l’impression qu’il venait de me rentrer cinquante centimètres de crampons ! Malgré cela, j’ai su avoir le déclic au bon moment. J’ai explosé les compteurs et cela s’est mis à bien remarcher sur le plan personnel.
Tu te fais repérer par un recruteur de Zulte-Waregem lors du tournoi d’accession à la deuxième division belge. Tu as alors 22 ans. Quelles sont tes ambitions à ce moment-là ?Je n’ai pas d’arrière-pensée, je me dis juste que je reviens de loin et que je suis heureux d’être là. Quand je lis les journaux, on me considère comme un petit jeune, un garçon sans réelle expérience qui devrait servir de doublure… Ces mots-là, je m’en suis servi pour me booster et me dire qu’au moment où le coach me donnerait ma chance, je la saisirais. Dès la préparation d’avant-saison, je commence à marquer. Plus les matchs avancent, plus je prends confiance. Contre Bruges, je marque juste après mon entrée en jeu. Pour mon premier match de championnat en tant que titulaire,
je marque aussi. Je m’installe et je réalise une première saison satisfaisante. En plus de cela, j’entends que Bruges et Cologne s’intéressent à moi.
Malheureusement pour toi, l’incendie de ta voiture dans le garage de tes parents va te brûler les deux jambes et t’éloigner des terrains pendant plusieurs mois… Quel était l’état de ta blessure et comment es-tu parvenu à surmonter cette épreuve ?C’était très dur à encaisser. Le truc le plus fou, c’est que Vincent Mannaert (l’ancien directeur sportif de Zulte, aujourd’hui à Bruges, N.D.L.R.) m’avait appelé une heure avant l’accident pour me dire que le FC Bruges était en passe de me faire une proposition de contrat. J’avais la cheville et le bas du mollet gauche brûlés au troisième degré. Tous les trois jours, j’allais à l’hôpital pour me faire gratter la peau et soigner ma greffe prise depuis ma cuisse sur ma cheville. Dans mon malheur, le médecin m’a quand même dit que j’avais eu de la chance, car si la brûlure avait été plus importante, ma carrière était finie. J’aurais marché en boitant tout le reste de ma vie. J’ai pris cela comme une source de motivation afin de revenir plus fort sur les terrains. En réalité, c’est un rituel de ma carrière : je rencontre des difficultés, mais j’ai toujours la force de ne jamais baisser les bras. Je ne laisse pas de place au doute et je sais ce que je vaux.
Tu es également passé par l’Eredivisie (au RKC Waalwijk) et la Süper Lig (au Çaykur Rizespor). Dans toute ta carrière, quels sont les joueurs qui t’ont le plus impressionné ? Youcef Atal à Courtrai, sans hésiter. Nous savions le potentiel qu’il avait, et maintenant, je ne suis pas surpris de le voir atteindre un tel niveau. Honnêtement, je m’attends même à le voir aller encore plus haut, car il a des qualités de malade. En Turquie, j’ai joué contre Aurélien Chedjou que je connaissais depuis son passage à Lille. En Belgique, il y avait aussi Mitrović à Anderlecht… Je vais peut-être te surprendre, mais je regarde très peu le football à la télé. Du coup, récupérer le maillot d’Eto’o ou de Van Persie à la fin du match, je m’en fous. Ce n’est pas mon style, je ne suis impressionné par personne. Quand je suis de retour à la maison, j’aime voir mes proches et me poser tranquille devant un film. Et puis quand j’en ai assez de regarder la télé, je vais aller sortir courir ou me faire un petit entraînement de boxe. En fait, je dois être une sorte d’hyperactif, car je n’aime pas rester longtemps au même endroit. J’ai besoin de bouger.
Propos recueillis par Antoine Donnarieix